Chapitre XIX. La mort pour amie
<<Es-tu obligée de te venger Ignea ?
- T'es-tu déjà fais prendre dans une illusion ?
La bête posa ses yeux dénués d'émotions sur sa Dame. Elle rit d'un rire froid et cassant en secouant la tête.
- Non, bien sûr que non. Tu es le seigneur d'Atralean, personne n'osera jamais s'en prendre à toi. Je doute même qu'une illusion puisse fonctionner sur toi... Seulement je ne suis pas pareille et si mon amulette me protège peut être des petits sorts bénins, une illusion comme celle que m'ont gentillement envoyés les Illusionnistes, c'est d'un tout autre niveau. Ils ont tenté de détrôner la reine, ils ont échoués. Ils doivent en payer le prix.
- Et c'est donc pour cela que tu te sens obligée de décimer la moitiée des lignées de mon royaume.
- Comme tu l'as dis, le marécage s'éveille Alaster. Et nous venons d'en avoir la preuve ! Si je ne fais rien, c'est mon corps qu'on retrouvera froid et sans vie avant la nouvelle lune.
La détermination d'Ignea amusait vraiment le seigneur d'Atralean. Et irrémédiablement, les désirs meurtriers de la dame du Marécage impactaient sur lui, de par le lien qui les unissaient. Elle voulait faire couler du sang ? Bien, qu'elle se fasse plaisir. Ce n'était pas lui, le monstre millénaire, qui allait l'en empêcher.
- Que t'a donc montré cette illusion ?
La jeune femme esquissa une moue et soupira, la voix rendue basse par les mauvais souvenirs :
- Ce ne sont pas des choses à raconter.
- Tu sais que si je le voulais, je pourrais te forcer à me le dire ? Il est si facile de te faire plier...
Ignea se raidit imperceptiblement. Bien évidemment qu'elle le savait. Elle n'avait toujours été qu'une petite souris entre les griffes du roi des marais qui à tout moment, détenait le pouvoir de la contrôler ou de la briser. C'était si facile pour lui de parfois maintenir la pression que quelque fois, la dame se demandait si il n'aurait pas mieux valu pour elle de se laisser brûler au bûcher. Ses pensés ne duraient jamais car au final, rien n'était pire que la morsure du feu et cette marque d'autoritarisme ne lui posait plus vraiment de problème. D'autres émotions avaient pris place. Laissant un incroyable faux sourire étirer ses lèvres, elle s'approcha de lui et sussura :
- Tu aurais du laisser cette bête m'emporter.
- J'aurai dû, oui.
- Si tu savais à quel point je te déteste Alaster...
Un grondement amusé presque semblable à un ronronnement monta dans la gorge de son amant qui répliqua sur le même ton :
- Tu es la plus cruelle des menteuses, ma belle.
Cette fois ci, le coin des lèvres de la jeune femme tressaillit alors qu'elle retenait un vrai sourire, et, le regard mystérieux, elle souffla avant de faire demi-tour et de s'enfoncer dans la brume :
- Peut être...>>
Alaster regarda sa Dame s'éloigner et n'eut d'autre pensés que celle qu'il avait encore de nombreuses choses à découvrir et de nombreux mystères à percer à son propos et que le temps lui était compté...
Puis son regard se posa vers l'antre par laquelle s'était échappé la créature et il plissa les yeux. Dévoilant les crocs et grondant, il ne pouvait s'empêcher de haïr pour la première fois le marais qui lui avait donné la vie et sa terrible malédiction, eux qui voulaient lui arracher sa si singulière partenaire. Sa lumière dans les ténèbres. Une flamme allumée par les braises de la rage que de trop puissantes et inconnues forces avaient enchainée à ce seigneur maudit.
Non, Alaster n'aimait pas donner ce qui était à lui. Et Ignea lui appartenait. Pour toujours et à jamais. Il lui avait dérobé beaucoup pour l'emprisonner de sa présence, avait érigé une cage de jeux et de peur pour pouvoir la garder à lui pour toujours et à jamais. Une véritable folie... Peut être avait elle raison quand elle affirmait qu'il était tordu. Peut être l'était-il vraiment finalement.
Mais Ignea était plus que tout ce qui n'avait jamais été. Elle serait son glas, sa déchéance. Ou il serait la sienne. C'était à celui qui survivra le premier.
*
Elle laissait des corps, des morts derrière elle. La longue lame de son sabre trainait derrière ses talons alors qu'elle avançait au milieu de la grande salle de le charmante demeure des Illusionnistes. Charmante n'était peut être pas le mot juste finalement. Il s'agissait d'un obscure et vaste manoir. Les rideaux obstruaient chaque fenêtre, l'intérieur était meublé et tapissé d'une telle manière qu'on aurait pu se croire dans le cabinet d'un magicien. Tout était riche, orné et pourtant, cela se sentait qu'il ne s'agissait que de vaines illusions. Encore un peu et l'on se serait cru dans un lupanar.
Cependant Ignea ne prêtait pas vraiment d'attention aux mots. Ils étaient ce qu'ils étaient. Les mots n'étaient jamais ou presque vérité. Ils en perdraient leur sens.
En revanche, les illusions, c'était une autre affaire. Celle dans laquelle elle avait été prisonnière était lourde de significations. On avait joué avec ses peurs. On avait joué avec ses faiblesses. Oui, la dame s'était entichée de l'enfant, oui, elle craignait une trahison de la part de son amant mais elle ne craignait pas la mort. Et si en un jour elle avait failli mourir par deux fois, elle n'en restait pas le moins du monde marquée.
La mort était devenue une amie. Ignea était presque devenue une faucheuse elle même tant elle avait semé de cadavres derrière elle. Mais cette vision, cette... illusion, venait de remettre en cause l'assurance mortelle qu'avait acquise la jeune femme.
Une assurance qu'elle avait récupéré en décimant la famille des illusionnistes. Leurs corps tronaient dans leur salle de banquer, affalés sur la table en ébène, près de la majestueuse cheminée, sur le tapis imbibé de sang pourpre... Au milieu de ce carnage, Ignea ressentait sa puissance au plus profond d'elle. Une puissance meurtrière.
Un bruit attira son attention. Elle se tourna et apperçu un courtisan qui n'était pas mort. Elle s'approcha de lui et s'accroupit. Le symbole rouge sur son front d'un noir ébène luisait et se mêlait parfaitement au sang qui coulait au sol.
Ignea esquissa un sourire moqueur.
<<Mais c'est qu'on a un petit solide par ici !
L'homme tenta de parler mais il ne fit que cracher du sang.
- Ce n'était vraiment pas malin de tenter de tenter de m'enfermer dans une illusion. Il aurait fallut trouver un truc plus radical et même là vos chances auraient été infimes.
- Vous... vous ne...
- Quoi ? Je n'entends pas, parlez plus fort !
Il cracha à nouveau du sang mais reprit tout de même avec difficulté.
- Vous... ne parvien...drez pas à v...os fin.
- Mes fins ? Je n'ai pas de fins mon bon ami. Je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez...
- Nous... av...ons lu dans... votre... cœur.
Sa victime expirait et chaque parole entrainait de la souffrance. La dame poussa un long soupire à fendre l'âme et secoua la tête. Tout cela aurait pû être amusant mais au fond d'elle, elle était lasse. Tous ces petits jeux de pouvoirs l'emmerdaient royalement. Les maîtres des illusions ne s'étaient pas trompé sur un point : elle désirait en finir. Elle se releva alors avec assurance, son sabre en main.
- Vous semblez oublier un détail...
Sa lame s'enfonça dans la poitrine de L'illusionniste qui fut secoué par un spasme avant de pousser son dernier soupire.
- Je n'ai pas de cœur.
C'est à ce moment qu'Ignea apperçu la petite fille cachée sous la table. Ou plutôt, qu'elle entendit sa respiration saccadée et ses sanglots étouffés. Elle s'approcha alors d'elle et s'accroupit face à la gamine. Sa peau était aussi sombre que la nuit et un symbole ruby ornait son front. Du ton le plus gentil qu'elle puisse emprunter malgré sa voix cassante, la dame murmura :
- Ne crains rien, je ne te ferai pas de mal. Si l'on te demande ce qu'il s'est passé, dis leur que c'est ce qu'il arrive quand on ose défier la Dame du Marécage. Dis leur que si l'un d'entre eux tentait à nouveau de s'attaquer à moi, il subirait le même sort que les maîtres des Illusions du marais de l'Est. La mort. >>
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top