5.3 - CHAPITRE

Je l'ignore avec la plus grande froideur et ouvre la portière. Lhinck n'est pas là. Je suppose qu'il est sûrement à la fête en train de boire un verre au bar, attendant qu'Orphyll aille le voir en claudiquant, complètement ivre, pour lui demander de le ramener au manoir. Je monte à l'arrière et essaie de refermer la portière mais Leighton m'en empêche.

— Tu peux m'ignorer, ce n'est pas grave. Je n'ai pas besoin que tu parles, juste que tu écoutes.

Je croise les jambes et m'adosse au siège de la banquette en regardant droit devant moi.

— Beau-papa compte envoyer quelques-uns de ses hommes dans le sud du continent. Nous ne savons pas encore quand mais... nous les suivons à la trace pour avoir une preuve, n'importe laquelle, qu'il suit les étapes pour briser le Stecken Dome.

De peur que quelqu'un ne l'entende, je le saisis par le poignet et le tire brusquement dans la voiture en refermant la portière.

— Tu es vraiment un imbécile ! Qui te dit qu'il n'a pas des espions ici ?

Leighton tire sur sa cigarette et hausse les épaules.

— Je m'en contrefiche.

Je le hais.

— Quoi ? fait-il d'un ton bourru en remarquant enfin le regard plein de dégoût que je lui lance. Ne me dis pas que tu nous en veux encore pour ton petit-copain ? Tu en trouveras un autre, par Lutsumoon. Ce n'est pas comme si tu n'avais que quelques décennies devant toi. Et puis t'es pas moche, ajoute-t-il en crachant une volute de fumée blanche au-dessus de nos têtes.

— C'est tout ce que tu avais à me dire ? demandé-je d'un ton glacial.

Il ouvre grand les yeux et grimace d'un air dédaigneux.

— Clairement, ton côté coincé, tu l'as pris chez ta mère. Elle aussi avait un balaie dans le...

— Bon, ça suffit ! Dégage de ma voiture.

Leighton éclate de rire alors que je le pousse pour le faire sortir. La cendre de sa cigarette tombe sur ma robe et la troue. J'ai envie de le tuer.

— Attends, mais attends quoi ! dit-il hilare en se retenant à la tête du siège avant.

Je ferme les yeux en serrant fort les poings pour ne pas m'énerver.

— Dégage Leighton ! hurlé-je.

Il retrouve son sérieux et me considère longuement.

— Je suis sincèrement désolé pour ton copain, Kaya. C'est sincère.

— Tu as déjà dit « sincèrement », je pense que ça suffit, rétorqué-je d'un ton cinglant.

— Mais il faut que tu saches que mort ou pas, vous deux ça n'aurait jamais dû arriver, poursuit-il en ignorant ma remarque.

Ses pupilles sont dilatés et l'odeur âcre de la fumée de sa cigarette me pique les yeux. Je ne réponds pas, trop habituée à ce qu'on me répète cette phrase.

— Autre chose : Ray et moi, on n'a toujours pas trouvé le livre originel. Ce qui est mauvais signe. Si Darky l'a en sa possession, nous sommes dans la merde. Je te tiens au courant vu que tu refuses de nous voir.

— Combien de temps mon père et toi êtes restés dans le monde des humains ?

Il se redresse en me regardant d'un air étrange.

— Comment as-tu deviné... ?

— Tu es le premier atlazasien que je croise qui fume des cigarettes du monde des humains et qui s'exprime de manière si naturelle dans une langue humaine.

Ses yeux brillent de fierté.

— Perspicace.

Il marque une pause avant d'ajouter en passant du coq à l'âne :

— Ray veut te voir.

Nous y étions, la véritable raison de sa venue.

— Je croyais que son surnom c'était Leigh.

— C'est ce trou de balle qui...

— D'accord !

Je l'interrompe en levant une main, agacée par sa vulgarité. Je prends une profonde inspiration et finis par lui dire que je ne veux pas les voir.

— Pourtant je suis là.

— Judicieuse remarque, Leighton. Tu remarqueras aussi que j'ai essayé de te faire déguerpir de la voiture mais tu es du genre pot de colle.

Il éclate d'un rire tonitruant avant d'être pris d'une quinte de toux.

— Tu me trouves pot-de-colle ? Attends de voir Ray.

— Va-t'en s'il te plaît.

— Oh, allez quoi ! fait-il en me donnant un brusque coup d'épaule.

Et là, j'explose à bout de patience.

— Non, il n'y a pas de « allez quoi » qui tienne ! J'aimais Ike et vous l'avez laissé mourir de la pire manière qui soit. Tant que vous respirerez, je ne vous pardonnerai pas !

Leighton hausse les sourcils et siffle.

— Ça risque d'être long alors.

Par pitié ! Cet homme et moi partageons vraiment le même sang ? La vie a-t-elle seulement de l'importance pour lui ? Je me pince les lèvres en le dévisageant avec colère. Il comprend cette fois que je suis sérieuse et ouvre la portière.

— Désolé pour la dernière fois, j'étais dans mes mauvais jours.

Parce-qu'aujourd'hui est un bon jour ?

— Je m'en fiche.

Il éclate d'un nouveau rire rocailleux et déclare :

— Narka, je ne l'aimais pas trop mais toi...ça va, ça va.

Je respire profondément en fermant les yeux et soupire de soulagementquand il referme enfin la portière, me laissant enfin seule et en paix. EtOrphyll qui pense que je n'arrive pas à maîtriser mes nerfs. Je trouve que jeme suis très bien débrouillée ce soir. Je pose mon front contre la vitre froidede la fenêtre en observant la lune qui brille comme un bijou dans le drap noirdu ciel. Dehors, quelques jeunes de la noblesse atlazasienne rient de bon cœurà quelques mètres de la voiture. L'année dernière encore, ce petit groupe,c'était nous. Je me détourne avec un pincement au cœur et repense à mon voyagecatastrophe dans un souvenir d'Alyssa. Nous avons tous sous-estimé Milo.

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