CHAPITRE 4-4
Deuxième partie
Bon, il était vraiment temps que je rentre. Je me relevai et marchai en direction du parking au centre-ville où m'attendait encore Lhinck. Une petite fille qui courait dans la rue, la bouche bleu turquoise et une barbe à papa dans une main, manqua de me heurter. Sa mère, derrière l'observait d'un œil attentif en lui recommandant de ne pas courir. Ce n'est que quelques minutes plus tard que je compris pourquoi la petite fille courait, le regard brillant. Plus loin, sur la place ronde d'Atlanz, plusieurs Lryx s'étaient attroupés. Les Lryx étaient des sortes de félins énormes et aussi grands que des chevaux, aux yeux noirs et aux pupilles turquoise. Ses bêtes majestueuses et magnifiques qui étaient aussi dotés d'une intelligence hors du commun, elles étaient capables de parler.
Fascinée par leur beauté, je m'arrêtai face aux Lryx, les yeux pleins d'étoiles. On aurait dit des peluches vivantes. Plusieurs Lryx se laissaient câliner par les enfants, jouant avec eux et leurs donnant par moment de grands coups de langues mais d'autres montraient les dents d'un air menaçant pour qu'on les laisse tranquille. Un des Lryx aux poils noirs soyeux me remarqua et s'avança vers moi d'un pas agile et étonnamment léger. Le Lryx s'assit face à moi, ses grosses pattes à quelques centimètres de moi.
– Que fais-tu ici toute seule petite de Rayleigh ? Me demanda la bête d'une voix d'homme.
Je déglutis en écarquillant les yeux. Je ne savais pas ce qui était plus surprenant : le fait qu'il m'ait reconnu, qu'il connaisse mon père ou tout simplement, qu'un félin d'une taille impressionnante venait de parler. Ces animaux étaient incroyables. Une année à Atlazas ne m'avait toujours pas suffi pour que je m'y fasse.
– Je...me promène. Comment m'as-tu reconnu ?
– Comment ne pas te reconnaître ? éluda le Lryx en répondant par une question.
La bête s'allongea dans un petit grognement. Orphyll me gardait tellement enfermée que les gens finissaient par oublier à quoi je ressemblais et allaient même jusqu'à me surnommer la Princesse Fantôme.
– Tu ne devrais pas errer seule.
– Pourquoi ? Demandai-je sur la défensive.
– Parce que tu es encore faible et pourtant dangereuse.
– Pardon ?
– Je peux sentir l'énergie du pouvoir destructeur et instable qui sommeille en toi.
Un nœud se forma dans mon estomac.
– Un pouvoir que tu ne contrôles pas.
– J'ai quand même congelé un poisson géant, marmonnai-je un vexée.
Le museau de la bête se retroussa en un sourire, dévoilant ses longues canines blanches. Comment pouvait-elle en savoir autant juste en me reniflant ?
– Quel flaire vous avez, vous les Lryx.
D'un pas sec, je tournai les talons et repris le chemin en direction du parking. Le Lryx me regarda partir en se léchant une de ses énormes pattes. Je m'engageai dans une petite ruelle un peu déserte et pour cause, l'attraction des Lryx attirait tout le monde vers la place Atlanz, seul le claquement de mes talons sur le sol résonnait en écho. La nuit était tombée pour de bon avant même que je m'en rendre compte. Je me dirigeai vers le parking où venait toujours me chercher Lhinck en fouillant en même dans mon sac. J'en sortis mon téléphone, le regard rivé sur l'écran, je cherchai rapidement le numéro de Lhinck dans mon répertoire. L'air s'était rafraîchi avec la tombée de la nuit, ma peau était parcourue de frissons. Je tournai à l'angle pour m'engager dans la dernière petite rue avant de rejoindre le parking. La ruelle était éclairée par les lampadaires, une véritable attraction pour les spolms qui dansaient autour de leurs lumières. Cette espèce d'insecte plutôt grosse, qui avait le derrière qui s'allumait de différentes couleurs selon l'insecte. Enfin, ce n'était pas leur derrière mais leur cœur comme me l'avait maintes fois répété Ike. Je trouvai enfin le numéro de Lhinck et l'appelai aussitôt.
Soudain, les lumières s'éteignirent subitement et la ruelle se retrouva plongé dans le noir. Je m'arrêtai net et jetai un regard circulaire aux alentours. La ruelle était déserte et pourtant, j'avais l'étrange sensation de ne pas être seule. Ce n'était pas très rassurant. Le cœur battant, je repris lentement ma marche quand une voix s'éleva alors dans l'obscurité :
- Bonjour, vous êtes sur le répondeur de Lhinck Valszi...
Je bondis manquant de lâcher mon téléphone en poussant un petit cri. Une main sur mon cœur qui battait à tout rompre, je me calmai. C'était juste la messagerie de Lhinck. J'appuyai sur le bouton rappel.
- Allez répond ! marmonnai-je en accélérant le pas.
Je n'aimais le frisson d'effroi qui hérissait les poils de ma nuque, pas plus que mon intuition qui m'intimait de fuir le plus vite possible. La peur commença à me tordre les entrailles.
Clac clac clac !
Je me retournai brusquement en déglutissant. Plissant les yeux, j'aperçus une silhouette plus loin, qui claudiquait dans ma direction. Interloquée je ralentis le pas en reconnaissant la vieille dame du quai qui avait tenté de me vendre un de ses poissons périmés. Son regard voilé était rivé sur moi, elle traînait derrière elle son panier qui rebondissait sur les pavés du sol. Un filet de bave s'échappait du coin de ses lèvres entrouvertes et coulait sur son menton tremblant. Je fronçai les sourcils, elle n'avait pas l'air d'aller bien. Peut-être qu'elle avait besoin d'aide.
– Vous allez bien ? La lumière s'est éteinte je ne...
Je me tus subitement en la voyant s'immobiliser net, le regard toujours fixé sur moi. Soudain, la vieille femme lâcha son panier, les poissons glissèrent sur les pavés et se mit à marcher d'un pas plus vif vers moi, les yeux écarquillés. Elle allait de plus en plus vite, et grognai quelques mots inaudibles dont le seul que j'entendis distinctement était tuer. Mon cœur fit un bond douloureux dans ma poitrine et je mis à courir dans la direction opposée en rappelant désespérément Lhinck qui ne répondait toujours pas. Courant toujours à en perdre haleine, je me risquai un coup d'œil par-dessus mon épaule. Elle avait disparue. Intriguée, je m'arrêtai, le cœur battant en scrutant les alentours. Elle n'avait pas pu juste disparaître, si ? Ne cherchant pas à en savoir plus, je me retournai pour reprendre mon chemin. Elle était là. Etouffant un cri de frayeur, je fis quelques pas en arrière. Un sourire étrange déforma ses lèvres ridées. Je poussai un hurlement d'horreur quand la vieille dame attrapa mon bras en enfonçant ses ongles sales dans ma peau. Elle avait une force étonnante pour une personne âgée. Je tentai de me débattre en vain. J'essayai de la repousser avec l'élément feu mais bizarrement, je perdais mes forces. Je sentais mon énergie être aspiré. Essoufflée et à bout de force, je réalisai soudain, frappée d'horreur, que ça m'était déjà arrivée une fois : au Mundus Oblivionis aux prises avec Darken. Le choc me coupa le souffle. Le regard voilé, la vieille dame souriait d'un air mauvais en me regardant avec une curiosité malsaine, me vider de mon énergie. Après de longs mois de silence, il se manifestait. Rassemblant le peu d'énergie qui me restait, je donnai un violent coup de pied dans l'estomac de la vieille dame qui poussa un cri étouffer et me relâcha.
Je tombai par terre, repris mon souffle et me relevai sans attendre. Massant mon bras endolori, je tentai à nouveau de fuir mais elle s'était déjà remis debout. La peur me paralysait totalement. Pourquoi est-ce que je ne pouvais pas bouger ? Mes jambes ne m'obéissaient plus comme si le fait d'avoir réalisé que cette femme était peut-être contrôlée par Darken m'avait enlevé tout courage et toute rage de me battre. Tremblant de la tête aux pieds, je tentai de combattre mes démons. Non, ce n'était pas ça.
– Tuer...
La vieille femme pencha sa tête sur le côté en me dévisageant d'un air malfaisant.
– Qu'est-ce que vous me voulez ? M'époumonai-je.
– Te tuer règlera tout...répéta-t-elle imperturbable.
Elle se jeta à nouveau sur moi et me donna un grand coup dans le ventre puis m'attrapa par les cheveux avant de m'écraser la tête au sol. Je me débattis tant bien que mal. Enfonçant mes ongles dans les coins entre les pavés, je tentai de ramper pour lui échapper. Mais avec une force incroyable, elle me saisit par l'épaule, me retourna et se mit à califourchon sur moi. Je lui donnai des coups dans le visage pour me dégager de son emprise, mon poing l'atteignit à la mâchoire. Un craquement sonore m'indiqua que je le lui avais sûrement brisé mais elle ne réagit pas. C'était comme taper dans un mur, sauf que ce mur me rendait les coups. Désespérée, je posai mes doigts sur frêle cou et resserrai mon emprise. La peau ridée de la veille femme était glaciale et dur. Ce n'est qu'à cet instant que je remarquai que bien que la lune éclairât de toute sa splendeur le ciel, l'atlazasienne ne s'illuminait pas d'argent. Au contraire, sa peau était terne voir grise. Une idée terrifiante me traversa l'esprit mais je m'empressai de la ranger dans un coin de ma tête, étant trop terrifiante pour y penser.
Trouvant la force de me concentrer, je fis appel à mes pouvoirs et réussis après maints efforts à ressentir cette force en moi. Mes mains devinrent brûlantes sur la peau froide du cou de la veille femme qui poussa un hurlement strident. Des plaques de brûlures apparurent sur sa peau puis ces plaques gonflèrent et se transformèrent en cloques. Sous mes yeux horrifiés, de géantes ampoules remplis de sang poussaient sur la peau terne de son cou tandis qu'elle se griffait à sang sous l'effet de la douleur en poussant des hurlements horribles. Sa robe fleurie fut bientôt trempée du sang épais et sombre propre aux atlazasiens. Les jambes flageolantes, je m'écartai prudemment de la veille femme dont les yeux écarquillés tournaient dans tous les sens à la recherche d'une solution à son calvaire. Finalement, les ampoules explosèrent sur son cou envoyant valser sa tête à plusieurs mètres. Une pluie de sang noir m'éclaboussa. Le corps privé de son chef, s'immobilisa un instant avant de tomber lourdement sur le sol. Je restai figée, le regard rivé sur le cadavre sans tête. Le sang jonchait lentement le sol, glissant dans les coins des pavés et sur mes pieds. Un violent haut-le-cœur me saisit, je me penchai sur le côté, l'estomac douloureux et rejetai convulsivement son contenu.
Le corps parcouru de violents tremblements incontrôlables, je restai un moment ainsi, ne parvenant pas à détourner mon regard du corps sans tête de la vieille dame qui restait à genoux. Puis une sonnerie lointaine me parvint. À quelques mètres, dans mon sac qui avait dû être projeté quand elle m'avait attrapé, une lumière clignotait. Je rampai à toute vitesse vers mon sac et attrapai d'une main tremblante mon portable.
– J'ai été agressée, viens vite me cher...cher, dis-je précipitamment.
– J'arrive.
Le soulagement m'envahit en reconnaissant la voix rassurante d'Ike, il allait arriver beaucoup plus rapidement que Lhinck. Je repliai mes genoux contre ma poitrine et surveillai d'un œil vitreux le cadavre, la respiration haletante.
C'est alors qu'une vision d'horreur me glaça le sang. Un spasme secoua le corps en sang. Puis un autre. Le corps dépourvu de tête se leva soudain sous mes yeux écarquillés d'effroi et une fois debout, il s'arrêta un instant, basculant d'avant en arrière. Ce n'était pas possible. C'était un cauchemar. Tremblant de tous les membres de mon corps, je fus incapable de bouger, paralyser par la peur. Le cadavre sans tête de la veille atlazasienne gigota brusquement puis d'un pas bancal, s'avança vers moi
– Non...non...non ! M'écriai-je en forçant mes jambes parcourues de fourmillements à me remettre sur pieds.
Mais le corps sans tête m'attrapa par la cheville et me balança brutalement à plusieurs mètres. Je volai momentanément et poussai un hurlement douloureux en heurtant violemment un lampadaire qui se plia sur le coup. Je sentis plusieurs de mes côtes se briser avant de tomber sur le sol froid, incapable de bouger un doigt. J'avais mal, extrêmement mal.
Le cadavre passionné par sa tâche, fit un bond d'un mètre et atterrit devant mes yeux, ses pieds brisèrent les pavés. Il s'apprêta à frapper de nouveau. Mais soudain Ike portant une longue cape noire à capuche apparut juste derrière le corps sans tête et lui arracha le cœur. Il écrabouilla dans main l'organe dégoulinant de sang. Ce fut la dernière chose que je supportai de voir.
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