Chapitre 33 - Crash

- Point de vue d'Ethan -

Parfois, il suffit d'une seconde. D'une action mal placée, d'une dispute de trop. Une seule de ces choses peut tout changer. Et si j'avais su que cette dispute, menant à cette action, menant à cette seconde m'aurait coûté la vie, je n'aurais pas joué au con. Pas cette fois.

Le temps semblait s'écouler au ralenti. J'avais l'impression de voler, et tout autour de moi flottait dans n'importe quel sens. C'était si paisible. Pourtant, lorsque que son visage s'immisça jusqu'à moi, la solitude m'envahit. Et c'est désespérément seul que je m'écrasai finalement avec ma voiture sur la route.

Flash-back, 30 minutes plus tôt.

Elle ruminait. Elle n'en disait rien, mais je le voyais parfaitement. Cette fille ne pouvait plus rien me cacher, et penser le contraire serait une pure connerie.

Alors oui, je sais, mentir c'est mal. Mais pourquoi se sentait-elle obligée de m'accabler de tout ses problèmes ? Si elle n'avait pas réussi son bac blanc, c'était de ma faute. Si elle ratait son premier oral qui avait lieu dans deux semaines, c'était également de ma faute. Et puis quoi encore ? Si les pauvres dauphins crevaient, ça devait surement être de ma faute aussi, tiens.

Non, merde. La seule chose pour laquelle elle avait le droit de réellement m'en vouloir c'était cette lettre à la con. Une lettre sans importance, que j'aurais dû bruler il y a bien longtemps. Je soupirais pour la énième fois et revient planter mon regard sur cette magnifique fille en colère. Cela faisait plus d'une heure que nous étions dans cette situation ridicule, et je commençais à saturer. Si elle ne voulait pas me parler, je n'avais rien à faire ici, à la regarder bouillonner.

- Thaïs, je n'ai jamais voulu te mentir. Ce que tu as découvert n'a aucune, mais aucune importance pour moi. Je ne voulais pas te blesser putain, lâchais-je laconiquement.

Je le lui avais déjà dis, ça. Dans plusieurs langues, il me semblait. Au fond je comprenais sa réaction. Ça ne devait pas être facile à gérer. Mais bordel, ce n'était pas son mutisme absurde qui nous sortirait de cette impasse.

Étonnamment, elle leva enfin les yeux vers moi. Ils n'étaient pas très chaleureux, mais il y avait du progrès.

- Et pourtant tu l'as fais. Tu aurais dû me parler de ta sœur, Ethan !

Ma sœur. Entendre ce mot me donnait des vertiges. Je n'avais pas de sœur.

- Tu n'as pas confiance en moi, c'est ça ? Si je te connais à moitié, comment veux-tu que ça fonctionne ? déblatéra t-elle. Ethan putain, Anna est ta soeu..

- Tais-toi Thaïs, la coupai-je brutalement.

Ma patience avait atteint bien plus que ses limites. Anna Blake n'était pas ma sœur. Ce n'était qu'une lâche, qu'une fille qui avait la même mère que moi. Ce n'était rien d'autre que cela. Elle ne valait ni ma considération, ni cette dispute.

Les nerfs désormais à vif, je commençai à faire les cent pas sur la terrasse. Elle s'était tut, et je savais pertinemment qu'elle contenait son envie de quitter la pièce immédiatement. D'ailleurs, une partie de moi ne serait pas totalement contre.

Je passai une main sur mon visage et fini par m'assoir à ses côtés. C'était le moment de parler, où on n'en finirai jamais. Je soufflai un bon coup et commençai.

- Anna.. Cette fille n'est rien pour moi, Thaïs. Ce n'est que le premier enfant de ma mère, qui a prit la fuite et nous a abandonné dès qu'elle a pu.

Elle resta de marbre mais je savais qu'elle était entrain d'assimiler toutes ces informations.

- Ça fait dix ans que je ne l'ai pas vu, même mon père a tenu plus longtemps que ça, ricanai-je amèrement.

Des souvenirs me revinrent en mémoire mais je m'empressai de les effacer. Hors de question de laisser ces gens m'affecter d'une quelconque façon. C'était du passé, et j'avais définitivement tiré un trait sur eux. Je n'avais pas de père, et je n'avais pas de sœur.

A côté de moi, la jolie brune s'agitait un peu, comme prise d'une envie subite de me prendre dans ses bras. Je fis un pas vers elle en lui prenant la main, en silence. Si elle avait des questions, c'était maintenant ou jamais. Comme si elle m'avait entendu, elle s'octroya une grande inspiration et prit la parole.

- Ton père est aussi le sien ? me demanda t-elle, hésitante.

Je secouai la tête négativement. Son père devait surement être un énième connard qui avait prit plaisir à profiter d'une pauvre fille complètement paumée.

- Cette lettre.. tu l'as lu ? repris t-elle

- Oui Thaïs, je l'ai lu.

Elle attendit quelques secondes, essayant de lire en moi. Raté pour ce soir, je dis vrai.

- Et alors, tu.. ?

Quoi ? J'étais censé sauter de joie parce qu'Anna avait trouvé le temps de m'envoyer une belle lettre d'excuse, un jour où elle devait se faire chier ? Hors de question.

- Alors rien. Je me fous de sa vie, je me fous d'elle mais par-dessus tout, je me contre fous de ses remords et de ses souffrances, crachais-je.

Silence. J'étais étonné de voir avec quelle facilité la colère montait en moi.

- Elle m'a laissé, alors qu'elle savait très bien ce qui ce passait avec les parents. Elle s'est tiré à l'autre bout de monde, et bien qu'elle y reste.

Ma conclusion sonnait la fin de cette discussion sans intérêt sur Anna. Je m'en fou. Ma copine était perdue et moi, je voulais oublier tout ça pour de bon. J'étais à deux doigts de la crise nerfs, et il serait temps qu'elle le voit.

- Tu aurais dû m'en parler, tu me fais confiance non ? Je suis ta meilleure amie, t'as pas le droit de me cacher des choses comme ça.

A cet instant mon cerveau se déconnecta, totalement. Sa voix me parvenait de très loin, comme un écho. Stop.

- .. honnêtement, je suis déçue.

Il fallait que ça s'arrête, et rapidement. On aurait dit qu'elle parlait au fond de ma tête. Les reproches pleuvaient, comme les gouttes d'eau des nuages.

- .. je suis fatiguée, tu vois ?

Stop pitié. Les malheurs du monde n'étaient pas sur mes épaules bordel ! Je bouillonnais littéralement. Pourquoi était-elle aussi bornée ? Pourquoi continuait-elle ?

- Lâches l'affaire, ma patience a.. , commençai-je avant d'être interrompu.

- Oh ça va Ethan, tu..

- LÂCHES L'AFFAIRE MERDE !

J'avais crié. Fort, beaucoup trop fort. Elle avait plaqué c'est deux mains contre sa bouche. Merde. Le problème ce n'était pas ça, bien que je n'avais jamais élevé la voix de cette façon avec elle. Non, le soucis venait surtout du vase éclaté que je venais de balancer à dix centimètres à peine de son visage. Jamais au grand jamais je n'avais eu l'intention de la toucher. Jamais. Mais je savais de quoi ça avait l'air et je ne me reconnaissais pas. Je n'étais pas violent. Je n'étais pas un mec comme ça.

Pris de conscience, je fis un pas de recul. Elle avait l'air effrayé, non non non, il ne fallait pas.
Je reculai encore, afin de lui donner l'espace qu'il lui fallait, mais pourtant, tout ce que je souhaitais c'était la prendre dans mes bras et l'embrasser jusqu'à ce qu'elle accepte mes excuses minables.

Elle relâcha enfin son visage et partie en courant. Je ne pouvais pas lui en vouloir, personne ne pouvait mais ce sentiment de haine en moi ne faisait que s'amplifier. Anna par-ci, Ethan par-là, et MERDE, foutez moi la paix. Pourquoi avait-elle trouvé cette lettre ? Pourquoi ne s'était-elle pas arrêtée ? Pourquoi merde.

J'aurais probablement dû lui courir après et la supplier à genoux. J'aurais dû, mais je ne le fis pas. Au lieux de ça, j'attrapai mes clés et je pris la route. Elle me pardonnera. Elle ne peut pas me laisser, elle me l'a promis. Ouais, elle l'avait promis.

Il faisait trop noir, et pleuvait trop. Je roulais trop vite, et accélérais trop fort. C'est pour cela que je ne vis pas le pont, ni le verglas. Et en une seconde, j'avais dérapé. Et je tombais. Je tombais.

Fin du Flash-back.

Le sol arriva vite, puis il fit noir. Très noir.

**

Je m'étais toujours moqué des personnes qui disaient avoir été "écrasé par un camion" au lendemain d'une soirée. Et bien désormais, je les méprisaient. Car si il y a bien quelqu'un qui pouvait se venter d'avoir été piétiné par un bulldozer, c'était bien moi.

Ma tête semblait peser des tonnes, et chaque infimes parcelles de mon corps me faisaient atrocement souffrir. Du poil de cheveu au bout des orteils, je pouvais ressentir le moindre de mes os brisés. Le pire dans tout ça, c'était que je n'avais nullement le droit de me plaindre. J'étais en vie. En vie.

Je décidai qu'il était temps pour moi d'ouvrir les yeux. Très mauvaise idée. La lumière aveuglante de l'hôpital me brûla littéralement. Les murs qui m'entouraient étaient d'un vieux blanc, et ma chambre était vide. Personne ne t'attends au réveil. Rien de bien étonnant. Je n'avais plus de famille après tout.

Les dégâts n'étaient pas si étendus que je ne l'avais pensé. Un bras et une jambe cassés, une bonne dizaine de bleus et une tête probablement commotionnée. Ma mémoire semblait en bon état, mais je n'arrivais pas à me souvenir de l'accident. Mon dernier souvenir représentait Thaïs, s'enfuyant loin de moi. Belle image.

Mon ventre gargouilla, et la faim m'assaillit. Je tâtonnai, à la recherche du bouton d'alterne de l'infirmière. Au même moment, la porte de la chambre s'ouvrit doucement. Je me figeai. Je n'espérais qu'une chose, elle. Thaïs..
Malheureusement pour moi, ce fut Liam qui pénétra dans la pièce. Ma déception fut néanmoins de courte durée. J'étais heureux de voir un visage familier.

- Hey mon pote, t'es enfin là ! Tu nous as fais peur Ethan, dit-il un peu trop précipitamment.

Je voulus parler mais un douleur atroce me prit à la gorge. Je grimaçai et me contentai d'hocher la tête. Mon meilleur ami m'assena une accolade compatissante. C'est pas tout ça mais j'ai la dalle moi. Je tapotai mon ventre puis pointai ma bouche du doigt.

- Toujours la bouffe ein, rit-il. Je te ramène ça.

Il fit demi-tour, mais avant de franchir la porte, il se retourna vers moi, une expression plutôt sérieuse sur le visage.

- Thaïs est ici, tu sais.

Je tressailli à l'évocation de son prénom, mais hochai tout de même la tête. Elle leur avait donc tout raconter. J'avais honte, terriblement honte. Elle devait être déçue et c'était un euphémisme. Liam disparu, me laissant seul avec ma conscience.

J'avais du mal à réaliser ce qui c'était vraiment passer. D'abord mon excès de violence, et ensuite cet accident. Cet accident qui aurait pu me tuer. J'avais faillit y rester. J'avais risquer ma vie et celle d'autrui. Cette lumière aveuglante qui me brûlait, j'avais de la chance de la sentir. Ce visage familier qui me soutenait, jamais plus je n'aurais pu le revoir. Ce monde que je connaissais pas encore, le peu que j'avais appris. Jamais je n'aurais pu en savoir d'avantage.

Soudain, quelqu'un entra, et s'assit sur mon lit.
Oh seigneur.. La fille que j'aimais. Cette fille que j'avais faillit abandonner. Cette fille qui comptait tant.

- Salut.. , chuchota t-elle les larmes aux yeux.

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Si vous saviez à quel point je suis fière de ce chapitre ! J'y ai mis tout ce que je pouvais, d'où ce petit retard mais j'espère que vous me pardonnez :)

Dites moi ce que vous en pensez surtout !

Xoxo,
Tessy.

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