Chapitre XII. Bienvenue à Atralean...
La salle du trône était vide ou presque. Seuls demeuraient Ignea et l'enfant aux yeux blancs. Assise sur le siège de son amant, les jambes repliées sous elle, les épaules presque complètement guéries et sa tête reposant contre le dossier du trône, la Dame réfléchissait en silence. Quant à Alouan il était absorbé par sa lecture et tentait de comprendre par tous les moyens ce qu'il se passait. Soudain les portes s'ouvrirent sur Alaster qui pénétra dans la pièce, traînant son repas du jour. Peu importe l'animal, celui ci n'avait pas du comprendre ce qu'il lui était arrivé. La bête s'installa au centre de la salle, et d'un grognement furieux ordonna au petit garçon de s'en aller. Alouan s'enfuit à toute vitesse, effrayé, et Ignea posa ses yeux furieux sur Alaster qui commença son dîner sans jeter un regard à sa dame.
Elle prit une inspiration et ferma les yeux un instant. Lorsqu'elle les rouvrit, elle se leva et s'avança avec précaution vers le seigneur des marais. Celui ci tourna la tête vers elle et grogna. La Dame le fusilla de son regard noir et s'installa à ses côtés sans un mot et sans toucher à la viande. Alaster retint un sourire. Bien évidemment il restait furieux. Mais il était fasciné par le fait que quoiqu'il arrivait, elle restait toujours autant attachée à lui et vice versa. Qu'importait cette malédiction quand elle était là. Nonchalamment elle s'était mise à jouer avec une sorte de sphère noir qu'elle faisait léviter au dessus de ses paumes. C'en était presque attendrissant et il ne pu s'empêcher de murmurer :
« Dire qu'ils ont osé te qualifier de sorcière...
Elle releva ses yeux sur lui et se figea un instant face aux yeux cruels qui la fixait. Pourtant elle lui accorda un discret sourire.
- Et avaient-ils tort ? N'est ce pas ce que je suis ?
Il secoua la tête et grogna :
- Les humains sont ils stupides pour négliger un tel pouvoir ?
- Ils en ont peur, c'est pour ça qu'ils ont voulu me brûler. A ce qu'il paraîtrait j'aurai utilisé un filtre d'amour pour charmer mon époux. C'est complètement idiot.
Ignea rit un instant. Mais c'était un rire froid et vide. Puis reprenant son sérieux elle souffla, se remémorant sa courte visite dans les profondeurs d'Atralean et les remous qui agitaient le marais ainsi que toutes les apparitions de corbeaux spectraux :
- Quelque chose ne va pas.
- Que dis tu ?
- Dans le marais. Quelque chose ne va pas.
Le seigneur d'Atralean releva la tête de son repas et fixa sa Dame. Elle s'en était également rendue compte. Et si il s'agissait de ce qu'il craignait le monde entier était en péril. Alaster gronda :
- J'irai vérifier.
- Si tu veux, je m'en chargerai. Après tout, tu dois tellement être occupé...
Le ton ironique de la Dame piqua au vif le seigneur :
- Dis surtout que tu veux t'éloigner le plus possible de cette cour...
- Il y a un peu de ça en effet !
Il s'agissait surtout pour elle de découvrir la véritable nature du problème. Car après les récents et étranges événements, il était certain que problème il y avait.
Elle se releva mais il la retint en enserrant son bras fin de sa grosse patte velue.
- J'espère avoir été bien clair Ignea.
- Je ne dois plus rompre de serment je sais.
Elle leva les yeux au ciel. Alaster sourit, dévoilant ses crocs si bien taillés :
- Ce n'est pas ce que je voulais dire. Mais si tu as retenu cette leçon c'est une bonne chose. Je ne voudrais pas avoir à te combattre à nouveau.
- Alors qu'est ce donc ?
Le regard sombre de la bête fit frissonner la jeune femme qui fit disparaître la petite sphère qui brulait encore entre ses doigts.
- Ne doute jamais, au grand jamais de ce lien.>>
Il la lâcha. Elle inclina la tête et s'éloigna sous le regard lourd de sens de son amant. Le cœur de la Dame tambourinait dans poitrine. Quoiqu'il se passait, les choses étaient pires que ce qu'elle pensait.
Elle filait dans les couloirs, bousculant tout ceux qui se trouvaient sur son passage. Son esprit marchait à plein régime et elle se rendit compte que de nombreux autres détails lui avaient échappés, que quelque chose manquait pour que le puzzle puisse s'assembler. Il était clair qu'Alaster lui cachait des choses. Après son inspection des marais, elle lui demanderai. Il serait obligé de lui répondre. Il n'avait pas le droit de lui dissimuler quoique ce soit...
Alors qu'elle mit un pieds en dehors du palais, sortant des remparts qui entourait la royale bâtisse, Igna aperçu Alouan assis sur un rocher, les pieds dans l'eau verte. Il fixait un point à l'horizon. Elle s'approcha de lui sans dire un mot. La voix du petit garçon troubla soudain le silence :
<< Tu ne périras pas par le feu...
La Dame sursauta légèrement. Il avait employé un ton qu'il n'utilisait que lorsque quelque chose de grave allait se passer et qu'il le pressentait.
- Qu'est ce que tu racontes encore Al' ? interrogea t-elle, surprise des paroles inattendue de l'enfant.
La preuve en était ce surnom, qu'elle ne lui donnait que très rarement. Il cligna des yeux, lui aussi surpris mais reprit son explication avec calme :
- J'ai dis que tu ne périras pas par le feu... Tous tes ennemis ont tenté de te réduire en cendre jusque là : les humains et leur bûcher, la lignée des marais brûlant avec Genesis et Loena qui aurait pu se servir du feu et qui ne l'a pas fait... Ce ne sont pas les flammes qui t'entraîneront vers l'oubli...
Ignea serra les poings, ses griffes d'argent s'enfonçant dans sa paume. Ce que racontait Alouan était trop pour elle. Comment pouvait-il savoir de telles choses ? C'est alors que le petit garçon plongea ses yeux d'un blanc immaculé dans ceux de la jeune femme qui tressaillit. Il la regardait avec une telle expression qu'elle même se mit à douter. Et soudain quelque chose la frappa. D'une voix rauque elle souffla :
- Si ce n'est pas le feu qui me fera mourir, alors ce sera l'eau... C'est cela n'est ce pas ?>>
Ce n'est pas parce qu'elle ne s'était pas noyée jusque là que le marais la rejeterai indéfiniment... Personne n'était réellement immortel...
Alouan se raidit et, dans un élan enfantin, se précipita sur Ignea, enserrant la taille de la Dame de ses petits bras dans une étrange étreinte. Elle resta figée, les bras relever de surprise, ses yeux noirs dans le vague, tétanisée par la réaction de l'enfant et par cet élan de tendresse. Et soudain les souvenirs lui revinrent.
Elle se souvenait, se rappelait. Debout dans la brume elle percevait les hurlements d'un enfant qui appelait à l'aide. Des hurlements qui résonnaient dans tout le marais norrois. Seulement, ce fut elle qui apparut face à lui. Il était perdu, petit et apeuré. Il avait levé les yeux sur la Dame du Marécage et avait aperçu les deux gros chiens à ses pieds. Des chiens ? Ces créatures étaient encore plus effrayantes que les loups dont lui avait parlé ses parents.
<< Qui... qui êtes vous ?
L'une des bêtes bondit soudain sur ses pattes prête à se jeter sur l'enfant, cependant la Dame l'en avait empêché d'un sifflement :
- Couchée, sale bête. On ne t'a jamais appris à obéir aux ordres ?
Le chien gémissait étrangement et le petit garçon s'était rendu compte que la femme faisait quelque chose qui contrôlait la bête. Mais quoi ? La Dame se racla la gorge et répondit, impassible :
- Ignea de Castelnera, pour répondre à ta question. Mais je suis plus connue sous le nom de la Dame du Marécage. Et toi petit, ta vie prend fin aujourd'hui.
Il recula, effrayé.
- Qu... quoi ?
Un étrange sourire naquit sur les lèvres de la Dame.
- Tu m'as très bien entendue. C'est la fin. Tu ne ressortiras pas des marais.
Il tremblait et elle entendait son petit cœur battre la chamade. Elle aurait pu s'en satisfaire. Se délecter de la peur qui émanait du petit être. Mais quelque chose dans le regard du garçon lui avait alors rappelé Thomas.
- Quel âge as-tu ?
La question avait étonné l'enfant qui répondit d'une petite voix :
- Huit ans...
Plissant des yeux la Dame se laissa aller à un vieux souvenir :
- Il y avait un petit garçon... ce n'était pas mon fils, je n'en ai jamais eu et je n'en aurai jamais, mais je l'ai aimé comme tel... tu lui ressembles un peu tu sais ?
Le discours d'Ignea était on ne peut plus insolite pourtant elle employait un ton tellement ironique que l'enfant en était effrayé.
- Peu importe, reprit-elle, je te laisse le choix. Les chiens ou les miüls ?
Aussitôt les sirènes du désespoir apparurent derrière le petit.
- Mais... je ne veux pas mourir !
- Que c'est attendrissant ! Écoute, les chiens te dévoreront. Une mort douloureuse certes, mais après cela, tout sera finit. Si au contraire tu choisis les miüls, tu ne mourras pas. Mais tu deviendras pire que mort. Tu deviendras une âme damnée, te noyant pour toujours dans le marécage. Choisis.
- Je ne veux pas choisir.
"Entêté, ce petit" avait pensé la Dame qui avait sourit encore plus. C'en était terrifiant.
- Tu as dis que tu avais huit ans ? Et bien tu as huit secondes pour choisir. Huit, sept...
L'enfant ne savait que faire. Il avait compris : il ne ressortira jamais d'ici, peu importait quel était vraiment cet ici. Pourtant il ne pleurait pas. Il était déterminé à ne pas passer pour un bébé d'autant plus face à cette si étrange Dame, qui malgré sa méchanceté et sa laideur, était d'une prestance incroyable.
Ignea fut surprise de la force d'esprit du garçon mais elle finit son compte à rebours.
- Deux, un... très bien, ton choix est fait.
Elle lâcha les chiens qui bondirent sur l'enfant. Mais celui ci avait fait volte face et avait sauté dans l'eau, sombrant dans le marécage. Les bêtes glapirent en freinant de justesse pour éviter la noyade. La Dame Du Marécage écarquilla les yeux mi-surprise mi-amusée avant de faire demi-tour pour rejoindre le palais. Cependant un étrange sentiment lui étreignit le cœur. Son instinct lui hurlait de se retourner, de retrouver l'enfant, qu'elle aurait besoin de lui dans le futur. Dépitée par cet étrange pressentiment, elle lâcha un grognement.
Et puis merde !
Faisant volte face, elle plongea dans l'eau du marécage. Avant de perdre connaissance, l'enfant pu apercevoir une femme à la beauté envoutante et aux yeux verts transcendants. Car, alors même que son corps s'enfonçait dans l'eau, la Dame se métamorphosait pour redevenir la <<Belle de Nuit>>. Mais elle n'y prit pas garde, évoluant avec aisance sous l'eau, nageant pour rattraper l'enfant qui sombrait vers les profondeurs. Elle l'avait attrapé sous les bras et s'était propulsée à la surface, tirant le petit garçon derrière elle.
S'étant hissée sur la berge, Ignea allongea l'enfant sur une lande de terre noirâtre recouverte de mauvaises herbes. Il avait les yeux fermés et ne respirait plus. Posant une main sur le front translucide du petit garçon, la Dame remarqua qu'il était déjà à moitié une âme damné, à moitié un noyé. Les cheveux blonds du petit évoquaient l'aspect d'un ange et elle retint un rictus. Elle poussa un long soupire et effleura de ses lèvres celles de l'enfant, lui transmettant son énergie. Soudain un spasmes le secoua.
Et alors qu'il avait ouvert ses yeux devenus blancs, elle lui avait dit :
- À présent gamin, tu appartiens au marais. Comment est-ce que tu t'appelles ?
- Alouan.
Ignea avait sourit étrangement et lui avait sussuré :
- Alouan, bienvenue à Atralean.>>
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