CHAPITRE 8-2
4ème partie publiée
Il cligna des yeux, l'air hébété.
- Oui..., dit-il d'une voix traînante, pas très convaincu.
- Et si vous nous montriez nos places, mon garçon ? intervint Orphyll en tapotant le dos de Tim. A mon âge, rester debout aussi longtemps devient douloureux pour les frêles genoux qui supportent mon poids. Vous rendez-vous compte que j'ai pris pas moins de huit kilos, au cours des vacances ? Et elles ne sont même pas fini !
Alors qu'Orphyll accaparait Tim en se plaignant de rhumatisme, une main sur son épaule, je remarquai soudain dans le fond de la salle, un groupe d'atlazasiens plutôt surprenant par leur apparence. Comment dire ? Ils ne cadraient pas trop avec le reste de la salle. Ils portaient pour la plupart des tuniques en cuir marrons ou noirs pour la plupart et de longues bottes. L'un d'entre eux, en avant, des bras musclés croisés sur sa poitrine, dévisageait de son seul œil, d'un air méprisant les atlazasiens dans la salle. Il renifla bruyamment d'un air mauvais quand son regard se posa sur moi. Un large sourire se dessina sur ses lèvres fines.
- Qui sont-ils, Tim ?
- Ah, ce sont des membres de l'EPA.
- Vous plaisantez ?
Ces hommes-là ne ressemblaient en rien à Thorn, Ike ou Rubi. Tim esquissa un sourire.
- Etre membre de l'EPA, ce n'est pas simple. Les missions sont très dangereuses, ils ont affaire aux pires criminels d'Atlazas. Quand il y a une guerre, c'est à eux qu'on fait appel. L'OPA ce sont des petits joueurs comparé à eux, me dit-il.
- Si Berry vous entendait, elle serait furieuse. Ils n'aiment pas beaucoup les nobles, n'est-ce pas ?
Tim haussa les épaules.
- Ça dépend. Par exemple, Fury s'entend très bien avec le Certess Lindfor Nahuay qui gère son équipe. On dit qu'ils sont bons amis.
Il me montra une grande femme aux cheveux épais et pagailles qui auraient bien eu besoin d'un coup de brosse, qui discutait joyeusement avec Lindfor et éclata d'un rire tonitruant en retroussant son nez rond et proéminent. Effectivement, ils avaient l'air de s'entendre comme cochons.
- En dépit des apparences, Mikhaïl a bonne relation avec Vic Prynix...du moins jusqu'à récemment, ajouta-t-il en voyant Mikhaïl grimacer en regardant l'emblème des Prynix.
- Mikhaïl Cornic est réputé pour ne pas aimer les faibles. Peut-être considère-t-il son supérieur faible, maintenant qu'il est accusé de tentative de meurtre, dit Orphyll en se balançant d'avant en arrière sur la pointe des pieds.
Nous n'eûmes pas le temps de nous étendre sur le sujet. La double porte s'était de nouveau ouverte et cette fois-ci, c'est Galford qui fit son entrée, suivit de près par Mala. Le silence se fit soudain dans la salle. Soulevant d'une main ridée les pans de sa tunique blanche, Galford s'installa en un clignement d'yeux à sa place, le plus haut pupitre. Il balaya de ses yeux pâles la salle. Sa barbe parfaitement était brossée et ses longs cheveux soigneusement coiffés sous une couronne magnifique faite d'ornements de feuillage en or et incrusté de diamants. J'en restai bouche bée et regardai avec fascination le diadème. Jamais encore je ne l'avais vu porter une couronne. Orphyll surprit mon air ébahi et gloussa en secouant ses épaules.
- Tu ignorais que l'empereur possédait une couronne ? C'est vrai qu'il ne la porte pas très souvent.
Galford prit de ses longs doigts fins et blancs le marteau posé sur son pupitre avant de frapper trois coups secs.
- Nous allons pouvoir commencer, dit-il d'une voix lasse. Il leva les yeux vers moi et pour la première fois depuis mon arrivée à Atlazas, il ne me fit aucun signe. Galford m'apparut plus vieux et fatigué que d'habitude.
Orphyll me poussa vers ma place avant de s'asseoir à côté de moi. Devant nous, s'élevait les pupitres des chefs de familles et de Galford qui dominaient la Cours de Justice. Quand le silence s'installa totalement dans la salle, des cris étouffés nous parvinrent. Soudain, une des vitres de la pièce, s'ouvrit en coulissant sur le côté, une bourrasque de vent s'engouffra dans la salle, balayant les cheveux de tout le monde. Un projectile atteignit la vitre et éclata dans un liquide rouge à l'odeur pestilentielle. Plusieurs personnes se pincèrent les narines.
- Qu'est-ce qui se passe ? demandai-je à Orphyll, perplexe.
- On apporte l'accusé.
- Quoi ?
Bientôt une navette semblable à celle que j'avais aperçue en arrivant, robuste et rectangulaire arriva à hauteur de la pièce. Des gardiens de la prison Erde sortirent ensuite de la navette et ouvrirent une portière dont la fenêtre avait des barreaux épais. Vic Prynix fut poussé brusquement en avant et atterrit sur le sol en vitre de la Cours de Justice sous les cris révoltés de la foule réunie sur la place Dorgol. Deux gardiens l'attrapèrent chacun par un bras et le soulevèrent sans ménagement. On referma la vitre juste au moment où un nouveau projectile arrivait. Vic Prynix essaya de se débattre mais il fut rapidement immobilisé par l'un des gardiens qui lui assena un violent coup de ce qui ressemblait à une matraque d'un métal gris foncé. Je déglutis et me raidis sur mon siège alors qu'il passait devant moi et qu'on le poussait d'un nouveau coup brusque à la place isolée au centre de la pièce.
Vic Prynix, debout à la place de l'accusé, posa ses mains enchaînées sur la petite balustrade et leva les yeux vers Galford avec une grimace. Ses cheveux noirs étaient en pagailles sur sa tête et lui retombaient sur le visage, ses yeux étaient injectés de sang et de grands cernes soulignaient son regard noir. La mine défaite, il ne prononça pas un mot et ne tourna pas les yeux, une seule fois vers moi. Galford lut les chefs d'accusations à son encontre puis lui demanda ce qu'il avait à dire pour sa défense.
- Vous n'avez rien à dire ? insista l'empereur en haussant les sourcils, devant le silence dans lequel se murait Vic.
Silence. J'échangeai un regard avec Orphyll. Nous pensâmes la même chose : si Vic Prynix refusait de parler, nous ne risquions rien. Mon secret serait bien gardé.
- Bien, dit Galford en levant son marteau, prêt à donner son jugement.
- Savez-vous, ce que ça fait, de voir de la peur dans le regard de son fils ? Dit doucement Vic Prynix, les yeux toujours baissés sur ses mains.
Galford abaissa la main puis avec un soupir, répondit non.
- Mikk est un garçon à part, solitaire comme le lyr. Un oiseau qui aime voler seul. Un véritable Prynix. Quand les gens me disent : « mais comment avez-vous fait, pour ne pas vous rendre compte que ce n'était pas votre fils ? », j'ai des envies de meurtres. Kei Mykhola a parfaitement su observer le comportement, le caractère de Mikk. Certes, sa mère et moi, l'avons trouvé plus ouvert, mais ce n'était pas suffisant pour éveiller nos soupçons. Vous, mieux que quiconque, connaissez les pouvoirs de ce clan funeste. Une fois, qu'ils entrent dans votre tête, vous êtes fichu ! C'est pourquoi, personne n'a voulu écouter mon fils. Personne n'a pris en compte son témoignage.
- Votre fils étant considéré comme malade, il n'y aura aucune charge retenue contre lui, objecta Xandra. Il a été admis en service psychiatrie après son opération.
- Ce n'est pas ce que je veux dire, dit Vic d'un ton glacial, en levant finalement les yeux vers les juges de son sort. J'ai écouté Mikk. Il m'a fait un récit détaillé de tout ce qui s'est passé dans ce repaire et des motivations de Darken.
Il avait réussi à retenir l'attention de toute l'assemblée. Je me raidis que mon siège, la peur au ventre. Qu'avait bien pu lui raconter Mikk ? Lui avait-il vraiment parler de la Clef ?
- Quand Mikk Prynix a été placé à l'hôpital Kranke, tous les mots qui sortaient de sa bouche n'étaient que des syllabes incompréhensibles, des sons et des grognements. Vous avez par ailleurs, refusé l'aide d'Ike Mykhola. Qu'avez-vous pu comprendre, Vic ?
Je fronçai les sourcils et lançai un regard interloqué à Orphyll. « Que veulent-ils dire par là ? » lui chuchotai-je. « Quand il m'a parlé hier, il m'a semblé normal ». « Dès qu'il essayait de raconter ce qui s'était passé au repaire, il ne pouvait plus s'exprimer correctement. Nous avons dû renoncer à son témoignage ».
- Tout, dit Vic avec un sourire mauvais. Et plus, que vous ne saurez jamais.
Lindfor se laissa retomber contre le dossier de son siège avec un soupir et Xandra, ferma les yeux, exaspérée.
- Je vais quand même vous dire une chose, votre empereur, en souvenir de ma bonne foi puisque vous allez de toute évidence me condamner au mieux à être exiler, ou au pire à mourir.
- Je n'ai pas encore prononcé mon jugement, objecta Galford d'un ton froid.
- Dîtes-moi, Galford – un murmure d'indignations s'éleva dans les tribunes – pensez-vous réellement que la plus grande menace d'Atlazas soit Darken ? Cette fille que vous avez ramené du monde des humains est sans aucun doute bien plus dangereuse que Darken.
Le cœur battant comme un tambour dans ma poitrine, je me crispai sur mon siège en priant les cieux pour que Vic n'en sache pas plus, ou ne parle tout simplement pas davantage.
- Ce que vous dîtes est insensé, Vic, répliqua sèchement l'empereur.
- Pauvre Galford, aveuglé par le sang noble et ses idées de grandeurs monarchiques, chantonna Vic avec un sourire mauvais.
L'œil de l'ancien chef des Prynix brilla d'une lueur sombre en entendant la nouvelle vague de protestations à son encontre. « Comment ose-t-il l'appeler par son nom ? » s'écria quelqu'un assis les bancs en face de la cours. « C'est inadmissible », s'indigna une femme. L'empereur frappa de son marteau plusieurs petits coups secs pour ramener le silence dans la salle.
- Comment vous êtes-vous procuré l'insonar ? demanda d'une voix fluette Ivy Nahuay, ses yeux rouges s'étaient étrécis sur Vic.
- J'ai mes relations, répondit-il en haussant les épaules. Avec un Mykhola dans la poche, je me méfie de cette fille. Si elle n'a pas assez de respect pour la mémoire de ses propres parents en fréquentant le fils même de leur meurtrier, ce n'est pas pour nous, étrangers, qu'elle aura des scrupules. Il me jeta un nouveau regard mauvais puis reprit : « Alors j'ai pris mes dispositions pour me protéger ».
- Oui, puisqu'elle est plus dangereuse que Darken, c'est ça ? répété Xandra avec une pointe de sarcasme dans la voix.
Par pitié non, ne ramenez pas le sujet sur le tapis.
- Rira bien qui rira le dernier, dit d'un ton grave Vic en fixant Xandra des yeux.
- Et si vous nous faisiez part de ce que vous savez sur la Certessa Kaya ? suggéra Lindfor en fronçant les sourcils.
Vic sembla considérer la proposition un instant puis avec un soupir exagéré, il refusa tout simplement :
- Le train est déjà en marche, à quoi bon maintenant ? Et puis, ce sera votre punition, Galford, pour avoir été une si pitoyable copie de votre frère, notre véritable regretté empereur Kholan Golkindor.
Cette fois-ci, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Galford se leva de son siège et un poids s'écrasa soudain dans la salle, rendant l'air presque irrespirable. Je me retins au dos du siège de devant en suffoquant et en tentant de garder mon calme. Vic Prynix de son côté, prenait de pleins fouet le Khor de Galford qui l'observait pourtant, le visage de marbre. Rien dans son expression n'indiquait qu'il torturait un homme. Les glapissements de Vic résonnèrent dans toute la salle, à genoux et les larmes aux yeux, il étouffait. Vic Prynix était pourtant quelqu'un de puissant, comment se faisait-il que ça l'atteigne autant ? La pression s'évapora petit à petit et l'air rempli mes poumons.
A quatre pattes par terre, Vic Prynix renifla et essuya la bave qui coulait sur son menton en foudroyant des yeux Galford qui s'était rassis.
- Vic Prynix, destitué de votre titre et vos privilèges en tant que noble, je vous juge coupable de tentative de meurtre avec préméditation, trahison, possession d'arme de catégorie A et terrorisme. Vous êtes condamné à vivre en isolation cinq cents ans dans la prison Erde puis vous sera exécutez par la mort ultilme.
Le marteau s'abattit d'un coup sec sur son socle. Le hurlement déchirant et de rage de Némésis se répercuta sur les murs de verre de la Cours de Justice. Elle enfonça ses longs ongles peints en noir dans la peau de ses joues creuses et posa un regard vitreux sur moi.
- Tout ça, c'est de ta faute, grinça-t-elle les dents serrées. Mais ton heure viendra...la machine est déjà en route et rien ne pourra empêcher ce qui arrivera.
Mikhaïl Cornic la saisit en posant ses mains cailleuses et criblées de cicatrices de brûlure sur ses frêles épaules Ses cheveux courts collés à ses lèvres serrées, Némésis se dégagea d'un geste brusque et se tourna vers son mari, pour lui faire ses adieux.
L'estomac dans la talons, je ne pus empêcher la culpabilité m'envahir alors qu'elle sanglotait dans les bras de Vic et que Mahlo, le teint maladif, semblait sur le point de vomir. Orphyll posa sa main sur mon épaule avec douceur.
- Allons, ma petite Kaya, il est...
Soudain, une forte détonation retentit dans le tribunal. Une épaisse fumée noire se répandit dans toute la salle qui se mit à trembler dangereusement. Une odeur âcre planait dans la salle. Un sifflement assourdissant me boucha les oreilles, je plissai les yeux et tâtai dans le brouillard noir, un support auquel prendre appui. Des cris m'apparurent comme lointains. Ma main toucha soudain un objet dur, un banc. Je me relevai péniblement et scrutai la salle plongée dans le chao à la recherche d'Orphyll. La fumée malodorante finit par s'atténuer et les dégâts provoqués par l'explosion m'apparurent plus distinctement. Les murs étaient entièrement noirs, les vitres avaient explosé et des bouts de verres jonchaient le parquet de la salle. Plusieurs atlazasiens, en état de choc, s'étaient assis par terre, pour reprendre leurs esprits. Certains d'entre eux étaient gravement blessés. J'aperçus Galford venir en aide aux atlazasiens blessés dans l'explosion, agenouillé dans la cendre, avec Xandra et Lindfor. Ivy, folle de rage, les cheveux couverts de suie, hurlait sur Mikhail Cornic qui contemplait la scène en riant doucement. Je retrouvai Orphyll debout entre les décombres, l'air inquiet, cherchant avec plusieurs membres de l'EPA, des survivants, d'autres blessés ou indices probablement concernant l'explosion.
- Orphyll ? L'appelai-je en toussant.
Il se tourna vers moi et posa ses mains sur mes épaules, en m'observant.
- Tu vas bien ?
Je hochai la tête.
- Que s'est-il passé ?
Mais avant qu'il puisse me répondre, un des hommes de l'EPA avec qui il fouillait les décombres, nous rejoignit l'air grave. Des tâches de rousseurs constellaient son visage émacié, une des manches de sa tunique déchirée dans l'explosion, révéla une large cicatrice scintillante sur son bras droit.
- Alexius, nous ne déplorons aucun mort cependant...
- Qu'il y a-t-il, Morcus ?
- Vic Prynix ainsi que sa femme Némésis, et son fils Malo, ont tous les trois disparus.
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