La première chose que je remarquai en me réveillant fut la douleur. Elle se propageait dans tous mes membres, me faisant grimacer. Alors que j'ouvris les yeux, j'aperçu Will à mon chevet, me regardant inquiet. J'essayai de me remémorer les évènements plus tôt dans la journée, ou de hier, je n'en sais rien. Mais qu'est-ce qui m'a pris, bon sang ?! Pourquoi je l'ai laissé faire, pourquoi l'avoir poussé à continuer, pourquoi ça ne m'a pas dérangé ? J'en payais maintenant le prix ; ma tête me faisait horriblement mal et je me forçais à bouger le moins possible pour minimiser la douleur.
- Je suis désolé pour tout, je suis allé trop loin, Murmura Will.
- Sans blague, Raillai-je d'un rire sans joie avant de grimacer de douleur.
- Je t'ai apporté de la glace et du dafalgan.
Je fronçai les sourcils, tout mon corps se tendit mais je répondis finalement.
- Je veux bien la glace, s'il te plait.
Il me la tendit, enroulée dans un essuie. Je la prit sans un mot puis eus un moment d'hésitation. Chaque partie de mon corps me faisait souffrir. Je décidai finalement de l'appliquer derrière mon crâne.
- C'est du dafalgan par voie orale et une bouteille d'eau du magasin encore fermée, tu es sûr que tu n'en veux pas ? Demanda-t-il.
Je souris légèrement. Il avait compris. Il savait que je ne boirais pas un verre d'eau qu'il me donnerait sans avoir vu ce qu'il a réellement mis dedans. Je hochai alors la tête et pris le médicament avant de fermer les yeux, attendant qu'il agisse.
- Pourquoi tu m'as dit que tu te sentais enfin vivant après que je t'ai-
Il ne finit pas sa phrase, soupirant. Il parlait avec une voix étrangement basse et hésitante. Je pris un moment avant de comprendre à quoi il faisait référence avant de me rappeler avoir prononcé ces mots. À vrai dire, moi-même je n'en savais rien. Je fouillai ma mémoire afin de trouver une réponse cohérente à donner puis commençai à parler d'une voix lente.
- Je pense... Après la mort de ma mère, puis celle de Bianca, j'avais cette impression de devoir suivre, de devoir partir avec elles. Comme si ma place n'était plus ici. J'ai essayé de me tuer il y a trois ans.
Will releva un regard peiné vers moi mais ne dit rien, me laissant continuer. Je voyais qu'il faisait un effort pour ne pas m'approcher ou me prendre dans ses bras. Je pris un moment de silence avant de reprendre la parole.
- J'ai échoué, comme tu peux le voir mais physiquement seulement. Depuis 3 ans... C'est comme si je ne vivais plus, que j'étais mort de l'intérieur, comme si je ne ressentais plus rien. Mais hier... J'ai enfin ressenti quelque chose, de la douleur, mais je ressentais. Ça devait sans doute être pour ça. Mais ça ne veut pas dire que j'accepte que tu me frappes ni que j'apprécie.
- Bien entendu, Dit-il de sa voix aussi basse qu'un murmure.
Il semblait réfléchir, son regard troublé fixant obstinément le sol. Au bout d'un moment, il me regarda finalement dans les yeux. Ce que j'y aperçus me brisa le cœur bien que je ne sache pas encore ce qui le blessait autant.
- Alors... Ça veut dire, Commença-t-il doucement. Tout ce qu'on a vécu, avant, tous les deux, au restaurant, à- Il s'interrompit, la voix tremblante, à l'image de tout son corps. Tous ces moments, tu ne ressentais rien ?
J'écarquillai les yeux.
- Si, bien sûr que si, je ressentais quelque chose ! M'écriai-je précipitamment. Je voulais dire...
Je m'arrêtai quelques minutes, reprenant mes esprits. Qu'est-ce que je voulais dire ? Rien n'était clair dans ma tête, tout n'était que confusion. Voir ce regard posé sur moi, attendant une réponse, me fit mal alors je repris, pesant chacun de mes mots mais voulant être le plus honnête possible.
- Je veux dire... Physiquement, la douleur me faisait prendre conscience de chaque partie de mon corps, me forçait à admettre que j'existe, que je suis bien réel.
Will était confus, je pouvais le voir dans ses yeux bleus me fixant mais il ne posa aucune question. Comment pourrait-il comprendre quand moi-même je ne me comprenais pas ? À la place, il répondit :
- J'aurais pu te le faire réaliser d'une manière beaucoup plus douce, si j'avais su...
- Moi-même je n'en avais pas conscience, Murmurai-je.
- Ça n'excuse rien.
Je détournai le regard. Il était perdu et cherchait à comprendre, je le savais. Peut-être que mettre des mots sur ses actes l'a aidé à se rendre compte de leur gravité et qu'il se remettrait en question. Peut-être était-ce ma chance de sortir d'ici. Même si ça devrait attendre un peu vu la douleur qui irradiait mon corps.
- J'aurais pu, Reprit-il avant de se stopper. En t'embrassant, par exemple.
Mes joues prirent feu à l'entente de ces mots et je fus soulagé d'avoir la tête tournée dos à lui en ce moment. Je l'entendis quand même sourire, ayant certainement deviné ma gêne.
- Ou bien-
- Will, stop, Grommelai-je.
Il poussa un soupir amusé. Une infime partie de moi voulait qu'il continue, qu'il ravive cette flamme au creu de mon ventre mais je ne pouvais pas. J'avais peur de ce que je pouvais encore ressentir pour lui, après tout ce qu'il s'est passé. Pourrais-je un jour lui faire confiance à nouveau ? Le fil de mes pensées fut soudainement interrompu par le doigt de Will effleurant légèrement ma peau, remontant de ma main jusqu'à mon bras. Un frisson me parcourut à ce contact lent. Je me tournai vivement vers lui et il retira précipitamment sa main en s'excusant.
- Désolé, je- Je n'aurais pas dû, je devrais-, Bégaya-t-il en s'emmêlant dans ses propres mots.
- J'ai besoin d'aller dehors, Lâchai-je soudainement.
Tout son corps se tendit et je pus apercevoir une bataille intérieure transparaître dans son regard. Ce besoin m'est venu soudainement et ne me quittait plus, j'avais cette envie pressante de prendre l'air, je n'en pouvais plus d'être enfermé.
- Tu peux venir avec moi et de toute façon, c'est pas comme si je suis en état de m'enfuir bien loin.
Il sembla réfléchir encore un peu, sous-pesant mes arguments avant de finalement hocher la tête. Un immense soulagement me traversa tandis qu'il se leva et m'aida à en faire de même.
Nous marchâmes en silence, son bras enroulé autour de ma taille pour me soutenir. Je n'en avais pas tellement besoin mais je n'avais pas la force de le repousser. De plus, même si je ne voulais pas l'admettre, ce contact avait quelque chose de rassurant, me faisant me sentir bien. Je serrai la mâchoire dans une veine tentative de repousser ces sentiments au loin.
Une fois arrivée dans la pièce arrière de la cuisine, il me lâcha pour aller déverrouiller la porte. Je chancelai légèrement avant de reprendre mon équilibre contre un mur. Lorsqu'il ouvrit la porte vers l'extérieur, mon cœur s'affola. Enfin, après tout ce temps, c'était ma chance, une porte ouverte vers dehors. L'espoir naquit en moi et un fin sourire apparût sur mon visage sans que je ne puisse le contrôler. Will se tourna vers moi et je vis l'hésitation dans son regard.
- Je ne partirai pas, Le rassurai-je sans savoir vraiment si c'était la vérité ou un mensonge.
L'occasion était trop belle pour la manquer mais si je ratais, ce serait détruire toutes mes chances futures, plus jamais il ne me ferait confiance et il serait beaucoup plus vigilant. J'avançai prudemment vers mon semblant de liberté puis m'arrêtai après avoir mis les pieds dehors. L'air frais. Je fermai les yeux pour profiter pleinement de la brise sur mon visage. J'humai l'odeur de la terre mouillée qu'apportait le vent. Je ne savais même pas qu'il avait plu aujourd'hui. L'air était doux, ni trop chaud, ni trop froid, un temps parfait pour un début d'été. J'ouvris doucement les yeux et les levai vers le ciel. La nuit tombait, le soleil ayant décidé de laisser apparaître les étoiles qu'il masque par sa lumière en pleine journée. Je me laissai hypnotiser par la beauté du ciel nocturne un moment avant de brutalement revenir à la réalité, sentant une présence dans mon dos.
- C'est beau, n'est-ce pas ? Murmura Will, comme un secret.
Je me tournai alors lentement vers lui et remarquai qu'il n'observait pas le ciel mais plongea son regard dans le mien. Nous restâmes un moment comme ça, sans rien dire. Comme si le temps n'existait plus et qu'il ne régnait plus que la magie de cette nuit. Après un moment interminable, je réussis finalement à détourner les yeux pour ensuite les porter au loin. Nous étions dans l'herbe et une forêt se dressait devant nous un peu plus loin, peut-être à 10 minutes à pied. Un sentier semblait la border mais je n'arrivais pas à bien le distinguer dans la pénombre. Tout autour de nous, il n'y avait rien, à part la silhouette d'une petite maison au loin et une route semblant s'éloigner à l'infini avant de se perdre dans l'obscurité. Je songeai alors que m'enfuir n'était plus vraiment une option, il n'y avait nulle part où aller. Je me laissai tomber dans l'herbe avant de grimacer de douleur puis ramenai mes genoux contre ma poitrine. Will s'installa auprès de moi mais je gardai les yeux obstinément rivés sur l'horizon. Nous restâmes ainsi quelques minutes, seul le bruit de nos respirations brisant le silence de la nuit. Je détendis mes jambes et m'appuyai sur mes mains placées derrière moi. Mon pantalon s'imprégna lentement de l'humidité de l'herbe, me faisant frissonner. Je pouvais sentir le regard de Will sur moi mais je n'avais pas le courage de le confronter, pas maintenant. Je continuai à contempler le ciel en silence, profitant de ce semblant de liberté. Lentement, je sentis alors quelque chose de chaud frôler ma main. Ses doigts. Je tentai de l'ignorer tandis qu'il continuait à entrelacer nos doigts. Je ne bougeai pas, pleinement concentré à essayer de calmer les battement de mon cœur. Sa main dégageait une chaleur agréable et malgré toute ma volonté, je ne pus me convaincre de la retirer. J'étais épuisé, je ne voulais plus me battre contre lui, contre moi-même, contre ces sentiments. Sans vraiment réfléchir à ce que je faisais, je laissai tomber ma tête sur son épaule et fermai les yeux. Ce qui restait de ma raison me hurlait de fuir mais j'étais tellement fatigué, je pourrais m'endormir en ce moment même. Il posa sa tête sur la mienne et ses mèches blondes vinrent me chatouiller le visage. Je me sentais bien. Son odeur, sa présence, tout en lui me faisait me sentir bien. Et ça me faisait mal. J'avais mal car je n'oubliais pas. Je gardais quelque part en moi, ce côté sombre que je venais de lui découvrir mais malgré tout, c'est lui qui me rassure.
Alors qu'il déposa un baiser dans mes cheveux, je relevai la tête vers lui et me pris au piège dans son regard. Je n'aurais pas dû, pas si je voulais encore lui resister. Ce fut comme si le temps s'arrêtait, qu'il n'existait plus que lui. Que tout ce qui existait autour de nous, passé, futur, avait disparus. Je me sentais retourner en arrière à ce jour à l'arrière du restaurant, quand je m'étais coupé à la main. Je n'osais plus bouger, je ne savais pas ce que je voulais ensuite. Mon cœur s'affolait dans ma poitrine. Lorsqu'il écrasa ses lèvres sur les miennes, ce fut cette fois sans douceur ni lenteur. Je sentis comme une douleur vive me transpercer le cœur mais je voulais qu'il continue. Il me passait tout son manque de m'avoir eu avec lui mais si loin dans ce baiser. J'avais mal, tellement mal de savoir que je le désirais encore, que je le laissais encore m'embrasser après tout ce qu'il s'est passé. Voyant que je ne répondais pas, toujours immobile, il s'éloigna alors, me fixant de ses yeux inquiets. N'y tenant plus, je me laissai tomber sur lui, désespéré, pour qu'il m'embrasse encore, ce qu'il fit, à mon plus grand soulagement. Je souris lorsqu'il me mordit la lèvre inférieur.
- Fais-moi mal, Soupirai-je contre ses lèvres.
Il se stoppa net et s'éloigna, me fixant sans comprendre. Tout ceci me faisait tellement mal à l'intérieur que je voulais le ressentir physiquement. Une larme roula sur ma joue sans que je ne sache vraiment pourquoi. Je n'arrivais tout simplement plus à contenir tout ce qui se passait en moi. D'une main tremblante, Will vint l'essuyer de son pouce avec une extrême douceur avant de s'approcher trop lentement pour m'embrasser sur la joue. Alors je n'y tint plus et m'effondrai contre lui. J'enfouis mon visage dans son cou et le serrai contre moi de toutes mes forces. Après un bref moment de surprise, il répondit finalement à mon étreinte, me frottant doucement le dos tandis que je pleurais. Je pleurais comme je ne l'avais plus fait depuis si longtemps. Je ne sais pas pourquoi exactement, pour ce moment, pour ce que j'avais découvert sur Will, pour ces derniers jours, pour mon père, ma mère, ma sœur, peut-être un peu tout ça à la fois. J'avais besoin de me lâcher, comme un barrage ayant retenu trop d'eau pendant trop longtemps qui cède finalement, brisant toute la tension qui elle seule le faisait encore tenir debout et plus rien ne pourrait retenir alors le flot de mes larmes. Encore une fois, ce fut son odeur et sa voix qui me rassurèrent et me calmèrent.
Finalement, les larmes cessèrent au bout d'un moment interminable mais je ne bougeai pas, de peur de craquer de nouveau. Je me sentais mieux, je m'étais enfin autorisé à ressentir après tant d'années, à tout extérioriser. Je me sentais plus paisible et bien vite, la fatigue me rattrapa. Alors enfin, je pus entendre ce que me disait Will.
- Je suis désolé, Répétait-il en boucle.
Pourrais-je lui pardonner ?
Je gardai le silence, les paupières closes tandis que je sombrai doucement dans le sommeil.
- Je sais que je t'ai blessé et que tu ne me pardonneras probablement jamais. Je sais que j'ai agis comme une merde mais s'il te plait, n'oublie pas que je t'aime sincèrement, Murmura-t-il pensant sous doute que je dormais déjà.
Sans avoir le temps de réfléchir au sens de ses paroles, je me laissai emporter dans les bras de Morphée. Enfin ceux de Will, pour le coup.
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