V
Je me réveillai avec la sensation d'être dans du coton. Ma tête me faisait horriblement mal et mes membres me paraissaient aussi lourds que du plomb. Je me redressai en grognant puis regardai autour de moi. J'étais dans une chambre que je ne connaissais pas, éclairée par le soleil entrant par la seule fenêtre et m'agressant les rétines. Je tentai de me remémorer ce que je pouvais bien faire là mais les souvenirs de la veille était flous. Je me rappelle d'une lettre de l'hôpital. C'est vrai, mon père était mort. Ensuite ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
- Je vois que tu es réveillé, Dit joyeusement Will en ouvrant la porte.
Et là, en voyant son visage, une chose me revint en mémoire. Je lui lançai un regard noir.
- Toi. Dégage, Articulai-je.
Il fronça les sourcils sans comprendre. Il le faisait exprès, cet enflure ?! Il s'approcha de moi puis s'assit sur le bord du lit, l'air sincèrement inquiet. J'aurais voulu le repousser mais mon corps refusait de m'obéir.
- Qu'est-ce que tu n'as pas compris ? M'énervai-je.
- Nico, je ne comprends pas...
- Comment ça, tu ne comprends pas ?!
- Pourquoi tu es énervé sur moi. J'ai fait quelque chose de mal ?
J'écarquillai les yeux tellement la situation me semblait surréaliste. Je fouillai dans son regard à la recherche d'un indice qu'il se moquerait de moi mais il avait l'air sincère et perdu.
- Notre discussion d'hier, Will, ça te dit quelque chose ?
Il secoua la tête avant d'ajouter :
- Tu étais vraiment dans un sale état quand je suis venu te chercher, hier. Tu disais toutes ces choses étranges, j'y comprenais rien.
Ce fut à mon tour de ne pas comprendre.
- Au sujet de ma mère.
- On n'a pas parlé de ta mère, en fait on a pas parlé tout court. Enfin tu parlais tout seul mais ça n'avait aucun sens. Maintenant que tu m'y fais penser, tu as mentionné l'assassinat de ta mère mais c'est tout ce dont je me rappelle. J'ai essayé de te calmer mais c'est comme si tu ne m'entendais pas.
- Tu m'as donné quoi à boire ?
- De l'eau, j'y avais mis un calmant léger, je savais vraiment pas quoi faire d'autre, je suis désolé ! Enfin il n'a pas pu vraiment agir vu que tu as jeté le verre après une gorgée.
- Je l'ai bu en entier avant de le déposer sur la table, Dis-je en essayant de me rappeler les évènements de la veille encore complètement brumeux.
Will secoua la tête avant de reprendre.
- Tu as à peine bu. Si tu ne me crois pas, je n'ai pas encore nettoyé les débris de verre au sol.
Je me relevai mais fus pris de vertige. J'étais complètement perdu. Si Will disait vrai... Alors c'est aussi mon imagination qui a inventé la partie sur lui étant le tueur de ma mère ? Je ne comprenais pas mais espérais du plus profond de moi qu'il était innocent. Will ne ferait jamais de mal à quelqu'un, de toute façon. Il m'aida à me relever et nous marchâmes jusqu'au salon où, en effet, je vis un verre cassé, baignant dans un liquide transparent, exactement devant la table basse où je pensais l'avoir déposé. Je me laissai tomber dans le canapé, confus. Will s'installa à côté de moi et me regarda, inquiet.
- Pourquoi mon esprit aurait inventé tout ça ? Demandai-je, le regard dans le vide.
- Je l'ignore, tu aurais pris quelque chose avant que je n'arrive ?
- Pas à ma connaissance...
- Tu m'as parlé d'alcool, tu aurais bu ?
Je réfléchis un moment. Je me rappelais vaguement d'avoir mentionné l'alcool mais ça ne m'aurait pas mis dans un état pareil, si ?
- Ça pourrait être un mélange avec le choc d'apprendre la mort de ton père, Continua-t-il comme s'il lisait mes pensées.
- Donc ça, tu le sais ?
- C'est la dernière chose censée que tu m'as dite avant de partir en vrille.
- Et le calmant que tu m'as donné ?
- Tu l'as à peine bu mais même si tu avais fini le verre, tu te serais juste senti au maximum un peu planer et ça n'aurait eu aucun effet secondaire, aucune perte de mémoire ou déformation de la réalité.
Je continuai à fixer un point devant moi. J'étais vidé et dans l'incompréhension. Je sentis les larmes vouloir couler à nouveau mais j'essayai de les retenir. Qu'est-ce qui m'arrivait, bon sang ? Will sembla les remarquer car il me prit contre lui.
- Je pense que ça t'a fait un sacré choc et que tu as besoin de te reposer. Tu peux rester ici aussi longtemps que tu le souhaites, Murmura-t-il à mon oreille.
- Je suis censé travailler aujourd'hui...
- J'irai à ta place et expliquerai que tu ne te sens pas bien.
Je restai silencieux quelques secondes, considérant sa proposition avant de hocher la tête.
- Merci, Will.
- C'est normal.
Il me sourit tendrement avant de me serrer une dernière fois contre lui et m'embrasser sur le front. Il se leva ensuite et commença à se préparer à partir.
- Je vais pas tarder si je veux être à l'heure au restaurant. Tu crois que ça ira ? Si tu préfères que je reste, dis-le moi, Ajouta-t-il en posant sa main sur ma joue.
- T'en fais pas, tout ira bien, Le rassurai-je avec un faible sourire.
Je posai ma main sur la sienne avant de l'écarter de mon visage. J'avais envie que Will reste mais en même temps, j'avais besoin d'être seul. J'avais besoin d'un moment pour remettre mes idées en place et faire le point sur les évènements de la veille. Et puis même si je savais que tout n'était que mon imagination, être avec Will me mettait mal à l'aise. Il dégageait une aura que je ne ressentais que maintenant qui ne me mettait pas en confiance.
- Si tu as besoin de quelque chose, tu peux te servir. Si tu sais pas où tout se trouve, tu peux fouiller ma maison et sinon, tu peux toujours m'appeler, d'accord ? Expliqua Will.
Je hochai la tête et il vint m'embrasser pour me dire au revoir. Une fois qu'il fut parti, je m'accroupis au sol pour examiner de plus près le verre cassé. Il n'y avait rien d'anormal et aucun indice sur le moment où le verre a été brisé. Je me relevai et retournai dans la chambre où je m'étais réveillé. Ça devait sûrement être celle de Will. Je trouvai un sweat-shirt sur le dossier d'une chaise et passai mes doigts sur le tissus. Il ne m'en voudrait pas si je le prenais. Je l'enfilai et bien sûr, il était trop grand mais je me sentais bien dedans. Il était imprégné de son odeur qui me rassurait toujours, j'en aurai besoin pour la suite. Je pris mon téléphone qui était posé sur le bureau puis retournai au salon. En chemin, j'ouvris google et tapai "comment savoir si un verre contient de la drogue". Ce n'est pas que je n'avais pas confiance en Will mais j'avais besoin de m'en assurer, quelque chose n'allait pas dans toute cette histoire. Je tombai sur plusieurs conseils mais aucun n'était applicable pour une flaque sur le sol. Le seul indice était l'eau trouble mais il m'avait dit avoir mis un calmant dedans. Alors une idée me traversa l'esprit. Je décidai de chercher s'il existait des calmants effervescent de couleur blanche ainsi que leurs effets secondaire. J'allai en même temps dans la cuisine. Il m'avait bien dit que je pouvais fouiller sa maison ? Et bien je comptais bien le faire pour trouver la boîte de ce fameux calmant. Mes souvenirs étaient encore complètement flous mais il me semblait que c'était le seul endroit où il avait été avant de me donner le verre d'eau.
Je regardai dans plusieurs tiroirs tout en scrollant sur mon téléphone. Le premier médicament que je trouvai était du Takadol mais il faut une prescription pour en prendre et c'est contre la douleur. Will étudie la médecine, sûrement que c'est bon pour le premier point. Une chose me frappa pendant ma lecture, il ne faut surtout pas en prendre lorsqu'on a bu de l'alcool or j'aurais sous-entendu en avoir consommé la veille. J'ignore quel effet la combinaison des deux pouvait avoir mais ça pourrait peut-être expliquer mon état de ce matin. Enfin je n'étais pas encore sûr que c'était ça, je ne trouvais aucune boîte de Takadol dans sa cuisine, même pas dans sa pharmacie. Je continuai mes recherches mais n'obtins rien de concluant. Je décidai de prendre une pause et de m'allonger sur le canapé, ma tête me tournant encore.
Je fus réveiller vers 12h30 par la sonnerie de mon téléphone. Je ne m'étais pas rendu compte que je m'étais endormi mais au moins ma tête allait mieux. Je me relevai doucement et pris mon téléphone. C'était un message de Will me disant où je pouvais trouver du pain pour le repas de midi ou sinon je pouvais prendre les restes de quiche au frigo. Je lui répondis rapidement avant de me recoucher. Je réfléchis un moment puis fis une liste mentale des preuves contre Will et celles qui confirmaient ses propos. Pour l'instant je n'en avais aucune pour le contredire mais il y avait le verre cassé qui confirmait sa version. Evidemment je voulais le croire mais tant que je n'avais pas de preuve pour le faire, cette histoire allait me hanter et le malaise entre nous, persister.
Au bout de quelques minutes, mon ventre gronda et je me levai pour retourner dans la cuisine. Je me fis une tartine avec de la confiture trouvée dans le frigo puis la mangeai, accoudé contre le plan de travail. J'analysai tous les endroits où je n'avais pas encore fouillé. Une fois mon maigre repas englouti, je n'avais pas très faim avec toute cette histoire, je repris mes recherches.
***
- Je suis rentré, Chantonna la voix de Will depuis l'entrée.
J'étais toujours assis sur le sol de la cuisine depuis maintenant une heure, la respiration difficile. Je sentais ma poitrine se serrer, empêchant l'air d'entrer dans mes poumons. Une crise de panique. Habituellement, j'arrivais à me calmer mais aujourd'hui, impossible. J'avais trouvé ce que je recherchais mais ça ne m'avait pas aider, au contraire, ça avait tout empiré.
- Nico ?
J'entendis ses pas mais je ne voulais pas qu'il approche, je voulais me cacher, qu'il ne me trouve jamais mais mon corps ne me répondait plus. Finalement, il passa la tête par la porte et son visage se décomposa en me voyant.
- Nico ! Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Ne t'approche pas !
Il se figea sur place. Je sentis la colère monter en moi et je lui lançai le regard le plus noir que je n'ai jamais fait. Il m'avait menti. Il m'avait menti et sur un sujet des plus horribles.
- Pourquoi tu l'as tuée ?
Il fronça les sourcils, perdu. Alors je brandis le petit sachet en plastique avec encore quelques traces de poudres blanches dedans sous ses yeux. Je l'avais trouvé sous un livre de cuisine. Sans doute n'avait-il pas eu le temps de le cacher correctement la veille sans que ça n'ait l'air suspect. Le visage de Will devint livide, confirmant mes craintes.
- Donc tu m'as bien drogué.
- Nico, je suis désolé, je-
- Tu es désolé ?
J'ignorais comment je gardais une voix si calme quand de l'intérieur, j'avais envie d'exploser, de tout détruire.
- Sache que je n'ai pas tué ta mère.
- Alors qu'est-ce qui te faisait tant sourire hier ? Pourquoi ne pas m'avoir dit "non, ce n'est pas moi, tu te fais des films !" ?
- Je n'ai pas souri et je ne t'ai pas contredit car je ne suis pas non plus innocent dans l'histoire.
- Donc tu es responsable mais tu ne l'as pas tué ? Et c'est pour ça, le sourire cruel d'hier soir ?
- Puisque je te dis que je n'ai pas souri ! Ce sont sûrement les effets de la drogue qui te l'ont fait imaginer.
- C'est facile de chaque fois rejeter la faute sur les effets de la drogue.
- Nico, comment je pourrais sourire quand chaque nuit depuis 5 ans je suis incapable de dormir à cause de cette histoire ? Quand je me sens coupable à chaque moment et que la culpabilité me prend à chaque fois que je te vois ?
- C'est juste un minimum. Tu crois que moi, je me sens comment ?
- Je suis désolé, Nico, je suis tellement désolé de ne pas avoir réussi à la sauver. Tu ne sais pas à quel point je m'en veux !
Son visage était maintenant baigné de larmes et ses phrases étaient interrompus par ses hoquets.
- Comment ça "la sauver" ?
- Tu crois que je l'ai volontairement tué ? Tu m'en crois réellement capable ?
- Tu m'as bien drogué alors que je ne t'en aurais jamais cru capable, je m'attends à tout, à présent.
- Je rentrais des cours ce jour-là, il était tard car j'étais resté à la bibliothèque pour terminer mes devoirs.
- Je m'en fiche de connaître toute ta vie, Will.
Ma voix était toujours étrangement calme. Ma nausée avait repris et je n'avais qu'une envie ; c'est qu'il se taise ! Je ne voulais pas en parler, je ne voulais pas savoir. Tout ce que je voulais, c'est qu'elle revienne mais comme c'est impossible, je voulais juste qu'on me laisse seul. Au lieu de quoi, il continua son histoire et je fus bien obligé d'écouter car je n'avais plus la force de le faire taire.
- Écoute, c'est important. Je passais toujours par ce parc pour rentrer chez moi. Là j'ai trouvé ta maman allongée par terre dans une flaque de sang, elle avait déjà été poignardée. J'ai fait tout mon possible pour arrêter l'hémorragie mais j'ai échoué, je suis désolé. J'ai appelé les secours mais ils sont arrivés trop tard. J'ai fait tout ce que j'ai pu.
Pendant qu'il parlait, il s'était effondré sur le sol, en larme. Il n'osait pas me regarder dans les yeux. J'ignorais ce que je ressentais en ce moment, un mélange de colère et de peine.
- Tu aurais dû faire plus, Fut les seules paroles que je réussis à articuler.
Ma voix était froide et neutre, ça suffit pour achever Will. Moi qui pensais qu'il ne pouvait avoir l'air plus misérable, je m'étais trompé. Il se contenta de baisser la tête, refusant toujours de croiser mon regard. Tout son être transpirait la culpabilité mais je n'arrivais pas à ressentir de peine pour lui. Je pleurais moi aussi, à présent, mais seulement pour ma mère.
- Je sais, Nico, je sais. Bon sang, je le sais déjà !
- Est-ce que toute ton histoire est vraie, au moins ? Tu m'as tellement menti, comment je pourrais te croire ? Comme par hasard, tu l'as trouvée pile au bon moment ?
Will tourna un regard désespéré en ma direction.
- J'ai l'air de jouer la comédie ? Vraiment ? Je suis tellement désolé, pour tout. Mais tu dois me croire, je te promets que c'est la vérité.
Je voulais le croire, évidemment ! Et puis il avait l'air tellement sincère mais je me sentais aussi trahi. Ma nausée ne fit que s'accentuer.
- Où sont les toilettes ?
Il fronça les sourcils à ma question soudaine mais me répondit tout de même. Je me levai aussitôt, ignorant les vertiges et courut jusqu'au WC. Une fois arrivée, j'eus à peine le temps de m'accroupir que je vomis tout ce que j'avais dans l'estomac, c'est-à-dire, pas grand-chose. Ensuite, je m'effondrai en larmes contre la porte fermée. J'entendais Will toquer mais je ne répondis pas, j'avais besoin d'être seul.
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