Chapitre XXIV : Feu et eau.
Orion était sans nul doute apparent le plus puissant de sa lignée. Bien loin de l'élégance hautaine de sa sœur ou de l'abrutissante vantardise de son cousin, il était sournois, fort et réfléchit. Cela, Ignea le savait. Et elle savait également qu'il était si brûlant de rage que ses vices et sa cruauté était décuplés. Au plus profond de lui, il voulait le pouvoir, le trône d'Atralean. Et sa frustration de ne pouvoir y parvenir, liée à sa haine envers la meurtrière de sa famille le poussait à développer des pouvoirs inconsidérés. La Dame s'attendait à un piège de la part du fils du feu. Elle savait qu'un combat allait avoir lieu. Et pour enfin pouvoir mettre fin à cette ridicule rivalité, elle allait remporter ce combat. Il fallait seulement qu'Alaster ne soit pas mis au courant. Car Ignea utilisera ses pouvoirs, peu importe ce qu'il lui en coûtera. Et tout cela prendra fin. Aujourd'hui.
Lorsqu'elle poussa l'immense porte d'entrée du palais, elle releva le menton en apercevant Orion qui l'attendait près d'un bassin d'eau. Il observait des ses yeux ruby, la danse des âmes damnées et des Miüls. Un sourire étira ses lèvres tandis qu'elle signala sa présence en claquant des talons :
« Bonjour Orion.
Le fils du feu se tourna vers elle, un sourire vicieux sur le visage. Il savait qu'Ignea viendrait pourtant il ne pouvait s'empêcher de se satisfaire de l'avoir attirer à lui.
- Ignea.
Il la défia du regard, sans une once de respect, méprisant et vindicatif. Cela n'effraya nullement la terrible femme qui répliqua :
- Je suis la Dame du Marécage. Tu ne peux me convoquer ainsi ni même prétendre me faire payer un quelconque tribu.
- Tu n'es pas une Dame, Ignea. Seulement la compagne de jeu du seigneur d'Atralean. Lorsqu'il se lassera de toi - et il le fera, qui voudrait d'une telle horreur ? - tu mourras. Tu devrais t'estimer heureuse. Je t'évite des souffrances à venir.
- Dans ce cas, considère que j'ai également éviter ces souffrances à ta sœur. Elle doit être si sereine dans les profondeurs du marais. Je suis persuadée que son cadavre sert de décoration aux âmes damnées. Pauvres noyés, un peu de beauté est un misérable réconfort que je me suis plu à leur offrir.
Les yeux d'Orion jetaient des éclairs. Pourtant il laissa la Dame parler. Car plus elle le chercherai, plus il se déchaînera. Et elle le savait. Elle appréhendait avec une délicieuse excitation cette avalanche de violence qui s'abattra sur eux.
- Mais si tu le désires Orion, nous pouvons également parler de ton cousin. Il me semble que Genesis était comme un frère pour toi non ? Quoiqu'il ait toujours été fou d'amour pour ta sœur. J'imagine que prenant en compte vos origines cela ne devrait pas étonner...
- La ferme !
- Perdrais-tu patience fils du feu ? Je te pensais plus adroit et habile que cela.
Une lueur vicieuse s'alluma dans le regard incandescent du courtisan.
- Veux tu évoquer ton cas, Ignea ? Une pauvre humaine, enlevée de son monde rien que pour servir de marionnette au monstre du marais. Tu n'as pas ta place et tu mourras comme tu es née, dans le malheur et la désolation.
- Prends garde à toi Orion.
Il ricana. Ses yeux écarlates s'étaient mis à luire dangereusement. Il se mit à reculer de quelque pas en écartant les bras, d'un geste presque nonchalant et siffla :
- Tu vois, il n'y a personne ici, Dame du Marécage. Rien que nous deux. Toi et moi.
- Tu ne m'effraie pas. Tu veux jouer ? Très bien, jouons.
Elle leva le menton, l'invitant à attaquer. Orion ne se fit pas prier d'avantage. Il lança l'offensive.
Ignea se baissa de justesse pour éviter la boule de feu qui fonçait sur elle et tira de sa ceinture un de ses sabres. Elle sentait le sang pulser contre ses tempes, la fumée qui s'échappait de chaque partie du corps de son adversaire, la tension insoutenable de l'air et par dessus tout, la soif de vengeance qui les habitait tout deux. Lui revinrent en mémoire le souvenir de Genesis tentant de la brûler vive face à toute la cour et celui de Loena qui avait essayé de la noyer dans le bassin au damné. Loena qui lui avait valu une violente dispute entre elle et son amant. Cette famille était un véritable cailloux sous sa botte. Et elle avait enfin l'occasion de s'en débarrasser. Ignea n'hésita pas et se jeta corps et âme dans le combat.
Les coups pleuvaient, et entre flammes et lames tranchantes, le duel devenait mortel. Plongeant au sol, la Dame faucha les jambes de son adversaire. Mais alors qu'elle bondit sur lui, il parvint à la maintenir à distance pour se lever. Orion traça un grand cercle de flamme autour de lui et nargua la terrible femme du regard. Elle plissa des yeux et prit une grande inspiration. Puis elle se jeta dans l'arène. Le feu les entouraient, projetant leurs ombres sur la façade du sinistre palais d'Atralean.
Il était vrai qu'Orion contrait avec facilité les attaques d'Ignea à l'aide de ses souffles enflammés, cependant celle ci évitait avec une agilité surprenante chaque attaque. Jamais elle n'avait fait preuve d'autant de souplesse et de rapidité. Il était impossible pour le courtisan de l'atteindre avec l'une de ses boules de feu. La Dame se révélait être aussi insaisissable que l'eau.
Elle parvint à se retrouver suffisamment proche, face à lui et leva son arme, prête à frapper. Seulement se glissant avec rapidité près d'elle, il lui saisit soudain le poignet de sa main enflammée et le lui tordit de toute ses forces. Le feu attaqua la chaire de son bras et Ignea grogna de douleur. Son arme lui échappa des mains tandis qu'elle tentait de se défaire de l'emprise de fils du feu. Seulement Orion semblait décidé à ne pas la lâcher. Les choses se compliquaient. Il approcha sa deuxième main ensanglanté du visage de la jeune femme, et sussura, perfide :
- Alors, Dame du Marécage, es-tu encore si sûre de l'emporter ? »
Le souffle acre de son adversaire parvint à la jeune femme qui grimaça de dégoût. Faisant abstraction de la souffrance causée par les flammes, Ignea amassa soudain le plus de puissance dans son bras libre et frappa à la poitrine Orion. Une immense onde de choc le projeta une dizaine de mètre en arrière, sur sa ligne de feu. Profitant de ce répit, elle reprit son souffle et porta toute son attention sur sa blessure. Ses doigts appuyaient contre sa plaie noircie. Elle sentait les crépitements de la magie se mêler aux déchirures de la douleur. Ses dents étaient si fermement planté dans sa lèvre qu'elle en sentit le goût du sang.
Mais subitement, Orion fut debout, face à elle. Et avant qu'elle ne puisse faire quoique se soit, il embrasa ses mains, prêt à envoyer d'immenses flammes sur Ignea. Elle eut tout juste le temps de croiser les poignets en un geste de protection vain, préparée mentalement à la morsure du feu, sentant la chaleur du brasier s'approcher d'elle...
Seulement rien ne vint et elle releva les yeux lentement vers son ennemi.
Un frisson glacé la parcourut quand elle se rendit pleinement compte de ce qu'elle venait tout juste de faire.
Un mur d'eau brune et verte, haut de plus de trois mètres, se dressait entre elle et son adversaire et s'approchait dangereusement de ce dernier, avec pour seul but de l'entraîner. Orion foudroya du regard Ignea dont l'image était troublée par l'eau qui les séparait mais éteignit les flammes qui courraient le long de ses bras avant de prendre la fuite face à cet étrange sortilège. Mieux ne valait pas tenter d'affronter cette magie maudite. Il aura sa vengeance, il le sentait, mais pas aujourd'hui.
Ignea restait figée face à ce qu'elle venait d'invoquer. Elle avait fait appel au marais qui lui avait obéit. Son souffle saccadée était le seul bruit audible, elle avait les poings serrés et sentait la magie crépiter au bout de ses doigts et circuler dans tout son être.
Elle avait fait appel au marais...
Comme hypnotisée, elle tendit la main vers l'immense mur d'eau. Alors que ses doigts rencontrèrent le liquide gelé, elle eut soudain l'impression de sombrer dans les profondeurs du marais. Les abysses d'Atralean l'appelaient, chant envoutant et dangereux. L'air lui manqua soudain tandis que sa vue se brouilla. Une masse sombre s'était abattue sur elle, et la dame du marécage se sentit peu à peu couler.
Quand, subitement, elle ouvrit les yeux. Elle retira brusquement sa main, comprenant qu'elle venait de faire une erreur monumentale. Mais trop tard. La masse d'eau fut parcourut d'une ondulation avant de se diriger dangereusement vers Ignea qui recula.
Elle avait à son tour répondu à l'appel du marais...
Des ses yeux exorbités, Ignea chercha une échappatoire, consciente, que si elle ne parvenait pas à s'en sortir, Atralean l'emporterait et aurait eut son sacrifice. La dame sentait qu'elle approchait dangereusement d'un bassin d'eau. Quoiqu'elle fasse, elle était désormais encerclée par les flots maudits. Serrant plus fort les poings, elle se prépara mentalement à devoir affronter l'impossible.
Un rugissement déchira soudain l'air tandis qu'Alaster apparut dans l'embrasure de la grande porte. Ignea tourna la tête dans sa direction au moment même où le mur d'eau amorça un mouvement pour la noyer. Le seigneur d'Atralean bondit sur son amante, la basculant au sol, l'écrasant sous son poids, alors même que la vague se brisa sur eux, déversant des flots glacés et sombres.
Alaster sentait sous son imposante carrure bestiale, le corps maigre de sa dame qu'il recouvrait complètement. Elle était entièrement dissimulée sous l'épaisse fourrure du seigneur d'Atralean. Peut être étouffait elle ? Mais cela n'avait pas d'importance, il n'en avait que faire. La seule chose qui importait était le fait que son corps faisait rempart entre elle et le marais qui venait de tenter de l'attirer à lui. Le marais venait d'essayer de noyer sa Dame. Il avait changé de stratégie. L'eau maudite affluait autour de lui, il sentait sa puissance, mais elle ne pouvait rien contre lui et il protégeait sa Dame. Craignant même que ça ne soit pas suffisant, il la serra encore plus contre lui, réduisant encore le peu d'espace qu'il restait. Moins il y en avait, moins le marécage pouvait s'infiltrer et tuer.
Et enfin l'eau se retira, petit à petit. Il se laissa tomber sur le côté en poussant un grondement de frustration avant de poser son regard sur sa Dame. Elle reprenait son souffle, l'air totalement effarée. Aussitôt, une fureur terrible monta en lui, véritable flot de lave en fusion. Atralean avait essayé de lui prendre Ignea. Et ça, Alaster ne le cautionnait pas.
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