CHAPITRE 8


2ème partie publiée



CHAPITRE

8

Après le départ d'Ike, Orphyll récupéra l'Insonar et me demanda de le suivre dans son bureau. Il tira les lourds rideaux épais qui empêchait toute lumière de pénétrer dans la pièce. Les faibles rayons du soleil envahirent aussitôt les lieux, filtrant à travers la vitre de la fenêtre. Un agréable parfum boisé flottait dans la pièce, le bureau était pour une fois, bien rangée et un nouveau cadre photo ornait le coin du meuble. Je tirai un des fauteuils en cuir marron et me laissai tomber lourdement sur ses coussins moelleux qui couinèrent sous mon poids. Orphyll se hissa sur la pointe des pieds et attrapa un grand bocal vide posé sur une étagère un peu haute. Avec un soupir, il posa le bocal sur son bureau et l'ouvrit.

- Prions nos ancêtres et la déesse Lutsumoon, pour que cet insonar ne serve plus jamais, dit-il en mettant y l'objet triangulaire. Orphyll observa, les sourcils haussés, l'insonar retomber avec douceur et toucher sans bruit, dans le fond en verre du bocal.

- Pourquoi le gardez-vous ?

Orphyll remit le couvercle.

- Ici, au moins, personne ne viendra le chercher.

Je grimaçai quand il leva le bocal à la lumière du jour, pour mieux l'observer. Puis il replaça le bocal sur la plus haute étagère, en montant sur un petit escabeau et en se hissant sur la pointe des orteils ; du bout des doigts, il parvint péniblement à pousser le bocal vers le fond, derrière plusieurs autres bocaux.

- Pourquoi n'avez-vous pas volé, tout simplement ? l'interrogeai-je en arquant un sourcil, d'un air incrédule.

Orphyll réajusta le haut de sa tunique et lissa les plis.

- Tant que je peux le faire sans déployer inutilement mes ailes, je le fais, dit-il en allant s'asseoir derrière son bureau.

- Je n'ai jamais vu vos ailes, Orphyll.

Le vieil homme pouffa de rire en avançant son fauteuil près de son bureau.

- Tu les verras, un jour, mes vieilles ailes presque sans plume du vieillard que je suis.

- Pensez-vous qu'un jour, j'en aurai ? demandai-je soudain curieuse. Etonnamment, je n'y avais jamais vraiment pensé tant l'idée que je puisse un jour voler en sillant les cieux à toute vitesse me paraissait incongrue.

Orphyll me regarda d'un air amusé, les mains en cathédrale sous son menton.

- Cela va de soi, Kaya ! Quelle atlazasienne digne de ce nom, n'en possède pas ?

Je haussai les sourcils et lui montrai mon dos, en lui lançant un regard oblique. Il pouffa de rire.

- Elles sont là, tes ailes, ma chère petite.

Ce fut mon tour de rire.

- Mais c'est la vérité et quand tu seras prête, elles sortiront toutes seules, un jour, comme pour tous les enfants atlazasiens. En générale, elles se déploient chez les enfants, entre 20 et 35 ans, m'expliqua-t-il en plissant le front, sous l'effort de la réflexion.

- Ça me paraît...invraisemblable, murmurai-je avec une grimace.

- Plus que d'être la future impératrice d'un monde dont tu ignorais l'existence, il y a peu ?

J'ouvris la bouche pour répondre puis la refermai en pinçant des lèvres. La question méritait méditation. Orphyll tapa des mains.

- Bon ! Mon enfant, je ne t'ai pas fait monter dans mon bureau pour discuter de science en ornitokagatia mais pour te demander quelque chose, dit-il en reprenant son sérieux.

- Qu'est-ce que c'est l'ornitokotia ?

- Ornitokagatia, articula lentement Orphyll. La science du vol.

- Pourquoi ne pas tout simplement dire : la science du vol ? dis-je, incrédule.

Orphyll eut envie de sourire mais il se rattrapa en se raclant bruyamment la gorge, un poing devant la bouche, puis reprit d'un air grave :

- Kaya.

Je me redressai sur le fauteuil, avec appréhension. Par pitié, par encore une mauvaise nouvelle.

- As-tu encore eu, un de ses rêves ou visions semblables à celle que tu as eu lors de notre dernière séance ?

Le soulagement me fit presque sourire, je me laissai retomber contre le dossier du fauteuil.

- Non, aucun nouveau rêve effrayant d'apocalypse, plaisantai-je.

- Plus de silhouettes blanches ?

Je fronçai les sourcils, sans comprendre ce qu'il voulait dire. Il me fallut quelques secondes pour me souvenir des silhouettes qui m'étaient apparues rapidement pendant ma crise.

- Non, à vrai dire, ce n'était pas le fait le plus marquant de ce rêve. Les cris, le bruit en fond sourd, qui résonnait comme un grondement et la chaleur intense que j'avais ressentie, étaient bien plus effrayant que ces gens en blanc, dis-je dans un murmure.

- Bon, très bien. C'était tout, dit Orphyll avec un sourire joyeux sur le visage.

- Vous m'avez fait monter dans votre bureau, juste pour me demander ça ?

- En effet, dit-il en sifflotant.

- Vous vous rendez-compte, que mes nerfs sont à fleurs de peau ? Je me suis imaginée tout un nouveau drame quand vous m'avez demandé, l'air grave de vous suivre !

Les épaules secouées par ses rires étouffés, Orphyll ouvrit son premier tiroir et en sortit quelques feuilles et un crayon. Je lui lançai un regard noir et me levai.

- Un jour, je vous tuerai, Orphyll ! m'exclamai-je quittant le bureau.

Je l'entendis glousser alors que je refermai d'un coup sec la porte.

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