Léo est rentré tard, et il le sait. Il glisse la porte sur le perron, doucement, avec toute la délicatesse dont il est capable, pour ne pas réveiller sa mère. Le parquet grince sur son passage, son pas doit être léger.

Dans l'entrée, le porte-manteau l'attend presque, immobile, austère, le toisant de sa hauteur. Accroché dessus, le sempiternel imperméable beige n'a pas bougé d'un millimètre.

Ce vieux manteau appartient à quelqu'un que Léo attend depuis bien trop longtemps : son père l'avait déposé ici un matin, et il n'était jamais revenu.

C'était un matin d'automne, il pleuvait. Du ciel tombaient de tendres gouttes d'eau, Léo les comptait en attendant que son père revienne. Une, deux, trois, une, deux, trois. Elles s'écoulaient, au tempo d'une valse, gracieusement.

Le soleil, tout comme son père, avait disparu. Pourtant, Léo avait patienté des heures durant, à hocher la tête, bercé par le doux son de la pluie. Dans sa tête défilaient des poèmes.

« Les sanglots longs

Des violons

De l'automne

Blessent mon cœur

D'une langueur

Monotone. »

Léo commençait à s'ennuyer. Il tapait des doigts sur le sol, de sa petite main d'enfant. Dans l'autre, il agrippait fermement sa peluche, seule personne le comprenant dans ce monde de brutes et d'ignares.

Léo avait compris que quelque chose n'allait pas lorsque la nuit était tombée, laissant l'obscurité apeurer le petit garçon, qui serrait davantage son petit nounours au creux de sa main.

« Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit

A pas de vent de loup de fougère et de menthe »

La Lune l'avait accompagné de son regard bienveillant, les étoiles étaient descendues du ciel pour le protéger, lui, le vulnérable Léo.

Seul, ennuyé, il guettait des yeux la vieille voiture rouge de son père. Son âme de petit enfant, impatiente et naïve, espérant encore revoir les yeux bleus perçants du vieil homme à la barbe mal rasée, au sourire malicieux et sincère.

« Il ne m'aurait pas abandonné. Il ne m'aurait pas laissé. » Léo s'accrochait de toutes ses forces à cet espoir déjà vain, à ce bête rêve éveillé.

C'était le lendemain que la voisine l'avait retrouvé, allongé sur le sol froid, encore brûlant de fièvre et de fatigue, recroquevillé.

Léo avait compris dès le premier regard.

Son père était mort, et ne reviendrait plus.