Chapitre 1
― Et merde !
Le sapin git au sol dans une mare d'aiguilles et de paillettes. Toutes mes jolies boules en verre ont explosées dans un grand fracas. Je ne peux que constater l'étendue des dégâts. J'avais tout juste fini d'accrocher fièrement l'étoile au sommet du conifère lorsque, ô idée combien stupide, j'ai décidé de décaler le pied de l'arbre de quelques centimètres. Le sapin s'est mis à pencher dangereusement et je n'ai rien pu faire pour arrêter sa chute. Bon, d'accord, j'aurai pu tenter de le rattraper, j'ai même essayé, mais merde, les aiguilles, ça pique. Bref, toujours est-il que toute ma déco est à recommencer.
Je jure comme un charretier et remettant l'arbre droit. Toutes les guirlandes pendouillent lamentablement. Le hall d'entrée que je suis censée décorer est tellement vaste, avec ses murs de deux mètres sous plafond et sa grande porte cochère en bois, que j'en ai pour la journée. Je retourne dans la loge de conciergerie chercher de quoi ramasser les morceaux de verre et paillettes. J'ai à peine terminé qu'un courant d'air se fait sentir dans mon dos. J'entends un claquement dans l'entrée et une voix teintée d'ironie s'adresser à moi :
― Très joli sapin !
Un des habitants de ce vieil hôtel particulier parisien observe mon «œuvre » avec un petit sourire en coin. Derrière ses lunettes, ses yeux pétillent de malice, il a encore le nez rougi par le froid de canard de ce début décembre et ses cheveux noirs en bataille sont ébouriffés par le vent. Qu'est-ce qu'il me veut, Clark Kent ? Je n'ai pas le temps de penser à une répartie cinglante que le gars en question est déjà en train de monter les escaliers en colimaçon. Je reluque un moment son postérieur, tout aussi charmant que son sourire, avant de reprendre mes esprits. Connard !
Je me retourne vers le sapin. C'est vrai qu'il ne ressemble plus à grand-chose. Sauf que l'envie de décorer m'est passée aussi subitement que passait le bus n°18 devant moi lorsque j'étais en retard à mon ancien boulot. Bref, je n'ai plus de motivation. Je réarrange tant bien que mal les quelques guirlandes et répartis les boules restantes. Ça fera l'affaire. Toute façon, ce n'est pas mon métier !
Voilà deux jours que j'ai pris ce poste au pied levé. Tout ça à cause de ma mère et sa stupide manie de monter sur des escabeaux. Bref, elle a glissé et se retrouve hospitalisée pour trois semaines après une fracture et une pose de broches au genou. Qu'est ce qui m'a pris d'accepter aussi ? Bon, soyons honnêtes, ce n'est pas comme si j'avais vraiment eu le choix non plus. Elle m'a eu par surprise.
― Ma chérie, j'ai eu mon employeur et c'est arrangé.
― Je peux savoir ce qui est arrangé ?
― Tu vas me remplacer à la conciergerie !
C'était le moment où je m'étais étouffée avec mon biscuit. J'avais d'abord tenté de jouer les étonnées :
― Comment ça ?
― Je ne peux pas laisser mes résidents seuls, qui va s'occuper de l'immeuble si je ne suis pas là ? En plus pendant la période des fêtes, c'est impossible. Puis t'es au chômage, sans appartement, célibataire, sans enfants, tu n'as rien de mieux à faire, tu peux bien faire ça pour ta mère !
Clairement un coup bas ! Je suis encore trentenaire et dans la fleur de l'âge, j'ai largement le temps... Et la colocation c'est très tendance. Je tente vainement de protester :
― Mais Poppy ? Je dois m'en occuper, ce n'est pas possible...
― Tu parles de ton poisson rouge, là ? Laisse-moi rire. Allez Nina, je les rappelle, je leur dis que tu arrives dans deux jours. Bisous.
Et elle avait raccroché.
Dans son appartement qui jouxte la loge, je m'affale sur le petit sofa rouge recouverts de napperons brodés et pousse un soupir. Poppy tourne dans son bocal, indifférent à mon triste sort. Trois semaines, ce n'est pas long. Ça devrait le faire.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top