CHAPITRE 4-3

Première partie !

Ce n'est qu'en fin d'après-midi que je me décidai finalement à sortir. Je me préparai en vitesse enfilant une robe légère d'été trouvée chez Chans lors de ma dernière journée de shopping avec Chell, des sandales et dévalai les marches de l'escalier. Berry, la capitaine du petit groupe d'hommes chargé de ma protection m'attendait de pied ferme dans le hall avec deux de ses hommes.

- Certessa Kaya, puis-je me permettre de vous dire un mot ? commença-t-elle en m'empruntant le pas.

- Je vous écoute, Capitaine Berry, dis-je avec un soupir ayant déjà une vague idée de ce qu'elle avait envie de me dire.

Alors que je posai la main sur la poignée de la porte, Berry se planta face à moi.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée que vous vous rendiez avec pour seul garde, votre chauffeur, dit-elle.

- C'est ancien membre de l'EPA, répliquai-je.

- Quand bien même !

Je pris une profonde inspiration pour ne pas perdre mon calme.

- Capitaine Berry, mon tuteur a une confiance aveugle en les capacités de Lhinck tout comme moi, de plus, je serai aussi en compagnie d'un membre actuel de l'EPA, dis-je.

La femme hocha plusieurs fois la tête, les sourcils froncés.

- C'est rassurant mais pourquoi ne pas prendre avec vous deux de mes hommes ?

Elle commençait à me taper sur les nerfs. La seule et unique raison pour laquelle elle insistait autant pour que l'un d'entre assure ma protection était en réalité pour me surveiller et ensuite rapporter mes faits et gestes à Galford. Berry m'observait toujours un peu trop attentivement lorsque je recevais du monde et surtout Ike. Je me forçai à sourire tout en la poussant pour ouvrir la porte dont elle me bloquait le passage.

- Je vous assure que tout ira bien, merci Berry.

Avant qu'elle n'ait le temps de dire quoique soit en plus, je quittai rapidement le manoir. En refermant la portière sur le regard réprobateur de Berry, je pinçai des lèvres, me gardant bien de lui préciser qu'en réalité je n'allais pas du tout rejoindre Ike en ville. Aujourd'hui, avec Orphyll absent toute la journée, je sautai sur l'occasion et décidai d'aller me promener seule sur le port d'Atlazas. Lhinck resta près de la voiture, garé sur un parking au centre-ville, consentant à me laisser faire un tour tant que je ne m'éloignai pas. Ce n'était pas la première fois que nous trouvions un arrangement nous deux. Par moment, j'avais besoin de me retrouver seule et Lhinck m'avait alors accordé quelques moments de solitude. A part traîner en ville et m'asseoir sur le sable pour observer la mer, je ne faisais rien de dangereux. Je lui en étais très reconnaissante de me faire encore confiance malgré nos antécédents.

Debout sur le quai face à l'océan dont la surface scintillait tellement que ça m'aveuglait, j'observais les pêcheurs sur leurs bateaux, lancer de grand filet de pêche. Nombre d'entre eux habitués à me voir souvent m'asseoir sur le quai, les jambes balançant juste au-dessus de l'eau, me firent signe respectueusement de la main, faisant un geste circulaire devant eux avant de lever la paume et la poser sur leur cœur. Aki, un pêcheur à la peau si bronzé qu'elle semblait s'être changée en cuivre venait d'amarrer son petit bateau dont la coque avait une forme rectangulaire. Un chapeau de paille enfoncé sur la tête dont plusieurs petites boucles noires s'échappaient, il leva d'une main un énorme poisson aux écailles d'argent, fier comme un coq.

- Regarde donc ce Wallak ! Je n'en avais jamais vu de si gros, me dit-il en observant sa prise d'un œil brillant.

- Il est magnifique Aki ! m'extasiai-je en applaudissant.

Aki reposa avec précaution le poisson sur le quai, puis me présenta le poisson d'une main en haussant les sourcils. Je regardai le poisson d'un air hésitant.

- Oh, je ne sais pas. Pas aujourd'hui...

- Tu l'as dit toi-même, tu dois t'exercer pour un jour pouvoir régner sur Atlazas, me dit-il en croisant les bras, ses pupilles rouge sombre braqués sur moi.

Je m'approchai doucement de l'énorme monstre. Aki frappa deux fois des mains brusquement dans mon dos.

- On se dépêche ! Il va finir par pourrir.

Je le fusillai des yeux mais m'exécutai tout de même. Je m'agenouillai près de la bête, puis expirant lentement, je me focalisai sur l'énergie qui coulait dans mes veines jusqu'à ne plus qu'entendre les battements réguliers de mon cœur. Alors, doucement, je soufflai sur l'animal longuement, de l'air froid qui peu à peu forma du givre sur ses écailles et finit par le geler entièrement. Aki siffla dans mon dos.

- Wunderfeil ! s'écria-t-il en examinant son poisson congelé comme s'il l'avait retrouvé dans de la glace. Les progrès de que tu as fait sont impressionnants !

Je souris en me remémorant la première fois que j'avais vu Aki sur le quai en compagnie de son père et sa sœur, eux aussi pêcheurs. Sa mère tenait un stand de poissons au marché tous les samedis et dimanches matin. J'étais tombée sur eux alors qu'ils se disputaient autour d'une grosse prise : plusieurs poissons de race Elec, très rares, qui étaient en train pourrir à vue d'œil. Aucun d'eux ne possédaient la maîtrise de l'eau et du vent, et le père de Aki, Rollo avait oublié d'apporter de la glace pour conserver les poissons.

- Je peux peut-être vous aider ? avais-je proposé timidement, assise non loin d'eux.

Avec les cours intensifs que me donnaient régulièrement Orphyll, j'avais appris à combiner les éléments comme l'eau et le vent pour créer de la glace. Mais c'était la seule combinaison que j'arrivais pour l'instant à réaliser. Et j'avais encore du mal. Je n'avais pas réussi à les congeler entièrement mais ça avait été suffisant pour qu'ils puissent se procurer de la glace.

- Un wallak, je n'en reviens toujours pas, me raconta Aki en hissant sa prise sur son épaule. C'est le deuxième que je pêche en deux jours. Ce poisson est pratiquement une légende. Bon, chose mystérieuse : les deux wallaks que j'ai pêché étaient déjà morts.

- Mais, il n'a pas encore...périmé ? l'interrogeai-je en jetant un œil méfiant à l'animal.

Aki eut une grimace.

- Le premier que j'ai pêché oui, mais pour celui-ci, dit-il en tapant le wallak sur son épaule, j'ai eu de la chance. Aki renifla puis regardant l'océan, il ajouta : « La semaine dernière c'est Orlane qui a rapporté fièrement un goulos. C'est une sorte de dragon des mers mais qui ne dépasse pas les deux mètres. Une prise d'or, tu peux te l'imaginer. Elle est même passée au journal, interviewée par Quinn, ajouta-t-il avec un sourire béat. Une véritable beauté cette femme.

Je haussai les sourcils en souriant, Aki s'éclaircit bruyamment la gorge puis reprit :

- Quoiqu'il en soit, je dois y aller. J'ai déjà perdu beaucoup de temps, normalement je devais être revenu il y a une heure mais l'océan a décidé de me faire une nouvelle offrande alors je n'ai pas pu résister. A bientôt, Certessa.

Même si je lui avais déjà de m'appeler par mon prénom, il n'avait consenti qu'à me tutoyer. Il se dirigea vers une voiture qui semblait être une camionnette et chargea à l'arrière le wallak. Il salua une vieille dame qui passait juste à côté de lui.

- Obutag madame Sol ! lui lança-t-il joyeusement avant de refermer la portière de sa camionnette et faire ronfler le moteur.

Le vent balaya mes cheveux agréablement tandis que le regard porté vers l'océan, je m'étirais. Des oiseaux aussi gros que des autruches planaient juste au-dessus de la surface de l'eau dont les reflets chatoyants de rose, m'aveuglaient l'œil. Le soleil se couchait, une nouvelle journée s'achevait. Un frisson me parcourut, l'air se rafraîchissait peu à peu. Les derniers pêcheurs amarraient leurs bateaux, d'autres se promenaient tranquillement sur la plage. Avec la nuit qui tombait, je décidai qu'il valait mieux retourner auprès de Lhinck et...

– C'est du poisson que vous voulez ?

Je sursautai.

Coiffée d'un grand chapeau jaune plus tout neuf, la vieille dame qu'avait salué Aki, se tenait juste à côté de moi, la bouche entrouverte et la peau couverte de tâches. Ses yeux jaunes étoilés braqués sur moi, me fixaient d'un air curieux. Je fronçai les sourcils, assise sur le quai, les pieds balançant au-dessus de l'eau, avais-je l'air de vouloir acheter du poisson ? Voyant que je ne réagissais pas, elle agita sous mon nez un panier rempli de poissons à l'aspect douteux. L'odeur était épouvantable. Je réprimai un haut-le-cœur en voyant quelques mouches en portant une main contre ma bouche.

– Non, non merci, répondis-je un peu méfiante.

Elle m'observa longuement en mâchonnant Dieu sait quoi.

– Ah d'accord, finit-elle par marmonner après m'avoir lancé un regard mauvais.

La dame s'éloigna d'un pas hésitant, le regard un peu perdu.



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