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Après avoir commandé deux verres de vin blanc et notre menu, l'ambiance se détend un peu pour ressembler banalement à l'ambiance d'un rencard ennuyant.
- Dis moi ce que tu fais dans la vie, dit-elle.
Utiliser de l'impératif pour une question est audacieux, mais je courbe l'échine comme depuis le début.
- Je commence juste à travailler dans une boîte qui vend des objets imprimés en 3D, et toi ?
Elle me regarde sans aucune expression, je ne sais vraiment pas comment la comprendre.
- Pour le moment je suis au chômage, mais j'aimerais créer ma propre entreprise.
Je pensais que mon regard interloqué allait l'encourager à me donner plus de détails, mais elle préfère se taire et prendre une gorgée de vin.
- Et tu ferais quoi comme entreprise ? Demandé-je alors.
- J'aimerais bien faire de tee-shirt avec de la broderie, mais c'est un peu utopique.
Le ton est toujours monotone, mais je suis intéressé.
- Tu brodes ?
- J'adore ça. Ça peut paraître vieillot, mais pour moi c'est de l'art.
J'opine du chef. Elle me fascine.
- Je trouve ça génial, dis-je honnêtement.
Cela la surprend car elle ose un regard vers moi et je vois ses joues se teinter malgré la couche de fond de teint.
- Et toi, qu'est-ce que tu fais comme objets en 3D ? Demande-t-elle.
Je hausse les épaules et je tourne les yeux, son regard est très intense et je sens des milliers de picotements dans mon ventre. Il m'en a toujours fallu peu pour que je tombe sous le charme d'une femme.
- La plupart du temps on fournit des pièces pour les professionnels, comme des moules ou ce genre de choses qui seront utilisés ensuite dans la fabrication d'autres pièces.
Mon discours est chiant, mais il est le même pour toutes les personnes que je rencontre depuis que j'ai ce job. Ses doigts pianotent doucement sur la table, ses ongles ne sont pas assez longs pour produire un son désagréable. Après quelques secondes de réflexion, elle fait une mou pour acquiescer. Elle se redresse et s'étire ce qui a pour effet de faire bomber sa poitrine vers moi. Mon regard n'a pas quitté son visage que je trouve très harmonieux. Je ne sais pas combien de temps nous restons silencieux, mais j'ai la sensation que ce n'est pas gênant. Je commence doucement à me détendre et peut-être que le vin y est pour quelque chose.
Elle rompt le silence.
- Excuse moi, je suis fatiguée.
Je suis encore déstabilisé par sa remarque.
- Je ne vois pas pourquoi tu t'excuses.
Elle hausse les épaules.
- Je ne suis pas très vive.
Toute son apparence forte et hautaine se désagrège d'un coup. Je la découvre empathique.
- Ce n'est pas grave, je ne suis pas très vif non plus, dis-je pour la rassurer.
Cela lui décroche un sourire qui me fait un peu planer. Les picotements reviennent à la charge. Je décide de reprendre la main de la conversation.
- Tu disais que ce restaurant appartient à ta mère alors ?
Elle s'avance de nouveau vers la table en croisant ses bras dessus.
- Oui, elle rêvait depuis toute petite d'ouvrir un restaurant, et à la mort de mon père, elle a hérité de toute sa fortune ce qui lui a permis de réaliser son rêve.
Le fait qu'elle mentionne sans émotion apparente la mort de son père me fait croire qu'elle ne le portait pas dans son cœur.
- C'est très courageux de sa part je trouve. Ce n'est pas évident de changer de vie d'un coup de cette façon.
Elle soupire.
- Elle n'a pas vraiment changé de vie, quand mon père était vivant elle était femme au foyer et elle passait sa vie à cuisiner. Maintenant elle est payée pour le faire, je trouve ça plus juste que courageux.
- C'est vrai.
Son discours est plein d'amertume et je lutte pour ne pas lui poser une tonne de questions. Elle est tellement mystérieuse, elle semble avoir tellement de choses à raconter. Elle continue sans que j'ai à lui delande quoi que ce soit.
- Elle a obtenu une revanche sur la vie en quelque sorte, continue-t-elle. Ça me rend heureuse de voir qu'elle s'épanouit.
- On dirait que tu la protèges beaucoup.
Je pensais que c'était une question risquée, mais finalement elle me montre de nouveau son beau sourire.
- Oui je la protège, mais c'est parce que je l'aime.
L'émotion dans ses yeux me coupe le souffle et je ne peux m'empêcher de sourire aussi.
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