CHAPITRE 4-1


CHAPITRE

4

Le bruit de l'eau s'écoulant doucement dans l'immense chute d'eau du petit coin de paradis qu'était ce petit bois que la lumière illuminait dans la forêt Kurenebe. Frayant son chemin entre les roches depuis la montagne qui dominait cette clairière paisible pour finir dans une petite rivière. Cet endroit était tout simplement magique et me laissait toujours muette d'admiration, il ressemblait à une carte postale. Des oiseaux immenses aux plumes très colorés : rouges, bleus, jaunes et verts ; volaient joyeusement dans le ciel bleu.

Kurenebe était le petit jardin secret d'Ike, son lieu de refuge pour fuir tous les problèmes et les drames de la vie. C'était dans cet endroit que je l'avais retrouvé un jour alors qu'il avait paniqué quand j'avais appris que son frère était un fidèle de Darken, persuadé que j'allais le juger comme les autres. C'était dans cette clairière que je lui avais pour la première fois dit ces trois mots magiques : « je t'aime » mais aussi la première fois que nous avions fait l'amour. Sur cette herbe fraîche, une nuit merveilleuse.

Aujourd'hui, Ike avait tenu à m'y emmené après que j'eus ignoré ses appels et messages hier soir, à la soirée de Kendra et Dan. En réalité, je n'avais pas volontairement ignoré ses appels. Au bout d'un an sans portable, j'avais perdu l'habitude d'en avoir un. Mon téléphone était resté à l'étage, dans la chambre de Chell toute la soirée. À la fin de la soirée, après plusieurs coupes de champagne pour fêter les fiançailles surprises de Kendra et Dan, je m'étais écroulée comme une masse sur mon lit douillet. Ou du moins sur le lit de la chambre d'amis. Normalement je dormais avec Chell, mais Ange était resté lui aussi alors je n'allais quand même pas dormir avec eux dans le même lit.

Le matin, je m'étais réveillée vers midi avec un mal de crâne horrible. Bien heureusement, Nida, l'adorable domestique des Kamylah m'avait concocté un remède maison contre les gueules-de-bois non sans me sermonner, ce qui changeait de Phyllis. Je ne savais pas ce qu'elle avait mis dans cette mixture noire et épaisse, mais ça avait été radicale et effectif en à peine quelques minutes. On aurait dit que je n'avais pas bu une seule goutte d'alcool. Chell prit aussi ce fameux remède, preuve qu'elle avait dû y aller fort. Les atlazasiens tenaient vraiment bien l'alcool. Ce n'est qu'après avoir pris une bonne douche et mangé à m'en exploser l'estomac que je m'étais enfin décidée à jeter un coup d'œil à mon téléphone. Résultat vingt appels manqués et trente-huit messages dont la ponctuation se faisait plus insistante.

Bref, je me retrouvai alors quelques heures plus tard en début d'après-midi dans la clairière d'Kurenebe, assise sur un rocher, face à un Ike qui semblait plutôt en colère. Son regard noir était rivé sur moi. Il était assis, adossé à un tronc d'arbre. Ses longs cheveux noirs soyeux comme toujours retombaient sur ses épaules dénudées. Des gouttes d'eau scintillaient sur sa peau basanée et pailletée. Un bras posé sur le genou de sa jambe droite relevée, Ike n'avait pas prononcé un mot. Non, il s'était contenté de me mitrailler du regard. Je poussai un soupir exaspéré. Il exagérait ! Je m'étais quand même dépêchée de le rejoindre au fin fond de cette fichue forêt où il faisait nuit pratiquement en plein jour. Une forêt qui plus est, avait la terrible réputation d'être hostile et de renfermer toutes sortes de créatures. Mais aussi, avait-il oublié que c'est à l'extrémité de Kurenebe que Kei m'avait fait passer dans le Mundus Oblivionis ? Une forêt qui selon les rumeurs servait de refuge pour les hommes de Darken ou toutes sortes de criminels. Alors que lui pataugeait joyeusement dans la rivière.

– Je ne pataugeais pas dans l'eau.

Ike me foudroya du regard. Il y avait quelques débris de roche sur l'herbe qui n'étaient pas là, la dernière fois que j'étais venue.

– Je l'ai balancé contre un autre rocher et il a explosé.

J'écarquillai les yeux, choquée.

 Pourquoi tu as fait ça ?

– J'étais énervé.

Non, mais quel caractère ! Il n'était pas croyable.

– Tu peux parler.

– Le problème c'est que je n'ai rien dit, rétorquai-je.

Et toc ! Ike serra la mâchoire. Mon dieu, que j'aimais quand il faisait ça. Un spasme lui fit plisser presque imperceptiblement les yeux. Zut ! Quand allait-il enfin arrêter de s'introduire dans ma tête sans y avoir été invité ? Je ravalai la réplique qui me brûlait les lèvres et décidai d'apaiser la tension entre nous deux :

– En tout cas, il fait vraiment beau aujourd'hui, commentai-je en levant les yeux vers le soleil.

D'accord, parler de la météo c'était nul. Archi nul même. D'ailleurs, Ike me lança un regard incrédule.

– Bon, tu m'as demandé de venir pour me faire la tête ? Parce que je peux repartir. Je ne veux pas mentir à Orphyll qui me croit encore chez Chell pour rien, alors décide-toi vite à parler.

Il se mura dans un silence exaspérant en me fixant d'un œil noir avant enfin dédaigner décrocher un mot :

– Pourquoi est-ce que tu n'as pas répondu à mes appels ?

– Je l'avais laissé dans la chambre de Chell.

– On était censés se voir...

– Mais tu as préféré aller voir ton ex, lui lançai-je d'un ton sec.

Ike ferma les yeux, d'un air agacé.

– Ce sont les Nahuay qui m'ont invité à dîner, donc oui j'étais avec Rubi. Un dîner avec sa famille, pas le dîner en tête-à-tête que tu t'es sûrement imaginée.

Les Nahuay espéraient voir leur fille épouser un jour Ike, ce n'était pas nouveau. Car voyez-vous, Ike était à la tête d'une immense fortune qui ferait concurrence à celle de l'empereur lui-même. Un « petit détail » selon ses mots, que j'avais appris un jour alors que je l'accompagnais à la banque Ganko. J'avais eu le tournis en voyant l'incroyable montant que constituait son compte principal. Une richesse qui ne se voyait pas dans son mode de vide. Ike vivait très simplement. Certes sa main était assez grande et belle, il vivait dans une résidence mais pas dans une de ses spéciales résidences pour la noblesse atlazasienne. Mais ce n'était pas uniquement sa fortune qui intéressait les Nahuay, ils voyaient Ike en gendre parfait tout simplement car ils espéraient qu'il engendrait des enfants avec Rubi qui porteraient ses gènes : autrement dit don de télépathie que seuls les Mykhola possédaient. C'est pourquoi il était convoité par beaucoup de jeunes femmes. Rubi et lui avaient eu une histoire qui s'était soldée par une trahison de la part de cette chipie rouge. Elle avait succombé au charme de Kei, le frère d'Ike. Et pourtant, Rubi avait le culot d'espérer pouvoir récupérer Ike. Je poussai un soupir, exaspérée.

– D'accord, mais je t'ai trouvé injuste envers moi.

Ike passa une main dans ses cheveux.

 Je suis désolé, Kaya. J'en ai juste marre que tout le monde me juge sans me connaître et attende que je montre mon soi-disant vrai visage !

 Je sais qui tu es.

Il m'observa avec un regard triste. Je décidai de passer l'éponge sur la manière injuste dont il m'avait envoyé balader ou le fait qu'il fasse passer Rubi avant moi. Sinon, on risquait d'y passer toute une vie.

Nous finîmes par nous réconcilier. Profitant de cet instant inouï de liberté, je décidai de rester avec lui toute la matinée. Malheureusement, j'avais laissé mon téléphone sur le mode silencieux, oublié dans le fond d'une poche intérieure de mon sac à main. A aucun moment ne me vint l'idée de prévenir mon vieux tuteur que je ne serai pas de retour avant plusieurs heures. En même temps, j'y prenais goût à la liberté ! J'en avais plus qu'assez de rester enfermée entre les murs du manoir dont je connaissais maintenant la moindre finition. Alors quand je rentrai à la nuit tombée, je poussai le plus silencieusement possible la porte d'entrée et me dirigeai à pas de loup vers ma chambre avec un grand succès. Devant ma porte, j'exécutai une petite danse de la victoire avant de trouver Orphyll, calé dans un de mes fauteuils, les jambes croisées et le regard noir. Mon sourire triomphale se crispa.

- Et merde, marmonnai-je, mes épaules s'affaissèrent.

Un éclair de colère illumina les yeux émeraudes d'Orphyll derrière les verres épais de ses lunettes.

- Tu peux le dire ! s'exclama-t-il en se levant avec énergie.


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