LILY

Riley s'est assis sur la chaise à côté de la mienne, nous attendons que Colton dise quelque chose. Je suis vraiment anxieuse, j'ai peur de ce que je vais découvrir à propos de moi, j'ai peur de me souvenir de choses trop douloureuses. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est Riley, j'ai cru comprendre qu'il n'a pas eu une vie facile, j'ai peur que ses souvenirs le détruisent, qu'il laisse ses émotions prendre le dessus, après tout il est très impulsif.

Colton s'assied et prend un air solennel. Il se racle la gorge comme à chaque fois qu'il s'apprête à parler :

— Je dois vous expliquer quelque chose à propos de l'antidote et des doses que vous avez déjà reçues. Je vais essayer d'aller droit au but pour ne pas que vous fassiez un rejet. Je vous raconterai les détails après.

Ce qui est étonnant, c'est que je n'ai aucun souvenir qu'on m'ait piquée. Lorsque Jordan a pris mon sang, j'ignorais tout d'une seringue mais j'avais tout de même cette impression de familiarité, comme si je savais au fond que ma peau avait déjà rencontré une aiguille.

— La dose que vous avez reçue est de niveau trois. Il y a quatre niveaux. Le niveau quatre est la dose mortelle, celle que l'on va vous administrer.

Je ne comprends rien à cette histoire de niveaux et encore moins pourquoi il veut nous administrer une dose mortelle.

— Pour l'instant, vous êtes conditionnés pour réfuter chaque information qui ira à l'encontre de l'Asile. Vous devez juste me faire confiance. Est-ce que c'est le cas ?

— Vous voulez nous tuer ? demande Riley.

— Non. La dose mortelle ne l'est pas réellement, il se trouve que c'est l'antidote. Je sais que c'est incompréhensible, mais tout sera bientôt clair pour vous. Alors, vous me faites confiance ?

— D'accord, je réponds.

Riley me regarde l'air de dire « es-tu complètement folle ? » alors je lui adresse un sourire pour le rassurer, je fais confiance à Colton, je suis certaine que nous n'allons pas mourir.

— Ok, répond Riley.

— Très bien. Il y a une autre chose que vous devez savoir. Vous allez retrouver tous vos souvenirs, les bons, les mauvais. Tous en même temps, ils vont vous submerger et il se peut que vous ayez envie de tout casser ou de partir, c'est pourquoi je vais fermer la porte à clef.

Colton se lève et verrouille la porte à l'aide d'une clef qu'il range ensuite dans sa poche avant de venir se rasseoir.

— Quand le produit se mêlera à votre sang et montera à votre cerveau, vous pourrez avoir des douleurs ou des spasmes. Vous ne serez plus comme avant cependant...

— Qu'est-ce que ça veut dire ? demande Riley.

— Vous allez être libérés de cet asservissement envers l'Asile. Vous n'allez plus le penser bon, vous ne serez plus conditionnés. Votre esprit sera libéré de tout parasite. Vous oublierez le mantra et il se peut que ça fasse surgir des choses en vous.

Sur ce, il ouvre un tiroir de son bureau et en sort deux grosses seringues, probablement trois fois plus grosses que celle avec laquelle Jordan nous a piqués. Elles sont transparentes et remplies d'un liquide rose. L'aiguille est vraiment longue, je suis sûre que je vais avoir très, très mal.

— Vous êtes prêts ?

Nous hochons la tête à l'unisson et Colton se lève. Il se dirige d'abord vers moi, je vais être la première à faire l'expérience de cette grosse aiguille. Il se place derrière moi et soulève mes cheveux. Pourquoi ne me pique-t-il pas dans le bras ? Il compte me planter l'aiguille dans la nuque et j'appréhende encore plus. La panique me submerge mais je sens la main chaude de Riley prendre la mienne, il capte mon regard pour me rassurer, pour que je reste focalisée sur lui. Il est évident qu'il a peur, mais il parvient à laisser ses aprioris de côté pour m'aider. Je sens l'aiguille entrer en contact avec ma peau, elle la perce pendant un laps de temps qui me parait interminable. Elle s'enfonce en moi, ça fait horriblement mal et Riley le voit puisqu'il me serre la main tandis que je grimace, le visage déformé par la douleur.

— C'est parti, dit Colton.

Maintenant, il m'injecte le liquide rose, une sensation troublante s'empare de moi ; c'est désagréable et ça excite mes neurones. Un inconfort subit me submerge entièrement, mais ce n'est rien en comparaison aux douleurs qui agressent ma tête de part en part. C'est plus puissant que jamais, j'ai aussi très froid, ça me fait trembler. J'ai l'impression que je vais dormir ou bien mourir, de l'un à l'autre il n'y a qu'un pas. Le visage de Riley est déformé, on dirait qu'il est en colère mais je suis sûre que ce n'est pas vraiment le cas et que c'est dû à une hallucination de ma part.

Et sans que je ne m'y attende, des milliers d'informations me montent à la tête, je perçois des visages, des lieux, j'entends des noms, des voix. Des souvenirs m'assaillent, des détails de mon enfance, d'un anniversaire, de bons moments passés en famille, de ma sœur, de mes parents. Je vois Sierra et des moments qu'on a passés ensemble. Je me rappelle l'aspect des rues, ce béton qui recouvre la ville sans lui accorder une seule once de nature. L'arboretum envahit ensuite mon esprit, il y a un dôme, des plantes et des insectes. Je suis capable de nommer des objets électroniques comme le simulateur holographique, le robot cuiseur que nous possédons ou bien le robot ménager qui passe sans faire de bruit dans l'appartement immaculé. Je me rappelle mes cours d'ingénierie, de sciences avancées, d'innovation et de domotique. Des milliers de connaissances inondent mon cerveau et je me sens plus forte que jamais. J'ai l'impression que je pourrais accomplir des choses folles avec toutes ces capacités. Puis, des maux de tête plus forts que jamais je n'en ai eus submergent ma tête, j'ai chaud, je me sens malade. Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais l'Asile me dégoûte. Nos restrictions m'exècrent et je me rends compte d'une multitude de mensonges que j'ai assimilés depuis toujours. Il y a bel et bien un Extérieur et je m'y trouve actuellement. Tout va bien et je suis en vie, l'Asile n'est qu'un mensonge, l'Asile ne nous protège pas, il nous tue.

Et puis, je sais enfin qui je suis.