CHAPITRE 2-2
Quant à Orphyll, il avait l'air si furieux que je n'osai pas le regarder en face mais pas parce que j'avais peur mais plutôt parce que j'avais peur de perdre le contrôle et éclater de rire. Je dus même dissimuler mon sourire derrière mon verre. Je me retenais tant et si bien que j'en avais mal aux joues. Le regard pétillant d'Ike sur son visage de marbre, me fit comprendre que lui aussi trouvait la situation drôle.
Une heure plus tard, bien que la conversation eu repris la tension dans la salle restait tendue. Un jeune homme aux cheveux orange fluo et aux yeux orange feu, vêtu d'un tablier blanc de cuisinier entra dans le salon. Ses lèvres s'étirèrent en un grand sourire lorsqu'il m'aperçut. C'était Wahvy Nohtz, le cuisinier du manoir qui avait par ailleurs le béguin pour moi. Je lui rendis son sourire et sentis Ike se tendre à côté de moi.
– Le dîner est servi messieurs, dames ! S'exclama Wahvy le regard brillant.
L'estomac réclamant famine, je me levai aussitôt. Une délicieuse odeur me chatouilla les narines. Sans attendre, je suivis Wahvy dans la salle à manger où étaient dressés sur une grande table le couvert et plusieurs grands plats sous cloche.
Je tirai une chaise et m'installai à table, les autres firent de même. Ike s'assied à côté de moi provoquant à nouveau les foudres de mon tuteur qui commençait finalement à m'énerver. Alors, je décidai de me venger et de le mettre mal à l'aise.
– Alors Orphyll, c'est le charme incroyable de Miléandre qui t'a fait oublier mon retour aujourd'hui ? Lui lançai-je sur le ton de la conversation en dépliant ma serviette.
Orphyll écarquilla les yeux et Miléandre gloussa derrière son verre de vin qu'elle avait de nouveau rempli.
– Ne sois pas ridicule voyant, je n'avais en aucun cas oublié ton retour Kaya.
– Tu avais pourtant l'air étonné de me voir débarquer avec ma valise, insistai-je savourant sa gêne.
Ike esquissa un petit sourire mesquin comprenant mon stratagème.
– Mangeons voulez-vous ! Ça m'a l'air délicieux Wahvy, dit Orphyll en ignorant ma remarque.
– C'est un plat que je pense présenter lors du concours de chef d'or d'Atlazas dans quelques mois, dit Wahvy le regard plein d'espoir tourné vers moi.
– Et bien nous serons vos premiers juges jeune homme, dit Miléandre les yeux brillant sur les plats où les aliments avaient déposé avec finesse et soin.
Wahvy acquiesça puis s'éclipsa pour nous laisser déguster les paupiettes de veau qui se révélèrent être une caresse de saveurs pour mes papilles. Nous dînâmes alors dans un silence seulement rompu par le cliquetis des fourchettes et couteaux contre les assiettes. Au bout d'un moment, les assiettes étaient vides. Miléandre prit sa serviette et s'essuya les coins de la bouche délicatement.
– Votre cuisinier a des mains en or, commenta-t-elle.
– Je te l'avais dit ma belle amie.
Miléandre gloussa sous le regard pétillant que lui lançait Orphyll. Ma belle amie ? J'échangeai un regard avec Ike qui détourna aussitôt les yeux. Je me mordis les lèvres pour m'empêcher de rire.
Plus tard, Miléandre attrapait son sac à main, sur le point de partir. Je lui dis au revoir avec un sourire poli qu'elle me rendit.
– J'espère vous revoir bientôt mon enfant, me dit-elle le regard brillant.
– C'est à vous de me le dire, c'est vous le médium.
Miléandre ne répondit pas mais son sourire s'élargit. Elle hocha avec raideur la tête en direction d'Ike puis Orphyll la prit galamment par le bras pour la raccompagner.
– Kaya ! Tu as cinq minutes ! me hurla Orphyll depuis les escaliers.
Je levai les yeux au ciel et avec un soupir exagéré, je me hissai hors du lit, toujours enveloppée dans ma couette. La nuit avait été fraîche et malgré les 9h que je venais de passer à dormir, le sommeil se faisait encore sentir. Je me dandinai jusqu'à ma porte et la refermai avec le pied. Ike était parti juste après que je m'étais endormi. Je traversai à petit pas le couloir et rejoignis mon tuteur en bas des escaliers. Habillé d'une tunique verte, le vieil homme faisait les cents pas, sa barbe nattée balançant au rythme de ses pas.
– Enfin ! S'exclama-t-il en levant les bras.
– Du calme ! Je suis en vacances...grommelai-je en frottant mes yeux.
Orphyll ricana.
– En vacances ? Tu plaisantes n'est-ce pas ? Nous avons du travail.
Je le suivi dans le salon où s'entreposaient sur la petite table plusieurs lettres dont quelques-unes frappées du symbole impérial de la famille Golkindor ainsi que des journaux. Tout en m'étirant, je m'installai confortablement sur le fauteuil, toujours drapée dans ma grosse couette et m'assis en position de méditation. Si j'avais été un chat, je me serais sûrement mis à ronronner tant je me sentais bien dans ce fauteuil.
– Kaya ! S'impatienta Orphyll en frappant de ses mains.
Je sursautai. Il me lança un regard furieux.
– Qu'est-ce que je viens de dire ?
– Euh...
Je clignai plusieurs fois des yeux, incapable de lui répondre quoique soit car bien évidemment je n'avais rien écouté. Orphyll soupira en se massant les temps, d'un air las.
– C'est très sérieux. Il s'agit de ton avenir ici, tu seras un jour à la tête de ce royaume et le peuple a besoin de te connaître.
Je hochai la tête, cette fois-ci très attentive.
– Je t'ai prévenu juste avant tes vacances à Côte d'Or que lorsque tu reviendrais, nous attaquerions les choses sérieuses.
– Pour quelqu'un qui avait oublié quand je revenais, je trouve ça culotté, marmonnai-je.
– Qu'est-ce que tu as dit ? me demanda subitement Orphyll en plissant les yeux.
– J'ai dit : d'accord, mentis-je la voix pâteuse.
Il secoua lentement la tête, d'un air exaspéré en passant une main sur sa barbe grise nattée.
– L'empereur nous a laissé une année de répit pour que tu t'adaptes à Atlazas en interdisant formellement les journalistes et reporters de t'approcher.
– Oui...
Orphyll se pencha vers la petite table et prit une grande lettre rouge avant de me la tendre.
– Ce matin, j'ai reçu ceci.
– Qu'est-ce que c'est ?
J'ouvris l'enveloppe et en sortis une lettre sur papier à grain, écrit d'une fine écriture. Je la parcourue rapidement et butai sur un mot en atlazasien que je n'avais pas encore appris.
– Shanem ? Qu'est-ce que c'est que ça ?
– Ça veut dire photo.
– Et donc ces gens veulent des photos de moi ?
– Une interview exclusive de la future impératrice oui.
Je haussai les sourcils et restai un moment, muette à l'observer, attendant qu'il me dise en éclatant de rire que c'était une plaisanterie. Mais il n'en fit rien. Alors ce fut moi qui rit.
– Mais enfin Orphyll je ne peux pas faire ça.
– Et pourquoi donc ?
– Pas maintenant.
– Quand alors ?
– Quand je serai sacrée impératrice, dis-je en prenant le bol de chocolat chaud que Phyllis venait de me tendre avec un léger hochement de tête en guise de bonjour.
Mon tuteur se redressa sur son fauteuil et déclina la tasse de thé que Phyllis lui proposait. Ouh là, c'était mauvais signe.
– Quoi ? Lui lançai-je brusquement.
Orphyll prit une grande inspiration, l'air très sérieux tout d'un coup, il se pencha vers moi.
– Je n'ai pas l'impression que tu prends tout ça au sérieux.
Je ne répondis pas.
– Quand penses-tu devenir notre impératrice ?
Je grimaçai. Je n'étais pas encore prête du tout à être une impératrice. D'ailleurs, c'était simple, je ne pouvais tout bonnement pas m'imaginer un jour à la tête d'un royaume.
– Euh...quelque chose comme dans une cinquantaine d'années dans les pires des cas mais sinon au mieux...des centaines d'années...répondis-je très sérieusement.
Phyllis éclata d'un rire tonitruant dans mon dos. Je la fusillai du regard.
– Par tous nos ancêtres, soupira Orphyll en passant une main sur son visage ridé.
– Quoi ? M'énervai-je.
– Mais enfin tu ne peux pas être sérieuse !
– Et pourquoi pas ? Les atlazasiens vivent bien des millénaires. Tu as bien plus de mille ans n'est-ce pas ? Répliquai-je.
Orphyll se mit à marmonner dans sa barbe des mots inaudibles en atlazasien.
– Kaya mon enfant, tu...
La sonnerie de la porte d'entrée retentit. Orphyll fronça les sourcils.
– Nous n'attendions personne...
Je fis non de la tête.
Quelques secondes plus tard, Phyllis revint en compagnie d'un homme au teint cadavérique et aux petits yeux perçants. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Grozrik le crokatla, l'être le plus écœurant qu'il m'avait été donné de rencontrer dans ma vie.
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