Chapitre 45

LILY

Nous marchons, je dois avouer que je suis heureuse que Riley ait enfin décidé d'arrêter de jouer aux gros durs. Il doit sûrement se dire que c'est moi qui me suis détendue mais la vérité, c'est que c'est lui qui refuse qu'on s'entende bien depuis qu'on s'est réveillés côte à côte. Alors qu'on marche et qu'on dépasse l'arbre 48, un ravin nous barre le passage. Je me demande s'il est là naturellement où s'il a été creusé pour faire office de piège.

— T'entends ? me demande Riley.

— Entendre quoi ?

— Chut.

Je me concentre mais je n'entends rien du tout. Riley s'avance vers le ravin et il se retourne vers moi, un sourire radieux aux lèvres. Pourquoi sourit-il comme ça ? Qu'est-ce qu'il a trouvé ? Il n'y a qu'une seule façon de le savoir, j'avance, je suis impressionnée par ce que je vois. De l'eau coule dans ce ravin. Je me rappelle que de là d'où nous venons, il n'y a pas de source sauvage. La seule eau que nous pouvons trouver, c'est la piscine du Centre d'Entrainement et de Musculation. Sinon, il y a quelques fontaines au centre-ville, d'après des images qui viennent de m'arriver, mais jamais je n'avais vu tel spectacle.

Riley est émerveillé, comme si rien d'autre ne pouvait le rendre plus heureux, puis il enlève son tee-shirt pour se retrouver torse nu devant moi, je ne peux m'empêcher de le détailler comme une imbécile. Je détaille son corps musclé du regard, sa blessure est recouverte d'un pansement et c'est seulement en remontant mes yeux vers son visage que je me rends compte qu'il me regarde. J'ai sacrément honte, j'aimerais effacer ce moment plus que gênant de sa mémoire, après tout, on a bien réussi à nous retirer nos souvenirs, peut-être que je trouverai comment ils ont fait et pourrai retirer ce souvenir de la tête de Riley. Je détourne les yeux et croise les bras. Il n'affiche aucune expression particulière, c'est encore pire que s'il s'était moqué de moi, le silence, ça ne lui ressemble pas. En temps normal, il m'aurait balancé un truc du style « Alors Lily, un problème ? » ou alors il aurait souri pour me montrer qu'il sait tout. Là il ne fait rien, il se détourne juste de moi pour descendre dans le ravin.

Il écarte ses pieds de manière à les stabiliser de chaque côté du ravin et ne pas entrer en contact avec l'eau. Il se baisse et trempe son tee-shirt dans l'eau, l'essore et s'essuie le visage avec. Il a eu une très bonne idée, c'est sûr, le fait est que je ne me vois pas me déshabiller pour faire la même chose. Alors qu'il se décrasse, son visage reprend petit à petit sa couleur naturelle. Une fois débarrassé de toute la terre et du sang qu'il a sur la peau, il frotte également ses mains dans l'eau et je suis envieuse. Je m'approche du ravin, Riley est en train de nettoyer son tee-shirt de nouveau. Je pourrais aller dans l'eau, sauf que je dois faire attention à ne surtout pas mouiller ma blessure fraichement pansée. Riley me tend son tee-shirt, il l'agite sous mes yeux pour me convaincre.

— T'as qu'à l'utiliser, me dit-il.

Ça y est, maintenant qu'on a fait un pacte, Riley me prête ses affaires ? Je lui prends son tee-shirt humide des mains et je m'essuie le visage avec. Je frotte encore jusqu'à me sentir propre en espérant avoir enlevé le plus gros. J'en profite également pour essuyer mes mains, elles me dégoûtaient. Je rends son haut à Riley mais il ne le remet pas, il le range dans le sac qu'il porte sur son dos. Donc il compte passer le reste du trajet à moitié nu ? Il enjambe le ravin et se trouve rapidement de l'autre côté. Je ne sais pas comment je vais passer, j'arrive à marcher mais ma jambe est tout de même fragile depuis que je l'ai sollicitée pour grimper à l'arbre malgré ma blessure. J'ai évité de le lui dire pour ne pas qu'il s'inquiète. Je n'ai juste pas envie de me plaindre, je préfère qu'il croie que tout va bien. Il tend une main vers moi pour que je l'attrape et pour m'aider à passer de l'autre côté. Je rassemble mon courage à deux mains, j'espère que ma jambe va supporter le saut que je compte lui infliger. J'attrape sa main et je saute le plus loin que je peux. Le plus loin que j'ai pu n'était pas impressionnant à vrai dire, j'ai failli tomber en arrière dans le ravin en glissant sur son bord, mais Riley m'a rattrapée par la taille et m'a plaquée contre lui en me serrant fort. J'ai maintenant les deux pieds bien ancrés dans le sol et pourtant, il ne me lâche pas.

Je m'écarte de lui et le regarde dans les yeux. Nous sommes tout proches et je remarque encore une fois qu'il a des yeux vraiment captivants, d'un bleu assez sombre mais en se concentrant bien sur ses iris, on peut y lire plein de choses. Enfin, tout le monde a des yeux captivants quand on prend le temps d'y faire attention, pas juste Riley. Je le repousse et le dépasse, il ne reste que trois arbres, autant faire le plus vite possible, je ne compte pas passer la nuit dans la forêt.

Nous venons de dépasser l'arbre 49 et je suis toute excitée à l'idée qu'on sera arrivés dans moins de cinq minutes. Je me pose beaucoup de question, en commençant par à quoi va ressembler l'endroit et même s'ils seront nombreux. Je me demande comment ils vivent et si leurs conditions de vie sont égales à chez nous. Je me demande aussi et surtout pourquoi ils ne vivent pas au sein de l'Asile. À vrai dire, je suis assez sous le choc d'apprendre qu'il y a de la vie en dehors de l'Asile. J'étais déjà choquée de découvrir ça lorsque Jordan nous tenait captifs mais là, l'idée de voir encore plus de monde me rend nerveuse.

Je vois un 50 bien tracé et très gros sur un tronc, à ma droite. Riley le voit aussi, il est tout sourire.

— On y est, dit-il.

— Et maintenant ?

Nous regardons autour de nous mais nous sommes toujours au beau milieu des arbres, il n'y a ni trace de vie, ni béton. Aucun immeuble, aucune habitation, seulement des feuilles, de la terre et des branches. Je me demande si nous ne nous sommes pas simplement trompés de chemin mais c'est impossible, d'après la carte de Kyle, c'est bien ici.

— Tu crois que... que ça a été détruit ? C'est vrai après tout, il n'est pas venu ici depuis un moment, ça a pu changer entre temps.

— Je ne sais pas, répond Riley. On est au bon endroit pourtant, je ne comprends pas.

Riley tourne sur lui-même, il cherche un indice à propos de là où nous pourrions aller. Et puis, je vois un point rouge sur son dos dénudé.

— Riley...

Il se tourne vers moi et je découvre qu'il a aussi un point rouge en plein milieu de son front, et celui qui était sur son dos se trouve maintenant à l'emplacement de son cœur. Je n'ai aucune idée de ce que c'est, mais je suis persuadée que ce n'est pas bon signe.

— Tu as...

— Un point rouge sur le front ? me demande-t-il. Toi aussi.

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