CHAPITRE 5-10

1ère partie aujourd'ui

Finalement, cette soirée s'annonçait sous les meilleurs auspices. A table avec mes amis, j'avais presque l'impression d'être au manoir. Je passai un agréable moment, riant des mésaventures de Milo qui nous raconta ses vacances à Vimari, la ville marine où vivait sa famille du côté paternel. « Vous rendez-vous compte, que la seule femme qui m'a trouvé séduisant et assez bleu, est un vieux mollusque de huit cents ans ? Elle n'a pas arrêté de m'envoyer des cadeaux tous plus affreux les uns que les autres ! » s'était-t-il plaint, l'air accablé. Kendra dont la date du mariage approchait à grands pas, m'invita à passer au palais Kamylah pour l'aider à choisir les gâteaux qu'elle commandera pour la cérémonie. Les yeux pétillants de bonheur, et s'agitant sur sa chaise, elle semblait excitée comme une puce. 

Chell était évidemment, dans le même état. « En parlant, gâteaux, regarde cette fontaine de champagne, elle est magnifique » s'était-elle exclamée en sortant de je ne savais où, un magazine. Shelley se serait parfaitement bien entendue avec Chell. Plus tard dans la soirée, les acrobates Veisubwald interprétèrent un numéro magique, à coups de boule de feu, de sauts périlleux et de contorsions qui me donnèrent la chair de poule. Puis ce fut au tour d'une chanteuse qui fut longuement applaudie à son arrivée, de chanter. Sa voix mélodieuse et angélique se répercuta entre les murs de la salle. Elle changea alors subitement de registre et se mit à chanter, en me fixant des yeux, les intonations de Joyeux anniversaire. Un spot de lumière éclaira notre table et je sentis mes fesses de raidirent sur le coussin moelleux de ma chaise. J'avais mal aux joues à force de sourire.

- Tu as l'air crispé, Kaya, détends-toi, me chuchota Chell avec un sourire encourageant.

- Vas-y, Waïmi, me souffla Alyssa en me poussant. Ils attendent tous, un discours.

Je tournai si brusquement la tête vers elles, que je m'en déclenchai presque un torticolis.

- Pardon ?

- Tu n'étais pas au courant ? me demanda Ange qui applaudissait comme les autres invités.

- Orphyll ne m'a rien dit ! m'indignai-je pétrifiée. Je cherchai aussitôt mon tuteur des yeux et le trouvai sans mal en train de se servir généreusement une coupe de champagne à côté de la troupe d'acrobates. Il croisa mon regard et me lança un clin d'œil appuyé en levant le pouce. Je vais le tuer, marmonnai-je en serrant les poings.

- Je n'aurais pas aimé être à ta place, commenta Milo avec une fausse mine compatissante.

Il pouffa silencieusement de rire quand je lui lançai un regard noir. Les jambes en coton et le ventre contracté, je me levai de ma chaise et je m'avançai entre les tables d'invités en espérant que mes tremblements ne se voient pas. Ne fallait-il pas que je m'y habitue de toute façon ? Allez, un peu de courage. Je remerciai chaleureusement la chanteuse qui me tendit un micro.

Debout au milieu de la salle immense, des centaines d'yeux étaient braqués sur moi. Les invités avaient arrêté d'applaudir et m'observaient, attendant que je prenne la parole. Je tremblais. Moi, la petite fille qui restait toujours dans son coin, l'adolescente que l'on qualifiait de bizarre et qu'on avait surnommée « la sorcière » se tenait debout, face à une centaine de personnes. Les deux mains serrées sur le micro, je me lançai courageusement sans savoir ce que j'allais dire exactement.

- Bonsoir à tous...

Des rires s'élevèrent dans la foule. Le micro ne marchait pas. Je le tapotai doucement, les mains tremblantes, je manquai de le faire tomber, déclenchant de nouveaux petits rires et réessayai de m'exprimer dans le micro, en vain.

- Nous ne sommes pas dans le monde des aveugles ici, dit une voix d'homme, depuis le fond de la salle. Un Prynix, qui me dévisageait avec un sourire méprisant. Il faut utiliser le Khor pour le faire fonctionner. En as-tu toi, jeune Kamylah ?

Je déglutis, les mains soudain moites sur le micro. La lumière sur mon visage m'aveuglait, j'étais prise de sueur froide et ma bouche était si sèche, que ma langue se collait à mon palais. Les jambes faibles, je me sentis défaillir.

- Fermez-la un peu Cole, nous savons tous ici que si vous détestez cette enfant c'est parce que sa mère n'a jamais voulu d'un rat comme vous ! répliqua froidement un autre homme du clan Kamylah.

- Quel manque de savoir-vivre, commenta une autre voix, cette fois, féminine. Mac, je te prie de ne pas prêter attention à cet imbécile.

- Qui osez-vous traiter d'imbécile ? s'outragea Cole en se levant.

Je clignai plusieurs fois des yeux. La tête me tournait un peu. Plusieurs autres voix s'élevèrent dans la salle, et quelques Prynix s'étaient levés en brandissant les poings vers les Kamylah, les traits déformés par la colère. Les Nahuay finirent par s'y mettre eux aussi en clamant qu'aucun des deux clans ne connaissaient le sens du mot « respect ». J'aperçus Rubi, qui les jambes croisées et une main soutenant sa tête penchée sur le côté, soupira bruyamment en me lançant un regard furieux, comme si ce qui arrivait était de ma faute.

- De toute façon, c'est toujours la même chose avec les Kamylah, des tueurs d'empereurs, c'est tout ce que vous êtes ! A voler le trône en commettant des meur...

Cole Prynix n'eût pas l'occasion d'achever sa phrase. Un poing de feu lui explosa au visage, brûlant ses sourcils et sa barbe. Je sursautai en manquant de lâcher le micro qui glissait dans mes mains moites.

- Nate, non ! Ne rentre pas dans leur jeu ! C'est exactement ce qu'ils veulent.

Nathan Kamylah que je n'avais pas encore vu de la soirée, avait les poings littéralement en feu et hurlait à son frère de le lâcher.

- Je vais lui démolir la face, lâche-moi Mac !

La soirée virait au drame. Le cœur battant à tout rompre, j'hésitai entre les interrompre et prendre mes jambes à mon cou. Ou tout simplement, sauter par le balcon. La porte était accessible et ouverte. Ike surprit mon regard et fit mine de se lever. Je vis Alyssa poser une main sur son bras et lui intimer de garder son calme.

- Viens donc, gamin, je vais t'apprendre le respect de ceux qui te sont supérieurs ! rétorqua Cole.

Un Prynix aux allures de vampire sombre et terrifiant, s'exprima dans une voix si grave que je j'eus l'impression qu'elle faisait trembler les murs :

- Ne t'emporte pas pour si peu Cole, tu gaspillerais ton énergie inutilement. Même si je te le concède, les Kamylah étant des êtres faibles, il ne te faudrait pas très longtemps pour l'exterminer, ajouta-t-il dans un rire grave.

Ce qui provoqua une vague de protestations indignées. Ils commençaient à me taper sur les nerfs.

- C'est pourtant bien Mikk Prynix, le faible d'esprit qui s'est fait enlever et séquestrer par Kei Mykhola, ou aurais-je tort Valdo? lança d'un ton cinglant Nate.

Cela jeta un froid dans la salle mais Nate ne s'arrêta pas là.

- Les Mykhola ne sont-ils pas des cousins des Prynix ?

Je regardai instantanément Ike qui fixait Nate, depuis sa table, la mâchoire un peu crispée.

- La ferme, gamin.

- On sait tous ici que vous êtes maudits ! vociféra Nate.

Cette fois-ci, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Ne répondant plus de lui, Cole s'élança sur Nate qui poussa son frère et courut lui aussi, vers son assaillant. Les sourcils déjà brûlés, Cole évita l'énorme flamme que lui cracha Nate et fit un bond de plusieurs mètres avant de lui asséner un violent coup de genoux sur le sommet du crâne. Sonné, Nate fit quelques petits pas en arrière, une main sur la tête et trébucha. Fumant de rage, Cole se pencha vers Nate et l'attrapa par la jambe d'une main recouverte d'un étrange métal noir et lui broya les os. Un craquement sonore retentit dans salle. Nate hurla de douleur. Mais que diable faisait Galford ? Pourquoi n'arrêtait-il pas tout ça ? Je le cherchai des yeux mais son trône était vide. Où était-il ? Orphyll, non plus, n'était pas là.

Plusieurs Kamylah se levèrent de leurs chaises, Chell, Kendra et Dan aussi, prêts à riposter. Les Prynix de leur côté, en firent autant, certains envoyèrent dans une rage noire, leurs chaises à travers la pièce, en direction des Kamylah.

- ARRÊTEZ ! hurlai-je.

Une violente onde de choc heurta les murs du palais et brisa les fenêtres dont les éclats de vitre tombèrent avec un grand fracas sur le sol. L'air frais de la nuit s'engouffra dans la salle, soufflant sur les nappes et objets léger qui volèrent à travers la pièce. Une silence stupéfait tomba. Plusieurs regards choqués se tournèrent vers moi. Le cœur battant à tout rompre, je serrai le poing pour empêcher les tremblements incessants de mes mains en tentant de reprendre une respiration normale. Cole relaissa tomber son bras menaçant le long de son corps et me dévisagea avec méfiance. Nate toujours par terre, suffoquait de douleur en tenant sa jambe entre les mains.

Je lâchai aussitôt le micro qui siffla en heurtant le sol. Je reculai de quelques pas, affolée en le regardant rouler par terre, comme s'il était la cause de ce qui venait de se produire.

Un long silence s'ensuivit. Plusieurs paires d'yeux me dévisagèrent et une vague de murmures parcourut la salle.

- C'est elle, notre future impératrice ? Elle ne contrôle même pas sa propre force ! s'exclama Cole en me montrant, la bouche tordue en une grimace méprisante.

Les centaines d'yeux m'observaient avec un mélange de méfiance et de frayeur. Je fis un pas en arrière, hésitant à fuir. La grande double-porte s'ouvrit.

- Joyeux anniversaire Certessa Kaya ! Joyeux a... commença à chanter Mala qui suivait une table à roulette avec un énorme gâteau en pièces montées posé dessus. Elle s'interrompit brusquement en remarquant l'atmosphère tendue de la salle. Qu'est-ce qui se passe, ici ? Ses yeux se posèrent ensuite sur les vitres brisées. Certess Ancestum !

Orphyll arriva juste derrière elle en compagnie de Galford et fronça les sourcils en observant les dégâts, puis releva les yeux sur moi, l'air inquiet.

- Cole ? gronda Galford d'une voix de ténor après avoir fait une rapide analyse de la situation.

Cole eut un rire cynique.

- Bien-sûr que ça va me tomber dessus ! La facture revient à votre petite protégée, votre Majesté.

L'empereur tourna lentement ses yeux pâles vers moi, en fronçant les sourcils. Voyant qu'il ne semblait pas enclin à le croire, Cole fit un bruit grossier de la bouche.

- Viens, Valdo, on s'en va. Nous n'avons aucune raison de célébrer la naissance d'un monstre.

Le grand atlazasien aux allures sombre suivit Cole qui dépassa l'empereur puis au moment de traverser la porte, il se tourna vers Galford et lui siffla :

- De la poiscaille et un Mykhola dans un palais impérial ? On aura tout vu avec vous au pouvoir, Golkindor

Le visage de Galford durcit brusquement et son regard blanc se fixa sur Cole qui soudain perdit de toute son assurance. Il s'éloigna un peu et reprit son chemin vers la sortie.

- Pour votre propre sécurité, Cole Prynix, ne remettez plus jamais les pieds dans mon palais, dit l'empereur d'un ton étonnamment calme.  

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