RILEY

Ce que je vois pue l'embrouille à plein nez. Pourquoi Lily et moi sommes visés ? Je ne bouge plus et regarde autour de moi mais ces enfoirés ne sont pas visibles, je n'ai aucune idée d'où ils se planquent. Ça n'a rien à voir avec Jordan et sa clique d'amateurs, nous avons affaire à des professionnels qui savent se cacher et viser à la perfection. Je suis sûr qu'il suffirait d'un mouvement de travers de ma part pour voir un trou parfait remplacer le petit point lumineux rouge qui se trouve en plein milieu du front de Lily.

— Ne bouge surtout pas, je dis à Lily. Il y a des gars armés.

— Qu'est-ce qu'on fait ?

— Rien du tout. Lève les mains.

Alors elle m'écoute et lève ses mains, je fais de même.

— Les armes à terre ! crie un homme.

— OK, mais est-ce que vous pourriez baissez les vôtres ? Ce serait vraiment sympa de votre...

— Les armes à terre, j'ai dit ! hurle la même voix qui provient d'une direction que je n'arrive pas à définir, c'est comme si elle venait de nulle part et partout à la fois.

Je déplace ma main tranquillement jusqu'à mon pistolet qui se trouve dans mon pantalon. Je le retire délicatement de son emplacement et le laisse tomber par terre. J'adresse un regard à Lily pour qu'elle fasse la même chose. Elle se débarrasse de son couteau et sans que je ne m'y attende, elle sort un flingue de son short. Elle avait un flingue sur elle tout ce temps ? Mais qu'est-ce qu'elle foutait avec ça ? Quoi qu'il en soit, elle le pose également par terre.

— Les sacs ! crie la voix.

Lily et moi nous déchargeons de nos sacs à l'unisson, les laissant tomber lourdement à nos pieds. Aussitôt, j'entends du bruit provenant de la gauche et de la droite, des hommes se ruent vers nous sans que les points ne disparaissent pour autant. Ils doivent être un bon nombre, ils sont organisés. Dans quel merdier Kyle nous a-t-il menés ? Trois hommes se trouvent devant nous, ils nous pointent avec leurs armes. J'ai envie de leur dire « Ok les gars on a compris, vous êtes armés jusqu'aux dents, respect. » mais je me retiens et je la ferme, ils n'ont pas l'air commodes. Je ne vois pas leurs visages parce qu'ils portent une combinaison noire assez épaisse – sûrement doublée d'un gilet pare-balles – et des sortes de cagoules. Leur habit me fait penser à l'uniforme qu'on m'a donné suite à mon engagement au programme de Protection et Combat à quelques détails près.

— Déclinez votre identité ! ordonne l'un d'eux, celui qui nous donne des ordres depuis tout à l'heure.

L'homme qui parle se tient pile en face de nous, une très grosse et très longue arme à la main. Rien à voir avec les armes de poing que nous avons, les nôtres sont vraiment ridicules à côté.

— Riley.

— Riley qui ? hurle l'homme.

Il crie depuis tout à l'heure alors que nous sommes juste en face de lui et qu'on l'entend très distinctement, la forêt étant vraiment stérile de bruit. Je suppose que c'est pour se donner de la prestance, pour nous montrer qui est le chef, qui domine, et tout ça. Je comprends son but, mais je ne suis en rien impressionné par cet homme.

— Juste Riley.

— Et la fille ?

— Lily, murmure-t-elle.

— Ton nom !

— Je... je ne sais pas.

Les hommes se regardent et leurs visages se redirigent dans notre direction.

— Qu'est-ce que vous faites là ? D'où venez-vous ?

— C'est une très longue histoire, je commence.

— Va droit au but. Les points essentiels.

J'ai compris deux choses avec ce type. Il ne fait pas de phrases et il n'a pas d'humour.

— On s'est réveillés dans la forêt, attachés l'un à l'autre. Et puis on s'est fait chopper par un certain Jordan. Kyle nous a aidés à nous enfuir, il voulait venir avec nous, il a dit qu'on serait en sécurité ici.

— Kyle vous a dit de venir ici ?

— Oui.

— Et où il est maintenant ?

— Euh... On a eu un léger contretemps voyez-vous...

— Réponds à la question ! hurle l'homme.

— Il est mort, dit Lily.

Sa voix était éteinte mais toutefois distincte.

— Et Jordan ? demande l'homme.

— Mort aussi, je réponds.

— Leur chef ?

— Désolé les gars, on n'a pas pu le buter celui-là...

— OK. Tournez-vous.

Je ne comprends pas très bien ce qu'il nous veut mais nous ne sommes pas morts et aucun de ces hommes ne nous a brutalisés – mis à part les tympans – alors je me dis que c'est une bonne chose. Je me tourne et Lily fait pareil en me lançant un regard inquiet. Elle plisse les yeux mais je ne comprends pas ce qu'elle essaye de me dire. Ça ressemble à des reproches mais au fond je n'en sais rien, j'ai étudié beaucoup de choses au Centre d'Apprentissage mais aucun cours n'avait pour thème « Comment comprendre les femmes ».

Un homme me fouille, il veut probablement s'assurer que j'ai bien déposé toutes mes armes au sol. Je regarde Lily qui subit le même sort, elle ne se préoccupe pas de moi, elle préfère fixer droit devant elle. Elle m'avait promis qu'elle arrêterait de me lancer des regards mauvais, j'ai hâte de lui faire remarquer qu'elle est la première à avoir brisé notre pacte, je suis sûr qu'elle pensait que ce serait moi.

— Regardez leurs nuques, ordonne l'homme aux deux autres.

Je sens aussitôt une matière rugueuse – des gants – passer sur ma nuque. Ils savent qu'on a des tatouages, Kyle avait raison, il y a probablement des gens comme nous ici. La question est maintenant : sont-ils bien traités ?

— Cinq mille huit cent vingt-trois, dit l'homme derrière moi.

— OK, et toi ?

— Huit cent trente-quatre, lui répond-il.

— C'est noté. Retournez-vous, nous ordonne-t-il.

Nous nous retournons à l'unisson et l'homme que je vais désigner comme « le chef » range un bloc-notes dans la poche interne de sa combinaison.

— Baissez vos armes ! dit-t-il à son escadron.

Aussitôt dit, aussitôt fait, il n'y a plus aucun point rouge sur Lily et je suppose qu'il en est de même pour moi. Des soldats sont probablement postés dans les arbres, je ne vois pas une autre explication sinon.

— Écoutez, on va devoir vous menotter, c'est le protocole. Ne tentez rien contre moi ou contre mes hommes, je vous assure qu'on ne vous fera pas de mal. Compris ?

— Compris, répondons-nous à l'unisson.

— Très bien.

Les deux hommes s'activent sous les ordres de leur chef et je me retrouve rapidement les mains menottées, il en est de même pour Lily.