4 - CHAPITRE
Partie 1
4 – CHAPITRE
Je me retrouve assise à une petite table ronde. Entre mes mains, je tiens une tasse de café fumante et agréablement chaude contre mes paumes. Bien qu'emmitouflée dans une doudoune et entre les murs d'un petit café, la morsure du froid sur ma peau est douloureuse. Le bout de mon nez et mes joues sont gelés. Les mèches lisses et blanches des cheveux d'Alyssa caressent mon visage quand je baisse la tête, pour regarder mon corps. J'ouvre et ferme les mains à plusieurs reprises. Bon, il semblerait que cette fois, j'ai un contrôle total sur son corps, plus grand et élancé. Je ne suis pas simplement une passagère de ce voyage, j'en suis la pilote. Je balaie les lieux des yeux et ne reconnais pas les rues plus étroites et couvertes d'une épaisse couche de neige blanche. La petite ville est bâtie sur une petite montagne, elle-même encerclée d'autres montagnes plus hautes et imposantes. Malgré le soleil éclatant dans le ciel étonnement blanc, les rues ne sont pas très ensoleillées. D'ailleurs, l'atmosphère dans cette partie de la ville est étrange. Elle semble être laissée à l'abondant. On dirait un de ces endroits que l'on montre dans certains films, où prostitués, dealeurs et voyous se côtoient. Les trottoirs sont sales, jonchés de détritus jetés et plantés dans la neige. Des atlazasiens, des crokatlas et hommes-poissons pour la plupart, défigurés, le visage criblé de cicatrices horribles, traînent dans les coins. Certains aboient en passant près de la fenêtre de ma table, sifflent et me jettent des regards pervers. Une femme d'une espèce que je n'ai encore jamais vue, traverse la rue et manque de se faire embrocher par une voiture qui portent des défenses pointues sur le pare-chocs. Sa peau est translucide, transparente et a un aspect gluant mais seuls ses veines bleues sont apparentes. Ses cheveux ont l'air si léger qu'ils se mouvent avec un temps de retard quand la femme bouge. Ses yeux ne sont que deux fentes noires sans pupilles. J'en reste paralysée, choquée. Atlazas, ne cessera jamais de me surprendre. Soudain, derrière elle, se dessine la silhouette frêle de Milonask Nothz qui la contourne alors que la femme frappe du poing la voiture. La fourrure de son manteau lui couvre une partie du visage, mais il n'y a aucun doute, c'est lui. Quand il pousse la porte, un vent hivernal digne de la Sibérie souffle dans le café déjà mal réchauffé.
— Tu es finalement venue, dit-il en s'approchant de ma table.
Mes doigts se crispent sur la porcelaine brûlante de la tasse. Il est là, devant moi et s'installe en tirant la chaise en bois. Milo pose les coudes sur la table ronde et me regarde avec ses petits yeux bleu océan qui jure avec les tons bleutés de sa peau.
— Dono Darken t'en sera très reconnaissant. Fais-moi confiance.
Je suis prise une violente envie de l'envoyer valser à travers la fenêtre. Et pourquoi pas ? Soudain, je me fige. Comment ai-j1e fait pour ne pas y penser plus tôt ? Il m'était déjà arrivé de faire un voyage dans le passé où j'avais le contrôle entier du corps de mon hôte. Celui de ma mère pour être précise. Mes actes pouvaient-ils avoir des conséquences sur le futur ? Et si je le tuais là, tout de suite ? Mon cœur s'affola. Je récupérerais Ike. Milo se redresse sur sa chaise et me contemple d'un air méfiant. Normal, puisque je ne dis rien depuis qu'il est arrivé. Je dois ressembler à une psychopathe.
— Bien.
C'est le seul mot que je me sens capable de lui dire alors que dans ma tête, des milliers de questions et stratégies carambolent. Il a l'air rassuré car il reprend sur sa lancée :
— Désolé pour l'attente, Lonis me donne quelques tords. Il a quelques réserves concernant notre..., il baisse la voix, petit projet. Tout ça parce que monsieur a le béguin pour la cible.
Il me fait un clin d'œil et sourit. Un nœud se forme dans mon estomac. Milo est si...lui-même. Je n'arrive toujours pas à comprendre ce qui l'a poussé à prendre une telle direction. Je me rends compte avec écœurement que son amitié me manque. Notre petite bande d'amis me manque. Ces petits après-midis où nous nous retrouvions tous autour d'un café, où nous nous promenions dans la ville d'Atlazas, nos petits feux de camps improvisés sur la plage. Ce ne sera plus jamais pareil et c'est de sa faute.
— Tu voulais me voir pour... ? commence-t-il en haussant les sourcils sans finir sa phrase pour m'inviter à poursuivre.
Je brûle d'envie de savoir ce que lui y gagne dans l'histoire. Merde ! Il faut que je dise quelque chose sinon il va me trouver encore bizarre.
— Personne ne sera blessé ? demandé-je en restant évasive.
Il me scrute dans un silence étrange puis se gratte le menton.
— Il y a toujours des victimes.
Je fronce les sourcils, mécontente de sa réponse tout en hésitant quant à la manière de procéder pour le tuer. En dehors de la vieille gérante qui, à la caisse et le nez plongé dans un livre apparemment absorbant, passe le bout de ses doigts sur les pages d'une main et de l'autre, tâte la cafetière pour s'en faire un probablement, il y a un serveur qui fait semblant de travailler en passant le balai dans sur le carrelage qui est plein de poussières. A vue d'œil comme ça, il n'a pas l'air dangereux. C'est un gringalet, grand et très mince qui a l'œil vitreux. Je devine qu'il est épuisé et qu'il attend probablement qu'on parte pour fermer boutique.
— Des victimes ? répété-je.
— Mmmh...
Il commence à m'agacer avec ses demi-réponses. Je porte la tasse à mes lèvres sans boire le liquide trop limpide pour du café, sans le quitter des yeux.
— Tu en as fait, toi, des victimes au Festival de la Paix.
Le temps se suspend un instant quand ses mots prennent enfin un sens dans ma tête. Le chuintement des poils rêches du balai sur le carrelage sale, le ronflement de la cafetière qu'a finalement réussi à activer la gérante, et le tic-tac de l'horloge murale comblent le silence tendu qui s'est installé entre Milo et moi. Je vais casser la tasse et lui enfoncer un morceau dans le cœur, pour le tuer exactement de la même façon qu'il prévoit de me faire tuer Ike. J'abaisse le bras mais ayant prévu le coup, Milo s'appuie sur ses coudes, allongent les bras sur la table et m'attrape par les poignets qu'il tord en plantant ses ongles dans ma peau. La surprise me coupe le souffle. Il se penche en avant en me scrutant avec le bleu turquoise de ses pupilles.
— Ravi de te voir, Kaya.
Le sourire sur ses lèvres s'allonge et il éclate rire.
— Tu pensais vraiment que je ne m'en rendrais pas compte ?
J'essaie de me dégager de son emprise mais il me retient. Il est fort, très fort. Comment est-ce possible ? Je lui ai pourtant mis une raclée plus d'une fois. Il rit encore.
— Je suppose que si tu es là, c'est que dans un futur proche mon plan a abouti et que... Ike est mort.
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