§ CHAPITRE 5 §

« ...si vous détenez la moindre information sur la famille française disparue à Londres la semaine dernière, contactez les forces de l'ordre au numéro qui s'affiche en bas de votre écran. Je vous souhaite une excellente soirée, on se retrouve demain à la même heure. »

La jeune femme blonde attendit le signal de la régie indiquant que les caméras cessaient de tourner pour effacer son sourire de façade. Elle souffla et tenta de décrisper sa mâchoire à grand renfort de grimaces. Son collègue, de dix ans son aîné, aux cheveux gominés et un air prétentieux fondu sur le visage, leva les yeux aux ciel.

Voyant qu'elle agaçait l'homme, la jeune femme sourit, se leva en faisant racler sa chaise sur le sol intact du studio, s'étira et bailla avec la classe d'un hippopotame, d'une manière volontairement bruyante. Elle fit claquer l'élastique de son string à travers sa robe noire, au décolleté outrageant et ponctua sa prestation par un rot sonore.

- Bonne soirée, Greg ! salua-t-elle joyeusement en adressant un clin d'œil à son collègue, qui ne la quittait pas des yeux, trop effaré pour commenter.

Pour un peu, elle aurait vu sa mâchoire se décrocher et ses yeux délavés sortir de leurs orbites.

- Non mais vous avez vu qui ils embauchent ? l'entendit-elle glapir dès qu'elle eut franchi la porte. C'est une honte !

- Moi, je la trouve admirable, lui répondit tranquillement un technicien. Elle a une prestance incroyable, même quand elle fait des trucs dégueulasses pour te faire enrager.

La blonde n'écouta pas la suite de la conversation et s'éloigna d'un pas léger, un grand sourire aux lèvres. Greg était le fils unique d'une famille de banquier, il n'était arrivé à obtenir ce travail que parce qu' il avait des relations. Il n'avait comme compétence qu'un physique avantageux qui agitait les réseaux sociaux à chacune de ses apparitions télévisées. C'était un personnage superficiel, imbuvable et dont la condescendance n'avait d'égale que son mépris pour autrui.

Bref, c'était un sale petit con.

En parlant de con, son supérieur, Jean-Pierre Pelote, le bien nommé, sortit vivement de son bureau et lui barra la route. Il appuya une main contre l'encadrement de la porte et posa l'autre sur sa hanche, ce qui lui donna une posture parfaitement ridicule. Ã tous les coups, il devait se croire incroyablement séduisant.

- Ah, mais voilà cette douce Lara ! Comment vas-tu, ma chérie ? s'écria-t-il avec un sourire salace plaqué sur les lèvres.

La jeune femme rejeta ses longs cheveux bouclés en arrière et baissa les yeux vers le nouveau venu, qu'elle dépassait d'une bonne tête.

- Très bien, je partais, répliqua-t-elle sèchement. Vous permettez ?

Elle se décala d'un pas pour tenter de le contourner, mais l'homme posa sa main gauche sur le bas de son dos. Beaucoup trop bas pour que ce geste soit innocent. Il lui proposa de la raccompagner jusqu'à la sortie, prétextant qu'il était également sur le point de quitter les locaux. Exaspérée, Lara se dégagea et feignit d'avoir oublié quelque chose sur le plateau de tournage. Elle fit demi-tour et s'éloigna à grands pas de celui qu'elle surnommait « JPP ». Au bout de quelques mètres, elle se plaqua contre le mur, derrière une armoire de métal, et risqua un œil vers la portion de couloir qu'elle venait de fuir. Le peloteur n'avait eu d'autres choix que de poursuivre sa route en direction de la sortie. Seul.

Il ouvrit la porte pour s'engager dans les escaliers de métal qui menaient au parking. Puis, Lara l'entendit lâcher un chapelet d'injures alors que son corps dégringolait les marches dans un vacarme infernal.

La jeune femme décroisa son index et son majeur et souffla sur ses deux doigts, comme si elle cherchait à chasser la fumée d'un vieux revolver.

- Oups, ironisa-t-elle, un sourire satisfait aux lèvres.

Elle jeta un coup d'œil circulaire pour s'assurer que personne ne l'avait vue, puis, agrippa la anse de son sac à main et se dirigea vers la sortie de secours, le pas étonnamment souple malgré la hauteur vertigineuse de ses talons. Elle n'allait tout de même pas passer par la sortie principale alors que JPP était allongé de tout son long dans les escaliers ! Ce vieux pervers en aurait profité pour regarder sous sa robe. Et puis elle ne supportait pas les geignements.

La jeune femme poussa avec assurance la porte métallique, ignorant royalement le panneau qui en interdisait l'accès. Elle dévala les escaliers en béton, sans se soucier du manque de luminosité, ni de l'odeur de moisi qui flottait dans l'air, pressée de rentrer chez elle.

Les escaliers de secours débouchaient dans le parking sous-terrain du siège de l'entreprise. Elle fit sauter le verrou de la porte coupe-feu d'un claquement de doigts – foutu plan vigipirate – et s'empressa de localiser la sortie, slalomant entre les voitures, toutes plus coûteuses les unes que les autres. Elle emprunta la sortie réservé aux véhicules, saluant d'un clin d'œil la conductrice d'une berline blanche qui entrait dans le parking et dut piler pour la laisser passer.

Lara lâcha un soupir d'aise en regagnant la surface. Elle ajusta sa doudoune en fourrure, abaissa ses lunettes de soleil sur son nez, même si le temps était gris, se recoiffa d'un geste théâtral et se dirigea vers une rue adjacente, où l'attendait sagement son cabriolet rouge.

Jetant son sac sur le siège passager, la blonde démarra en trombe et s'inséra dans la circulation à grand renfort de coups d'accélérateurs et de klaxons. Une fois qu'elle eut rejoint le périphérique qui ceignait la ville, elle tapota sur le tableau de bord qui s'illumina d'un halo bleuté.

- Bonjour Lara, que puis-je faire pour vous ? questionna la voix métallique de l'intelligence artificielle coincée dans le tableau de bord.

- Appelez l'institut EsthétiX, ordonna la jeune femme.

Le tableau de bord clignota et émit quelques bruits, indiquant qu'il était en train de composer le numéro. Au bout de deux tonalités, une voix féminine avec un fort accent du sud résonna dans le combiné.

- Institut EsthétiX, bonjour, Marie-Chantal à votre service, que puis-je pour vous ?

- Bonjour, ce serait pour un renseignement. Vous faites toujours la manucure cuisse de nymphe ?

Il y eut un court silence, au bout duquel Marie-Chantal répondit d'une voix légère, un peu hésitante :

- Qui êtes-vous pour avoir la prétention d'avoir déjà vu la couleur des cuisses d'une nymphe ?

- Je suis de ceux qui voient l'invisible.

La voix de la femme changea radicalement pour adopter un ton grave :

- Je vais voir s'il m'en reste en réserve. Ne quittez pas.

Le brouhaha de l'institut s'atténua à mesure que la femme s'éloignait du salon principal vers la réserve, le téléphone à la main. Le grincement d'une porte résonna dans le combiné, achevant d'étouffer les bruits parasites, puis les pas de Marie-Chantal se stoppèrent et elle reprit le combiné :

- Salutations ma sœur, que veux-tu ?

- Salutations ma sœur, Wolf au rapport pour le Général Azrill ôl Dhore, dit Lara.

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