LA THÉORIE DE LA MÉDUSE
'La théorie de la méduse' par KUKIHIME
—
Hyunjin contemplait la petite méduse translucide au fond de son seau de plage rose bonbon. La petite chose remuait à peine, sans doute en train de se questionner sur sa présence dans cet ustensile minuscule. Ou pas. Les méduses étaient-elles capables de se questionner sur leur propre existence ? Hyunjin esquissa un sourire en se posant la question. Oui, peut-être. Qui était-il pour le savoir à leur place ? Les méduses étaient fascinantes. Ou du moins, les méduses fascinaient Hyunjin depuis sa plus tendre enfance.
La faute revenait à Beomgyu.
La faute revenait très souvent à Beomgyu mais en ce qui concernait cet intérêt très spécial envers ces drôles de mollusques, Hyunjin le blâmait entièrement. Son meilleur ami avait eu coutume d'en attraper un tas quand ils étaient enfants. Il les lui rapportait dans son seau de plage du moment, toujours avec ce sourire immense qui le caractérisait si bien. La première fois, Beomgyu avait véritablement cru que Hyunjin pourrait la ramener chez lui. Tes parents ne veulent pas d'un chien ou d'un chat à cause des poils... Les méduses, ça n'a pas de poils ! Et Hyunjin avait trouvé la chose très logique sur l'instant. Alors tout fier, il avait proposé à ses parents de ramener la petite méduse, sans doute terrifiée d'avoir passé deux heures au fond d'un seau avec une poignée de sable et des coquilles vides d'anciens crustacés. Sa mère avait hurlé de peur et ce jour-là Hyunjin avait compris que les méduses ne plaisaient pas à tout le monde.
Depuis, il avait grandi, les classes s'étaient succédées : celle du primaire, collège puis lycée. Désormais, Beomgyu ne lui proposait plus de ramener les méduses chez lui, mais trouvait toujours très drôle de s'entêter à lui en attraper une à chaque fois qu'ils se rendaient à la plage. À la fin de leur journée, elle était relâchée dans l'eau, Hyunjin lui faisait de longs adieux, les pieds plantés dans l'eau et le regard fixé sur sa cloche transparente jusqu'à qu'elle ne disparaisse dans l'océan.
– Tu savais que les méduses étaient composées en grande partie d'eau ?
Beomgyu se retourna sur lui, baissant ses lunettes de soleil en forme de cœur sur le bout de son nez. Avec ses cheveux couleur groseille et sa chemisette à fleurs, cela lui donnait une drôle de dégaine.
– Non, jure ?
Hyunjin fronça légèrement les sourcils, confus.
– J'te taquine Jinie, je le sais déjà. Elles sont composées entre quatre-vingt-quinze et quatre-vingt-dix-huit pour cent d'eau.
Tout excité, Hyunjin se redressa sur son transat, quittant des yeux le contenu du sceau coincé entre eux.
– Et tu savais que pour se propulser vers le fond des océans, elles se retournent ? Pourquoi les gens pensent toujours que les méduses sont juste toutes droites et ne font que monter et descendre ? En réalité, elle se retourne, avec leur ex-ombrelle vers le bas. Elles propulsent de l'eau, tout pareil que pour remonter vers la surface.
En face de lui, Beomgyu opina du chef, attentif. Il l'était toujours. Même dans ces instants où Hyunjin réalisait que tout ça, Beomgyu le savait déjà car il lui parlait des méduses depuis qu'ils étaient enfants. Son meilleur ami se pencha légèrement vers le seau et esquissa un sourire fin.
– Tu devrais aller la relâcher, elle va avoir chaud là-dedans..., marmonna-t-il.
Hyunjin esquissa une moue.
– Je vais aller me baigner moi ! Tu me suis ?
– Pas aujourd'hui.
– Demain alors... Et cesse donc de fixer cette pauvre chose, elle ne va pas s'envoler !
┆ ┆ ┆
Hyunjin n'avait aucune envie de se baigner aujourd'hui non plus. Il regarda d'un coup d'œil distrait son meilleur ami poser soigneusement sa chemisette du jour sur le bout de son transat et étirer ses bras en avant. Depuis quand les épaules de Beomgyu s'étaient développées à ce point ?
– Jinie ?
Il secoua la tête. Les épaules de Beomgyu n'étaient pas importantes.
– Tu m'aides pour la crème ?
Il rigola doucement et se leva, attrapant le tube de crème. Il lui en étala avec application et bonne dose dans le dos, le regard concentré pour ne louper aucun centimètre de sa peau couleur miel. Beomgyu était naturellement bronzé, tout comme lui, mais attrapait vite des coups de soleil.
– Tu devrais te reconvertir en masseur Jinie, marmonna-t-il, le dos courbé en avant.
– Ça va aller, rigola-t-il.
– Tu viens te baigner avec moi ?
– Je ne sais pas trop...
– Ok, reste ici alors avec les affaires ! Je te ramène une méduse si j'en croise une !
Et malgré lui, ses yeux se mirent à briller. Heureux, il se laissa tomber dans son transat et attrapa le livre de plage de Beomgyu qui déjà, courait en direction des vagues. Le livre était plein de sable, avec des pages qui avaient prit l'humidité et dont les coins étaient terriblement cornés. Une moue sur le visage, il se fit violence pour tout de même débuter sa lecture. Beomgyu n'avait toujours aucun respect pour les livres papiers...
De temps en temps, il relevait les yeux pour s'assurer que tout allait bien. Beomgyu était un grand garçon, il savait nager à la perfection et ne s'éloignait jamais trop des zones de baignades, mais Hyunjin avait toujours la frousse de le voir disparaître de son champ de vision. Il capta plusieurs fois le regard d'une fille aux cheveux décolorés, allongée sur une serviette non loin d'eux. Elle lui adressa un sourire qu'il peina à identifier (il n'y avait que les sourires de Beomgyu qui ne nourrissaient plus de mystères pour lui) et il détourna le regard, les sourcils froncés. Il essaya de se concentrer sur le livre, mais se rendit assez vite à l'évidence : ce genre de littérature n'était pas fait pour lui. Une nouvelle fois, son regard rencontra celui de la jeune femme non loin de lui. Oh non, elle est en train de se faire de fausses idées, pensa-t-il.
Au même instant, Beomgyu revint les cheveux trempés.
– Jinie ! Je crois que je suis amoureux.
– Ah ?
Beomgyu était amoureux tous les mois. Ce n'était pas vraiment être amoureux à ce rythme, mais Hyunjin le laissait penser que si, parce qu'il semblait en avoir envie. Non, besoin. Hyunjin ne savait pas trop. Il le regarda avec un sourire timide, attraper sa serviette et l'enrouler autour de sa taille comme lorsqu'ils étaient enfants.
– D'une femme... Splendide ! Une véritable sirène !
Hyunjin haussa les sourcils.
– Je sais que cela n'existe pas hein, mais... Tu m'as compris !
Oui, Hyunjin savait que dans leur univers les sirènes n'existaient pas. Peut-être un autre, où Beomgyu et lui étaient des pirates ou des explorateurs mais...
– Une chevelure... Il faut que tu la voies ! Elle a tellement d'allure sur sa planche de surf !
Hyunjin réprima un rire léger. Beomgyu aimait les femmes. Il aimait toutes les femmes. Qu'elles soient grandes ou petites, à la chevelure longue ou courte. Des cheveux noirs jais à ceux qui frôlaient le blond translucide, aux yeux en amandes en passant par ceux étonnés en permanence. Il aimait leurs formes quand elles en avaient ou l'extrême finesse de leurs corps. Beomgyu étaient amoureux de leurs sourires, de leurs voix, et de tout ce qu'émanait une femme.
Hyunjin, lui, n'y avait jamais trop vu les mêmes choses.
- Tiens regarde, elle est là-bas !
Et tout excité, Beomgyu la lui désigna du doigt comme un enfant malpoli. Amusé, Hyunjin baissa son bras. La femme avait effectivement quelque chose. Elle ressemblait un peu à une de ces personnes que l'on voyait sur des magazines de maillot de bain, avec un corps qui en aurait fait pâlir plus d'une sur cette plage. Sentant le regard de son meilleur sur lui, attendant sa réponse (non, son approbation), Hyunjin soupira, amusé.
– Eh bien, bonne chance.
– Merci !
Beomgyu échouait toujours. C'était un fait, une réalité qu'il ne parvenait jamais à changer. Mais toutes ces femmes dont il tombait amoureux ne finissaient jamais par lui rendre la pareille et à chaque fois, c'était vers lui qu'il se tournait pour consoler son cœur abîmé.
– Il faut que tu m'aides...
– Ah ?
– Oui. Elle aime les vagues, la mer... J'ai une super idée.
Et dans la tête de Beomgyu, les idées étaient toujours super. Dans la réalité, elles ne l'étaient jamais vraiment et Hyunjin le savait : il avait peur par avance.
– Tu vas faire semblant de te noyer et je vais te sauver.
– Pardon ?!
– Hyunjin, s'il te plait ! Je vais arriver sur une planche de surf comme un héros et te sauver !
– Mais Gyu, je sais nager...
– Pour cette fois tu ne sauras pas !
– Mais je n'ai pas envie de faire semblant de me noyer ! Imagine que tu n'arrives pas à faire ton spectacle comme tu le sens !
– Tu n'es vraiment pas drôle.
Hyunjin leva les yeux au ciel, mi-agacé, mi-amusé. Comme il l'avait prédit : l'idée de Beomgyu s'était révélée désastreuse. En plus, Beomgyu ne savait pas faire du surf.
– Sinon, tu pourrais te faire piquer par une méduse !
– Qu'est-ce que tu racontes encore...
– Et moi, je te porte au poste de secours où elle vient d'aller taper la causette à ce type trop beau...
– Mais-
– Je lui montre que je connais tout sur les méduses et leurs piqûres !
– Je vois...
– Tu es d'accord ?
– Si tu veux...
Hyujin le savait, il ne craignait rien hormis une petite piqûre légère. Les méduses de cette plage étaient inoffensives pour la plupart. Alors après avoir appliqué une nouvelle couche de crème solaire sur son visage, il se leva de son transat, une moue sur son visage.
– Allez, faut que tu ais envie d'aller te baigner et là, paf !
– Et comment je m'y prends pour me faire piquer, hein ?
– Improvise ! Tu me fais signe quand c'est fait !
Hyunjin lui lança un regard larmoyant et s'avança vers l'eau à contre-cœur. Il se félicita d'avoir rasé sa nuque juste avant son petit séjour à la plage : ses cheveux noirs longs lui auraient bien trop tenu chaud. Il avait peut-être rajeuni d'un seul coup avec ses cheveux plus courts, mais il se sentait plus à l'aise ainsi. Il ne loupa pas le regarda de la jeune femme assise non loin d'eux, qui détailla son corps de A à Z et Hyunjin tira un peu plus sur le tissu près du corps de son tee-shirt de bain. Hyunjin se sentait mal à l'aise. Il se retourna brièvement vers ses affaires pour apercevoir Beomgyu, un pouce en l'air et un immense sourire sur le visage. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour toi sombre idiot, pesta-t-il.
L'eau était glaciale. Il eut vraiment envie de faire demi-tour et de déclarer forfait mais en fut incapable : il sentait presque le regard suppliant de Beomgyu sur sa personne et... Qui était-il pour lui refuser cette faveur ? Stupide Gyu... Il trempa un orteil et essaya de faire comme si l'eau n'était pas si froide. Mission ardue quand il y trempa le deuxième pied, puis s'avança comme si de rien était au milieu des quelques autres baigneurs. Il inspira profondément et s'avança jusqu'à avoir de l'eau à la taille. C'était déjà trop. Ses jambes étaient gelées et son entre-jambes... Son entre-jambes le suppliait de sortir de là. Désespéré, il se retourna vers Beomgyu, toujours sur la plage, et essaya de capter son regard.
Au lieu de quoi, son regard croisa celui de la jeune femme assise non loin d'eux. Elle venait de le rejoindre, avec un sourire immense. Ne gâche pas tout, je suis en mission.
– Salut beau gosse !
Merde. Elle parlait anglais, et par chance, lui aussi.
– Elle est gelée, damn !
– O-oui...
La méduse Hyunjin, la méduse !
– Il parait qu'il y a plein de méduses ici..., lâcha-t-il platement.
Et immédiatement, la jeune femme écarquilla des yeux. Non, c'est pas... C'est pas du tout ce que je devais faire ! Mais Hyunjin paniquait. Et un Hyunjin qui paniquait faisait toujours n'importe quoi.
– Enfin, elles ne sont pas si dangereuses ! lança-t-il en faisant de grands gestes.
Mais en face de lui la jeune femme semblait paniqué. Elle se rapprocha, les bras hors de l'eau, le regard courant sur la surface à la recherche des potentielles méduses se laissant porter par le courant.
– Elles ne sont pas méchantes tu sais, ajouta Hyunjin.
Derrière son épaule, il aperçut Beomgyu l'épier sans comprendre, en moulinant des bras et en agitant sa casquette. Quelle discrétion... Il recula d'un pas dans l'eau, en essayant de se montrer à l'aise mais en face de lui, la jeune femme ne le lâchait pas des yeux.
– Dis, si tu veux ce soir il y a une soirée au bar de la plage, commença-t-elle.
Les soirées de Hyunjin se résumaient à des documentaires animaliers, des gâteaux avec Beomgyu et à regarder la mer quand le ciel était noir. Les soirées dans les bars ne l'intéressaient pas vraiment. Sauf peut-être si son meilleur ami était de la partie.
– Ah, super ça, répondit-il.
– Tu as l'air timide, j'me trompe ? rigola-t-elle.
Il haussa les épaules.
– Tu peux m'appeler Sam.
– Hyunjin.
– C'est un beau prénom !
– C'est coréen.
– Oh, classe ! Tu en en vacances ici ? Où tu y vis ?
– Je suis en vacances. Mon meilleur Beomgyu, le garçon avec des cheveux rouge sur la plage, a une tante qui vit ici, nous venons la voir tous les étés depuis que nous sommes enfants.
Elle se retourna pour zyeuter Beomgyu et ce dernier cessa immédiatement de s'agiter dans tous les sens.
– Il ne vient pas se baigner ?
– Il... Euh... Il a peur des méduses.
Mais qu'est-ce que je raconte !! Nerveux, il moulina ses poignets dans l'eau fraîche. Pourquoi cette fille ne voulait-elle pas le laisser en paix ? Il avait une mission à accomplir ! Il devait se dépêcher avant que la crush de Beomgyu ne quitte la cabane des sauveteurs... Il recula d'un nouveau pas quand ses yeux s'agrandirent d'effroi d'un seul coup.
Parfois, le destin faisait bien les choses.
Il y avait quelque chose de gluant derrière son dos et Hyunjin était quasi certain de ce que cela pouvait-être. Alors, tandis qu'il répondait à de nouvelles questions de la part de la jeune femme, il fit mine de se gratter le dos. Quand ses doigts effleurèrent la petite méduse, il ferma les yeux un bref instant. Allez. Il trifouilla encore quelques instants, jusqu'à ressentir un picotement peu agréable dans la paume de sa main droite.
– AÏE !!
En face de lui, Sam hurla en guise de réponse et trébucha dans l'eau.
– Je me suis fait piquer ! hurla-t-il assez fort en espérant que Beomgyu l'entende.
Mais avant même que son ami ne puisse réagir, Sam se jeta sur lui.
– Oh mon dieu !! Viens avec moi mon chou ! Vite !
– Euh je-
– Vite ! Ça peut être très grave !!
Il eut envie de lui répondre que non, mais déjà, Sam l'avait agrippé par le bras, et se dirigeait hors de l'eau. Sur la plage, Beomgyu l'interrogea du regard sans comprendre et Hyunjin lui lança un regard désolé. Absolument rien ne se passait comme prévu. Il essaya de ralentir, mais la jeune femme était butée et quand il se retrouva en face du surveillant de baignade et de la jeune femme qui avait tapé dans l'œil de Beomgyu, Hyunjin se trouva idiot.
– Mon ami s'est fait piquer par une méduse !
Sam le força à s'asseoir sur les marches de la cabane et Hyunjin n'essaya même pas de se débattre. L'homme se pencha vers lui, inquiet et il lui tendit sa main légèrement rougie, entouré par les deux autres jeunes femmes visiblement très inquiète de son sort.
– Vous savez, ce n'est rien, marmonna-t-il.
Mais déjà le maître-nageur lui désinfecta la main à grand coup d'un produit qu'il ne connaissait pas.
– Elles sont inoffensives à cet âge-là.
Tous les trois se tournèrent vers lui.
– Oui euh, ce sont des jeunes, elles ne sont pas encore arrivées à leur taille adulte, celle-ci a dû se laisser porter par un mauvais courant, loin de son banc et-
– Tu en connais un rayon sur les méduses, siffla la surfeuse.
Hyunjin eut envie de lui répondre qu'il n'était même pas rentré dans les détails.
– JINIE !
La voix de Beomgyu – complètement paniqué – les fit sursauter tous les trois. Il poussa le maître-nageur et Sam sans ménagement et se jeta sur lui pour l'étreindre comme si sa vie en dépendait.
– Mais il s'est passé quoi !
– Ton ami s'est fait piquer par une méduse, articula la surfeuse dans un anglais simple.
– A-ah ?
Beomgyu devait avoir compris, son anglais n'était pas excellent mais il détenait les bases.
– Il en connaît un rayon sur les méduses d'ailleurs, siffla Sam, admirative.
– C'est vrai ça, on voit rarement des gens aussi calmes après s'être fait piquer, ajouta la surfeuse.
Beomgyu lui jeta un regard plein de désarroi.
– Ça va aller Hyunjin ? demanda la surfeuse en passa une main dans ses cheveux noir.
Il se figea et la dévisagea.
– Il y a une soirée ce soir au bar de la plage, continua-t-elle. Si tu es remis, viens nous voir !
– Je lui avais justement proposé ! s'exclama Sam.
– Il accepte avec immense plaisir ! lança Beomgyu dans un anglais un peu plus haché que le sien. Mais nous devons y aller, nous sommes attendus maintenant !
Hyunjin eut à peine le temps de les remercier, puis de les saluer que déjà, Beomgyu s'éloignait sur la plage.
Il boudait.
┆
– Gyu, pourquoi tu boudes...
Beomgyu ne lui adressa pas un regard, puéril, et retira son haut avant de le jeter sur le lit qu'ils partageaient chez sa tante. Il le regarda s'éloigner en direction de la petite salle de bain jouxtant la chambre et Hyunjin soupira.
– C'est parce que j'ai loupé ta mission... Je suis désolé, en déduit-il.
Beomgyu passa la tête par l'encadrement de la porte, juste pour froncer les sourcils et disparu à nouveau.
– Désolé, je ne voulais pas, j'ai vraiment essayé...
Il s'avança timidement et le retrouva en train de nettoyer son visage furieusement. Beomgyu se retourna brutalement vers lui, la bouche pincée, la mousse de son savon lui dégoulinant dans le cou et sur les sourcils. La scène en aurait sans doute fait rire plus d'un, mais Hyunjin détestait le voir comme ça. Son cœur battait toujours trop vite et son estomac en était retourné à chaque fois. Et soudain, Beomgyu éclata en pleurs en face de lui.
– Je suis désolé, chouina-t-il. Je ne sais même pas pourquoi je boude !
Désemparé, Hyunjin s'approcha et alluma le robinet pour cueillir un peu d'eau entre ses mains.
– Allons, allons..., bafouilla-t-il.
Il l'invita à se pencher légèrement lui rinça le visage avec douceur.
– J'ai cru que tu avais tout saboté exprès !
– Bien sûr que non, s'offusqua-t-il.
– Mais je sais ! C'est à cause de cette fausse blonde !
Hyunjin rigola.
– Sam.
– Sam. En plus, voilà, tu connais son prénom !
– Beomgyu, ni Sam ni la surfeuse ne m'intéressent...
– Je sais !
Il termina de rincer son visage seul et se tourna vers lui avant de le prendre dans ses bras. Beomgyu sentait sa lotion aux fleurs.
– Pardon Jinie.
– On va quand même à la soirée du bar de la plage ?
– Tu veux ?
– Tu pourrais essayer d'aller parler à ta jolie surfeuse.
– Tu ferais ça pour moi ?
– J'ai forcé une piqûre de bébé méduse pour toi. Ma pauvre main...
Les yeux de Beomgyu brillèrent de plus belle. Avec des gestes délicats qui tranchaient avec sa brutalité naturelle, Beomgyu attrapa ladite main entre ses doigts.
– Tu as pas mal au moins ?
– Du tout. Le produit du type a fait effet.
Il y déposa ses lèvres une fraction de seconde et le visage de Hyunjin le brûla soudainement.
– Hop, maintenant c'est cicatrisé !
Le cœur toujours en vrac, Hyunjin le regarda s'éloigner vers leur lit pour se changer. Mais qu'est-ce qui me prend... Hyunjin n'avait jamais été gêné par les effusions d'amour de son meilleur ami.
Une petite heure plus tard, ils étaient en route pour le bar de la plage.
– Si tu te sens mal à l'aise, on part, ok Hyunjin ?
Hyunjin. Son prénom venait généralement quand Beomgyu s'en faisait pour lui. Il acquiesça et enfonça les mains dans son short aux teintes marines. Il avait enfilé un débardeur blanc et une jolie chemise unie, de la même couleur que son short. Des couleurs discrètes, pour une soirée où il voulait rester discret. Beomgyu, lui... Etait son exact opposé. Ses cheveux rouge ne l'aidaient déjà pas à passer inaperçu, mais son amour des chemises à fleurs colorés terminaient de compléter la panoplie. Il nota qu'il portait ce short qu'il lui avait offert à son anniversaire l'an passé, juste après leurs seconds examens à l'université. Beomgyu n'avait jamais eu peur de porter de blanc, et le blanc lui allait si bien.
Beomgyu avait glissé sa main dans la sienne et semblait heureux. Hyunjin, lui, pensait à sa piqûre de méduse. Il n'arrivait pas à faire un focus sur un autre sujet. Son esprit continuait encore et encore de dénicher les informations qu'il connaissait sur les piqûres, les bébés méduses... Il se détestait de ne pas être capable de se concentrer sur l'instant plutôt que sur ses centres d'intérêts futiles.
– Jinie ?
– Mmh ?
– Tu sembles ailleurs.
– Oh euh...
Beomgyu passa une main dans ses cheveux, coinçant derrière son oreille cette petite mèche de cheveux sombre qui faisait des siennes.
– Tu es sûr que tu veux venir ? Tu n'as jamais été très soirée.
– Je suis sûr.
Beomgyu lui décocha un sourire immense. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour toi hein...
L'endroit était déjà bien plein et Hyunjin eut envie de faire demi-tour, ou de se réfugier un peu plus loin sur la plage, là où il n'y avait plus personne. Hélas, Beomgyu s'était déjà élancé vers le bar et une frimousse qu'il reconnut bien vite se jeta sur lui, les deux mains sur ses épaules, avant de lui coller un baiser bruyant sur la joue. Il recula, effaré, et porta la main à son visage.
– Hyunjin !!
– S-sam...
Ne t'essuie pas la joue devant elle, ce n'est pas poli. Et il dû prendre pour lui pour ne pas le faire.
– Trop contente de te voir là !
– Merci beaucoup.
Ce n'était certainement pas la réponse à laquelle Sam s'attendait mais Hyunjin s'en moquait un peu. Il chercha des yeux son meilleur ami et le trouva, déjà au bar, en train de commander leurs verres.
– Tu cherches ton meilleur ami ? Je pense qu'il est venu voir le maître-nageur de tout à l'heure, lança-t-elle en lui faisant un clin d'œil.
– Le maitre-nageur ? demanda-t-il sans comprendre ce que faisait ce type dans l'équation.
– Oui, je suis persuadée qu'il lui a tapé dans l'œil !
– Oh.
Elle pense qu'il a un crush sur lui. Je vois.
– J'ai tout de suite su en le voyant, rigola-t-elle.
– De quoi ?
– Qu'il était, tu sais...
Il comprit.
– Beomgyu n'est pas homosexuel.
En face de lui, Sam éclata de rire et Hyunjin la regarda sans comprendre.
– Tu me fais rire Hyunjin ! On va danser ?
– Beomgyu n'est pas-
Mais avant qu'il ne puisse terminer sa phrase, ledit Beomgyu était de retour, les yeux brillants, et deux imposants cocktails dans chaque main.
– Me revoilà ! Le tient est sans alcool Jinie !
Il le lui tendit et Hyunjin le remercia d'un signe timide de la tête.
Il essaya d'échapper à Sam, en vain. La jeune femme semblait convaincu d'avoir une toute nouvelle connexion avec lui et il se retrouva incapable de refuser de prendre quelques photos avec elle puis, de l'emmener danser. De temps à autre, il tentait de zyeuter Beomgyu, toujours lancé dans sa mission surfeuse. Il le vit lui offrir un verre, puis une danse. La jeune femme sembla bien s'amuser et quelque part au fond de lui, Hyunjin se sentit immensément soulagé. Il ne sera pas triste ce soir. Mais une autre petite voix au fond de lui lui rappela que peut-être que Beomgyu ne rentrerait pas ce soir et il se raidit, en plein dans sa danse avec Sam.
– Hyunjin ?
– Oui ?
– Tu regardes quoi ?
– Oh, rien, rien je...
Sam fronça les sourcils.
– Pardon il faut que j'aille... tu sais... ?
– Oh. Oh, oui ! Les toilettes sont un peu plus loin derrière le bar !
Sans perdre une seconde, Hyunjin s'éloigna de ce traquenard.
Beomgyu dansait toujours et la surfeuse riait à gorge déployée. Hyunjin continua de s'avancer vers les toilettes, les joues brûlantes. Il devait sortir d'ici. Il n'aimait pas la manière dont son corps réagissait à l'endroit. Il n'aimait pas non plus l'ambiance. Pourtant, les gens étaient heureux et respectueux, même ceux qui avaient un peu bu. Mais c'était quelque chose d'autre. Un petit quelque chose sur lequel il peinait à mettre le doigt.
Alors il s'éloigna sur la plage pour s'éloigner du bruit, de Sam, du maître-nageur et de la surfeuse.
Il se posa tranquillement non loin de l'eau, là où il savait qu'elle ne viendrait pas mouiller le bout de ses pieds. Il y resta seul et paisible une dizaine de minutes, avant d'entendre des bruits de pas léger derrière lui. Il serra les dents, déjà prêt à supporter Sam avec lui.
– Tout va bien ?
La voix de Beomgyu le fit sursauter. Il le regarda s'installer à ses côtés.
– Je t'ai vu t'éloigner et ne pas revenir, j'ai eu peur.
– Tu as laissé ta surfeuse ?
– Je la reverrais demain, après-demain... !
– Tout comme moi.
– Oui, mais toi tu es plus important.
– Je vais bien, marmonna-t-il. J'avais besoin de calme.
Hyunjin laissa tomber sa tête sur son épaule et Beomgyu le ramena un peu contre lui.
– C'était beaucoup de monde et de bruit d'un coup. Tu veux qu'on rentre dormir ?
– Je voudrais profiter de l'océan encore un peu.
– D'accord.
Ils enlacèrent leurs doigts dans le sable et restèrent là, sans un bruit, l'un contre l'autre à regarder l'immensité noire sous leurs yeux. Ces moments-là, Hyunjin en était amoureux. Il n'y avait qu'avec Beomgyu qu'ils existaient, parce que Beomgyu avait toujours été le seul à le comprendre, au fond. Il n'avait jamais eu besoin de tout lui expliquer en détail Beomgyu ressentait, et c'était tout.
– Tu crois que les méduses dorment comment ?
Il esquissa un sourire. Beomgyu connaissait très certainement déjà la réponse mais savait ce qu'il faisait.
– Elles dorment la nuit et comme nous, leur sommeil est rythmé par des cycles. D'ailleurs, si tu empêches une méduse de dormir le soir, elle peut somnoler le jour, rigola-t-il.
Et il continua, d'une voix douce, à lui raconter les études les plus fascinantes qu'il avait lu sur le sujet, sur ô combien les méduses étaient des cas intéressants d'étude du sommeil de par leurs origines archaïques. Leur absence de système nerveux central avait rendu les études plus intéressantes, car la chose en avait surpris plus d'un. Comment un être d'apparence aussi insignifiant pouvait se révéler aussi passionnant ? Et Beomgyu ne l'interrompait jamais. Il écoutait en silence et avec passion.
– Comment tu fais Gyu ?
– Comment je fais ?
– Pour ne jamais t'ennuyer. Je te parle des méduses depuis qu'on est gosses...
– Tu m'apprends toujours de nouvelles choses et puis, j'aime simplement t'entendre parler de ce qui te rend heureux.
Dans ces moments-là, c'était bel et bien lui qui l'était, le plus heureux.
┆ ┆ ┆
Le reste de leur semaine fut... Chaotique. Il regarda Beomgyu essayer d'obtenir le numéro de la surfeuse de mille manières différentes, mais jamais sans lui rentrer dedans directement. Hyunjin avait l'impression de le voir s'auto-saboter. Il le regarda lui offrir des glaces quasiment tous les jours, lui proposer des tours à vélos où des pass pour la piscine à débordement un peu plus loin. Il le vit bien essayer de lui faire passer son subtil (pas du tout) message, en vain. La jeune femme demeurait aveugle. Et jour après jour, la peine de Hyunjin pour son ami grandissait.
– Elle a l'air d'aimer les mecs très bronzés, marmonna Beomgyu.
Hyunjin suspendit ses gestes : il était en train de lui étaler la crème solaire dans le dos.
– Ne t'arrête pas pour autant, j'veux pas choper de cancer de la peau.
Il laissa échapper un petit rire nerveux et continua à l'enduire de crème. La peau de Beomgyu avait un beau teint naturel, Hyunjin l'avait toujours trouvé joli. Il n'était pas bien différent du sien au fond, mais sur lui, Hyunjin avait toujours trouvé que la chose rendait mieux.
– Tu vas refaire ta couleur bientôt ? Elle vire couleur fraise tagada, rigola-t-il.
– C'est si moche que ça ?
– Ça te donne un petit style, j'avoue.
– Je referais ma couleur après la plage, mes cheveux s'abîment trop avec le sel, répondit Beomgyu. Ah, le revoilà, mon rival...
Hyunjin releva les yeux de ses épaules qu'il massait presque avec trop de douceur et son regard croisa la carrure imposante d'un homme à la peau cuivrée, une large planche de surf sous le bras gauche. Il esquissa un sourire amusé : Beomgyu se faisait des films en permanence mais lui ? Ce film était le meilleur de l'été. Il s'était mis en tête que lui et le surfeur étaient rivaux et redoublait d'idée pour toujours le coiffer au poteau : arriver avant lui au stand de surf où il prenait désormais deux heures de leçons par jours, arriver avant lui pour poser sa serviette, rentrer en premier dans l'eau... Tout cela était incroyablement ridicule mais amusait beaucoup Hyunjin.
– Il n'y connait rien en méduse en plus, tu l'aurais vu, raconter n'importe quoi l'autre jour...
– Quelle importance ? demanda Hyunjin un peu perdu.
– D'après ma théorie, les gens qui n'y connaissent rien aux méduses sont des loosers.
– Quelle théorie ?
– La théorie de la méduse.
– Tu viens de l'inventer Gyu...
– N'importe quoi ! Elle est véridique ! Comment tu peux prétendre être un fana de l'océan et ne rien connaître sur ces merveilleuses créatures ?
Hyunjin arqua un sourcil. Lui qui se croyait le plus atteint des deux.
– S'il ne coche pas la case de la méduse alors, se moqua gentiment Hyunjin.
Il n'osa pas revenir sur son invention de dernière minute ; Beomgyu était simplement désespéré.
– Mon cours commence... Regarde-moi bien, je vais lui mettre la pâté !
– À tout à l'heure Gyu, soit prudent dans les vagues, lui répondit Hyunjin avec douceur.
Beomgyu l'attira contre lui en guise de salut et se diriger tout guilleret vers son cours de surf. Beomgyu n'était pas très doué avec une planche, mais semblait s'amuser tout de même. Hyunjin ne pouvait pas rêver mieux. Il s'installa dans son transat, confortablement, et jeta un coup d'œil à son seau de plage. Aujourd'hui, il était vide. Beomgyu avait oublié la méduse.
┆ ┆ ┆
La fin de leur séjour approchait et Beomgyu n'avait toujours pas réussi. Chaque soir, il se lamentait sur ses échecs répétitifs et chaque jour, Hyunjin s'attristait de ne plus voir de méduse au fond de son seau. Mais il ne disait rien, se contentant de le soutenir encore et toujours. Ce jour-là, le cours de surf avait été avancé d'une petite heure à cause des marées. Hyunjin avait laissé leurs affaires sous surveillance dans une petite cabine sécurisée et désormais, marchait le long de la plage, les mains dans les poches de son short de plage, sa chemise couleur crème au vent. Il avait réussi à esquiver Sam aujourd'hui, pour son plus grand plaisir. Il n'était pas vraiment d'humeur à faire semblant de quoi que ce soit. Ce que voulait Hyunjin aujourd'hui, c'était être seul.
Il ne croisa pas un seul coquillage et pas une seule méduse dans les coins dans lesquels il s'aventura. Son petit sceau qu'il avait en main restait vide et triste. Tu n'as plus trois ans, reprends toi... Tu es à l'université, passe à autre chose... Pourtant, c'était ce qui le rendait heureux. Ça et Beomgyu. Cela n'avait rien de très compliqué.
Sa ballade dura une heure minuscule. Quand il revint vers la plage où Beomgyu et lui avaient déposé leurs affaires et où ce dernier prenait les cours de surf, une sensation étrange l'accabla. Il devina Sam au loin, avec deux amies, bronzant et grillant au soleil comme elle adorait le faire. La surfeuse de Beomgyu n'était pas là, sans doute avait-elle rejoint le cours pour aujourd'hui. Pourtant, Hyunjin trouvait que quelque chose clochait. C'était peut-être en rapport avec ses grosses vagues qui déferlaient sur la côte, malgré le soleil immense et haut dans le ciel. Il s'avança près de l'eau, curieux. Au loin, le cours de surf de Beomgyu semblait se dérouler sans problème.
Jusqu'à cette vague.
Une vague immense, qui lui noua l'estomac. Et le petit surfeur qui s'élança vers elle lui donna des sueurs froides. Il pouvait reconnaître Beomgyu à deux mètres, dix mètres, cent mètres... Sa tignasse groseille était un bon voyant. Le cœur serré d'angoisse il le regarda s'élancer vers la vague beaucoup trop haute pour lui, beaucoup trop haute pour un jeune homme de son faible niveau en surf. Et pourtant, aucun des autres surfeurs ne bougea. Beomgyu se leva sur ses jambes et Hyunjin pouvait deviner l'appréhension sur ses traits, ses jambes tremblotantes. Il passa la vague avec grand succès et sembla se retourner vers ses camarades, victorieux.
Jusqu'à ce que la vague qui en cachait une autre termina de s'écraser.
Beomgyu disparut en une fraction de seconde, noyé dans les flots avec sa jolie planche colorée. Le cœur de Hyunjin se décrocha et il tordit le cou immédiatement pour essayer d'apercevoir quelque chose.
– Wow, c'était Beomgyu ?
Sam venait de se téléporter à ses côtés. Elle aussi avait assisté au désastre.
– Il ne remonte pas..., murmura-t-elle.
Et Sam avait raison : Beomgyu ne remontait pas à la surface alors que déjà, la vague n'était plus que remous et courants. La bouche entrouverte, Hyunjin n'entendait plus que son cœur tambouriner dans sa poitrine.
– Il est là-bas ! s'écria-t-elle en pointant quelque chose de rouge et de blanc dans l'océan.
Hyunjin tourna la tête en sa direction et écarquilla les yeux. Beomgyu avait été emporté, et Beomgyu ne réagissait pas.
Avec le recul, Hyunjin réaliserait l'ampleur de son action et à quel point sa propre vie aurait pu rentrer en jeu. Mais sur l'instant, tout lui sembla être la seule et une excellente idée. Il lâcha son sceau et Sam le dévisagea sans comprendre, avant de réaliser. Mais avant qu'elle n'ait pu l'en empêcher, il s'élança, corps et âme, dans l'eau et, dégageant un enfant de sa petite planche de surf adapté, se mit à remuer ses bras le plus vite possible. Hyunjin ne savait pas faire de surf. Il n'avait aucune idée de comment la chose fonctionnait, mais tout lui sembla étrangement instinctif une fois dans le feu de l'action.
– Gyu !
Évidemment, son ami ne lui répondit pas. La petite tache rouge et blanche se rapprochait et enfin, Hyunjin le distingua complètement. Il flottait comme un pantin sans ses fils, la tête dans l'eau, le dos face au soleil et sa planche loin de lui. Espèce d'idiot qui n'a pas dû accrocher sa cheville correctement !! Ou bien, le matériel avait eu un problème de base. Mais Hyunjin préféra ne pas y penser. Pour l'heure la seule chose préoccupant son esprit était lui.
Sa planche se rapprocha du corps et Hyunjin sentit les larmes lui monter aux yeux. Il le hissa sans trop de difficultés dans les eaux redevenues presque calmes et le secoua, paniqué.
– Gyu !!
Le visage de Beomgyu était fermé et il nota une épaisse tache rouge sur toute la moitié de son visage. Sans doute avait-il dû se blesser durant sa chute. Avec maladresse il l'installa sur sa planche, sans réaliser que déjà, les autres surfeurs s'étaient rapprochés de lui pour lui porter secours. Les deux mains sur les joues du jeune homme aux cheveux rouge, la panique le gagna et Hyunjin sentit tout son corps se raidir.
– Eh ! Toi !
Les autres venaient d'arriver.
– Eh !!
Il releva la tête vers les surfeurs, les yeux brillants. La surfeuse arriva en première et rapprocha sa planche de la sienne, paniquée tout comme lui.
– Oh my god, murmura-t-elle.
– J-je...
– Ne panique pas, tu as déjà fait beaucoup, laisse-moi prendre le relai ! articula-t-elle dans un anglais parfait.
Hyunjin retira ses mains tremblantes des joues de son meilleur ami et elle se colla à eux du mieux qu'elle put. Désormais autour d'eux le petit groupe de surfeurs était silencieux. Et alors que Hyunjin s'apprêtait à se confondre en excuse et à expliquer son geste, elle se pencha vers les lèvres de Beomgyu. Il se sentit incroyablement stupide de ne pas avoir réagi, de ne pas avoir avancé les gestes de premiers secours et s'en voulu encore plus d'avoir été paralysé de la sorte. La jeune femme ne perdit pas de temps, et quelques instants plus tard, Beomgyu ouvrit de grands yeux, pour découvrir son visage penché vers le sien.
Sans doute avait-il imaginé un tout autre contexte pour leur premier rapprochement.
Les yeux ronds, il se redressa lentement en la dévisageant, elle, puis les autres, puis lui, assis sur la même planche que lui, bien trop petite pour deux hommes adultes.
– Que...
– Ton ami est venu te secourir ! lança la surfeuse. On a eu si peur ! Je pense que tu as dû te cogner dans ta chute... ça a dû te sonner un coup...
Et, sans prévenir, elle l'attira contre lui pour le serrer dans ses bras. Hyunjin la dévisagea avec des yeux ronds. Derrière lui, un jeune homme s'approcha et lui tapota l'épaule.
– Tu devrais te mettre au surf... T'as un potentiel de dingue.
– Je ne... euh...
– Tu es venu... dans les vagues..., murmura Beomgyu.
Hyunjin acquiesça. Le regard de Beomgyu s'humidifia de plus belle.
Le sauveteur n'eut pas la force de le gronder. Il le sermonna simplement sur le fait de faire le travail des autres. Et Hyunjin se confondit en excuse tandis que Beomgyu, assis sur le bord de la cabane avec une serviette qui n'était pas la sienne sur les épaules, ne le quittait plus des yeux. Il ne porta pas un seul regard sur la surfeuse qui massait ses épaules en lui demandant comment il se sentait et en essayant de le réconforter. Beomgyu ne regardait que lui et pour la première fois, Hyunjin en fut presque mal à l'aise. À ses côtés, Sam qui les avait rejoints ne passa pas à côté de ce détail.
– Comment..., murmura Beomgyu. Comment tu as fait pour venir me chercher ?
– Je ne sais pas.
– Ton ami a un talent avec les vagues ! renchérit la surfeuse.
– Hyunjin a peur des grandes vagues, lâcha Beomgyu.
Tout le monde se retourna vers lui, confus. Il se sentit un peu trop observé soudainement et baissa les yeux. Beomgyu avait peut-être exagéré la chose... Il aimait les vagues. De loin, quand il les voyait depuis la plage, quand il avait pied quand elle venait le balayer, en documentaire... Il n'aimait simplement pas les grandes vagues quand il n'avait plus pied. Il n'aimait pas aller où le fond était hors de sa portée.
– Tu as été très courageux Hyunjin, lança Sam.
– Rien de tout cela ne serait arrivé si j'avais pu faire mon boulot correctement ! renchérit le sauveteur.
La surfeuse leva les yeux au ciel.
– Cousin, il a été plus rapide, aucun drame est arrivé, tout est bien.
Cousin ? Beomgyu sembla revenir sur terre et tourna la tête vers elle. Beaucoup de choses s'expliquaient et l'horizon semblait se dégager de nouveau pour lui.
Quelques minutes plus tard, Hyunjin emballait leurs affaires pour rentrer chez sa tante. Beomgyu ne parlait toujours pas, son petit glaçon emballé dans un linge collé contre sa joue encore vivement colorée.
– Jinie... ?
– Oui Gyu ?
– Je ne t'ai même pas encore remercié.
Il s'avança pour le prendre dans ses bras, le serrant fort contre lui.
– Merci Jinie, tu as sauvé ma vie.
– Oh je... C'était un travail d'équipe, je n'ai même pas fait le bouche à bouche.
– C'était... ?
– Yep, c'était bien elle.
– Je croyais que je me faisais des idées, rigola-t-il.
– Il faut croire que ta technique du surf a fonctionné. Un peu risquée, mais chapeau, elle ne va définitivement pas t'oublier, plaisanta Hyunjin.
Beomgyu lui rendit son sourire et passa une main dans sa frange de cheveux sombres.
– Je vais surtout retenir une seule chose de cette journée. Non, deux.
– Lesquelles ?
– Le surf, ce n'est pas fait pour moi.
– Et ?
– Et tu as bravé une de tes plus grandes peurs pour moi. Tu es la personne la plus merveilleuse de cette planète.
┆ ┆ ┆
La dernière nuit eut lieu un jour après le drame, le terrible accident, le jour « où j'ai failli mourir » dixit Beomgyu. Et comme à chaque fois qu'ils partaient le lendemain, les deux jeunes hommes allaient manger sur la plage un peu éloignée de la zone touristique et des bars. Hyunjin avait fait ses adieux à Sam en la croisant non loin de ce bar dansant qu'elle aimait bien. La jeune femme lui confia son numéro, pour parler de tout et de rien, mais parce qu'avoir un correspondant dans un pays étranger lui plaisait bien. En la voyant ce soir-là, Hyunjin réalisa que peut-être, les intentions de la jeune femme n'avaient jamais été celles qu'il lui avait prêtées. Il accepta son offre avec plaisir et comprit en la voyant sourire, heureuse, qu'il venait d'illuminer sa soirée.
– Tu sais, je suis sûr que Sam ferait une excellente amie pour toi.
– Ah ?
– Voyons, elle t'a approché visiblement sans euh... arrières pensées.
– J'ai cru au début, marmonna Hyunjin.
– Et tu as compris que non ! Elle a juste été maladroite ! Puis, penses-y, mais tout le long du séjour, elle a quand même été drôlement attentive à tes histoires quand vous parliez...
– C'est vrai.
– Je sais que tu as souvent du mal à le croire mais, il y a des gens qui veulent devenir ami avec toi Jinie.
Il acquiesça en silence. Parfois la chose lui semblait un peu inconcevable. Mais si Beomgyu le lui disait alors...
– On n'est pas bien là ?
Si, il aimait beaucoup le coin. Calme, non loin des vaguelettes et avec un ciel parfait pour y observer les étoiles. Ce n'était pas quelque chose qu'ils pouvaient beaucoup faire dans leur pays d'origine. Et alors qu'il s'apprêtait à sortir leurs sandwichs, Beomgyu déposa un seau sous ses yeux. Il l'avait couvert d'un petit drap et Hyunjin haussa un sourcil.
– Pour me faire pardonner de ne pas en avoir trouvé pendant quasiment tout notre séjour.
Oh Beomgyu, je ne t'en veux pas le moins du monde... Il souleva la chose avec lenteur et application et ouvrit de grands yeux en découvrant ce qui s'y trouvait.
– Comment... ?
– Aucune idée, mais je l'ai pris comme un signe, elle était échouée, alors je l'ai mise dans mon seau avec de l'eau le temps qu'elle revienne à elle...
– Elle... elle...
– Ouais, elle est unique.
Hyunjin dû se faire violence pour ne pas effleurer la matière visqueuse de la cloche de la méduse. Cette dernière brillait. Un peu faiblement car sans doute éprouvé par son naufrage, mais Hyunjin le distinguait quand même. Il releva la tête vers Beomgyu qui le regardait en souriant.
– Merci, elle est si jolie, chuchota-t-il.
Beomgyu lui adressa un sourire immense.
– Tu sais, j'ai pensé plusieurs fois à en ramener à cette fille. Et puis après, je me suis dit : Pour quoi faire ? Est-ce qu'elle appréciera autant la chose que toi ? Est-ce qu'elle valait vraiment le coup que je gâche nos vacances en commun ?
– Tu n'as rien gâché du tout, s'empressa de répondre Hyunjin.
– Si.
– Je te dis que non ! J'ai été heureux de venir ici avec toi une nouvelle fois.
– J'aurais pu éviter l'épisode noyade.
– Certes. Mais j'ai adoré ces vacances.
– J'en reviens toujours pas qu'elle m'ait fait un bouche à bouche, grommela Beomgyu.
– Je pensais que la chose te rendrais heureux, le taquina Hyunjin.
– Ce n'était pas la personne que je voulais.
– Pardon ?
– Enfin je euh, ouais je... Voilà.
– Tu voulais que ce soit son cousin ?
– Ne soit pas stupide Jinie.
– Lui aussi ne passait pas la théorie de la méduse ?
– Hyunjin, ma théorie, il n'y a qu'une seule personne capable de la passer.
Il fronça les sourcils, se plongeant en profonde réflexion. Finalement, cette dernière fut de très courte durée. Il releva la tête, les joues cramoisies, les yeux ronds.
– Oh.
– Oh, ouais.
– Oh.
Un étrange silence s'imposa à eux, tandis qu'ils rivèrent tous les deux le regard vers l'océan devant eux, soudain gêné. Tout était beaucoup trop calme et Hyunjin eut l'impression que les battements chaotiques de son cœur trahiraient à n'importe quel instant son état actuel. Était-il en train de rêver toute cette soirée ? Il se fit violence pour détacher ses yeux de l'horizon déjà noir et reporta son attention sur la petite méduse, un fin sourire sur le visage.
– Est-ce que tu essaies de me dire que la sirène surfeuse ne t'a jamais vraiment intéressé ?
– Ça se pourrait, ouais.
Beomgyu tourna la tête vers lui, embarrassé, les pieds s'enfouissant un peu plus dans le sable à mesure que les secondes défilaient entre eux. Il releva la tête vers lui, souriant avec amusement.
– Alors pourquoi tout ça ?
– Parce que je suis un idiot qui cherchait de l'attention.
– Tu l'avais déjà.
– Je sais. C'est pour ça que j'ai précisé « un idiot ».
Un rire léger lui échappa et Beomgyu l'imita. Oui, Beomgyu était un idiot, mais un idiot que Hyunjin comprenait maintenant. Tout lui sembla clair : les sorties avortées avec la surfeuse, ces moments où il avait « échoué » à réellement s'approcher d'elle... Et tout à coup le moment du sauvetage lui revint en tête : l'intérêt de la jeune femme avait déjà été piqué, Beomgyu n'avait pas eu besoin de faire tout ça. Il effleura ses doigts du bout des siens, un sourire aux lèvres. Ce petit geste ne lui sembla plus totalement anodin désormais.
– En temps normal les gens offrent des fleurs. Toi, tu m'offres des méduses.
– Parce que tu t'en fiches des fleurs, tu ne jures que par ces choses visqueuses, marmonna-t-il.
– Eh !
Il lui donna une tape sur l'épaule et Beomgyu détourna furieusement le visage. Depuis quand était-il aussi timide ? Hyunjin se demanda si le contexte ne jouait pas en sa défaveur. Beomgyu n'avait jamais eu le moindre mal avec le contact physique, encore moins entre eux, mais ce soir... Ce soir que les choses devenaient limpides, qu'il se mettait à nu devant lui, tout semblait lui devenir plus difficile. Il décala le seau pour s'asseoir contre lui et passer une main dans ses mèches autrefois rouges vives.
– Gyu ?
Beomgyu se retourna, plongeant son regard dans le sien. Quelque part, Hyunjin avait l'impression de redécouvrir un visage avec lequel il grandissait depuis des années. D'un geste timide de la tête, Beomgyu lui fit signe de continuer.
– Je sais que toi, tu aimes beaucoup les fleurs. Alors de retour chez nous, laisse-moi t'offrir le plus beau des bouquets.
À l'image de la petite méduse entre eux, le beau visage de Beomgyu s'illumina et sans plus attendre, Hyunjin l'attira contre lui.
– La théorie de la méduse, fin.
—
merci encore à KUKIHIME d'avoir gentiment accepté de participer à ce recueil collaboratif avec ce texte beaucoup trop cool <33
j'espère qu'il vous a plu ! merci à celleux qui suivront ce petit recueil, on se retrouve bientôt pour le prochain os !!
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top