Chapitre 42
RILEY
Je ne savais absolument pas ce que je faisais, ni si j'allais la rattraper ou si elle allait s'étaler par terre et se casser un bras. Mais bon, elle n'allait pas rester accrochée à sa branche. Elle m'a fait confiance, elle a sauté. Je dois dire que les chances pour qu'elle tombe dans mes bras – tendus vers elle à ce moment là – étaient vraiment minimes étant donné la hauteur, difficile de calculer la trajectoire. Elle s'est lâchée pile au-dessus de moi et j'ai attrapé sa taille dès que je l'ai vue passer à mon niveau. Sauf qu'ensuite, j'ai perdu l'équilibre, mon corps a basculé en avant avec elle, et je me retrouve allongé sur elle, nos visages tous proches l'un de l'autre.
Lily est en train de rire, je ne sais pas si c'est la nervosité de cet instant plus que gênant ou si elle devient folle. De toute manière, elle est forcément folle pour avoir eu l'idée de grimper à un arbre. Mon visage est au-dessus du sien, mes avants bras de chaque côté de sa tête. Elle rigole à gorge déployée, dévoilant ses dents étonnement blanches, contrastant avec la crasse qu'il y a sur son visage qui lui, est taché de terre et de sang, le mien est sûrement pareil. Elle s'arrête de rire et semble se rendre compte seulement maintenant de la situation. Elle me fixe et je fais pareil. Normalement, je devrais me lever et on devrait reprendre notre route. Sauf que ni elle ni moi ne bougeons ni ne parlons.
Pour je ne sais quelle raison, mes yeux se focalisent encore une fois sur sa bouche. Elle est toujours aussi belle, mon cœur s'emballe et j'ai envie de l'embrasser. Elle finit par briser le silence :
— Riley, tu fais quoi ?
Et voilà. Elle m'a pris en flagrant délit et maintenant, elle va se faire des films. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, je suis censé la détester. Je n'apprécie pas Lily de cette façon, elle est énervante et sa bouche n'est pas du tout attirante, sa bouche est tout aussi énervante qu'elle, elle parle trop. Ça c'est mieux. C'est ce que je pense, c'est bien plus fidèle à moi-même.
Je prends appui sur mes avants bras et me relève en lui tendant la main pour qu'elle en fasse de même. Elle la prend, se lève et nous restons comme ça, main dans la main à nous regarder comme deux abrutis. Sa paume est douce et chaude, et je crois que ça me fait de l'effet. D'un coup, elle secoue la tête, me lâche, elle part récupérer son sac à dos et continue de marcher. Je ramasse également mon sac et la suis.
— Merci, au fait, je lui dis.
— Je t'avoue que j'ai pris un malin plaisir à te voir pendu à cet arbre.
— Tu trouves ça drôle ?
— Assez, oui. Regarde où tu mets les pieds, on a assez perdu de temps comme ça.
Lily est trop complexe pour moi. Elle est capable de me montrer une multitude de ses facettes en peu de temps, d'une seconde à l'autre je peux la retrouver blagueuse, furieuse, froide, sensible, et ça m'empêche de la cerner. Je ne saurais même pas me démener pour la faire rire volontairement et en fait, je me demande si elle est comme ça parce qu'elle me déteste ou si c'est dans sa nature. Je penche pour la première option.
— Alors, pourquoi t'es revenue ? je lui demande.
— Je ne voulais pas qu'on se sépare. J'étais juste... il y avait Kyle et tout ce sang et... je ne sais pas. Il est mort...
Est-ce qu'elle va pleurer ? J'espère que non, je suis plutôt nul pour réconforter les gens, cela me met mal à l'aise en général, et la seule personne que j'aie eue à réconforter dans ma vie était ma sœur de six ans, je ne pense pas que je puisse réconforter Lily de la même manière. Elle continue de marcher, je la vois effacer rageusement ses larmes. Là, je crois qu'elle est en train de pleurer.
— Lily, tu pleures ?
Elle se retourne vers moi et m'offre la vue de son visage rouge et de ses yeux humides. Et merde, je n'aurais peut-être pas dû poser la question. Si ne n'avais rien dit, elle aurait continué de pleurer discrètement et j'aurais pu faire comme si je ne voyais rien. Les larmes glissent le long de ses joues et certaines se retrouvent à se balader sur ses lèvres. Elle a l'air dévastée et moi, je suis comme un con à l'observer.
Puisque je la regarde sans rien faire, elle lève les yeux au ciel et continue de marcher.
— Attends !
— C'est bon Riley, te fatigue pas.
La voir comme ça me provoque une sensation étrange que je n'apprécie pas vraiment. Je me sens triste pour elle et je n'aime pas la voir pleurer. J'accélère le pas pour la rattraper et sans réfléchir, je lui attrape le bras pour qu'elle s'arrête. Elle me regarde avec les sourcils froncés, son visage est encore plus humide que tout à l'heure. Encore une fois, je ne réfléchis pas et la prends dans mes bras. Ouais, je la prends dans mes bras, comme si nous ne nous détestions pas. Je la serre fort et je caresse même ses cheveux. Au début, elle ne bouge pas et je me sens sacrément con, je me demande même si elle ne va pas me frapper. Ses bras pendent le long de son corps, elle est aussi figée que je l'étais tout à l'heure.
— Qu'est-ce que tu fais ? me demande-t-elle.
— Tais-toi et profite.
Elle s'exécute et referme ses bras autour de moi, je sens ses doigts dans mon dos. Étrangement, ce contact me satisfait et me fait du bien. C'est comme si je faisais le plein d'ondes positives. Je n'aurais pas imaginé que faire un simple câlin à Lily me procurerait autant de bien.
— Tu as déjà perdu une personne à laquelle tu tenais ? me demande-t-elle sans se détacher de moi.
— Oui.
Oui ? J'ai vraiment répondu oui ? Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Cet instant me paraissant tellement naturel que j'ai laissé ma sincérité s'exprimer. Je ne voulais pas dire la vérité et maintenant, elle va vouloir en savoir plus. Comme je l'avais prédit, elle se détache de moi. Je la serre plus fort, l'obligeant à rester dans la position dans laquelle nous étions. Je ne veux pas parler, elle va rester comme ça jusqu'à ce que ça lui sorte de la tête. Et je suis totalement sérieux. Elle me repousse une nouvelle fois et fronce les sourcils.
— Mais je croyais que...
— Ouais et bien... je n'ai pas vraiment été honnête avec toi.
— Je m'en doutais.
Je me tâte entre deux options. Lui dire la vérité ou bien ne plus en parler et continuer de marcher. Elle ne m'a rien demandé après tout, ce choix m'appartient. Je pense tout de même qu'on a traversé un tas de choses Lily et moi, et le fait que je ne sois même pas fichu d'être honnête avec elle, c'est pas cool. Je me racle la gorge. Ce que je m'apprête à lui raconter est un secret et j'ai peur d'avoir l'air faible devant elle.
— J'avais une sœur, Zoe. Elle était malade. Une maladie dont ils n'ont trouvé ni l'origine, ni le remède. Elle devait donc se soigner pour ne pas faire de crise et elle prenait des petites pilules tous les jours, elles ne la soignaient pas mais ça la stabilisait, on va dire. On mettait quasiment tous nos crédits dedans, pour la maintenir en vie et comme on manquait de crédits, je me suis engagé dans le programme de Protection et Combat. En choisissant ce programme, on nous fournit des pilules gratuitement, un gros stock pour subvenir à toute la famille.
Lily me fixe, les yeux ronds. Une chose est sûre, elle ne s'attendait pas à ce genre de révélation. Je continue, tant que j'y suis, autant lui déballer ma vie.
— Mon père est mort et ma mère elle... elle n'a pas fait son deuil, elle est devenue complètement à côté de ses pompes. Elle ne sortait quasiment pas de son lit, elle était constamment triste et ne s'occupait plus de nous. Je m'occupais de ma sœur comme si j'étais son père. Et ma mère elle...
Je sens que je flanche et je dois prendre une profonde inspiration parce que je n'ai pas envie de flancher, il ne faut pas que ça arrive.
— Ma mère prenait les médicaments de ma sœur, elle disait que ça la calmait et qu'elle se sentait mieux. Elle en est devenue complètement accro et elle en prenait toute la journée, il n'y en avait plus pour Zoe et... au Centre de Médication, ils ont refusé de m'en donner d'autres, ils savaient que j'avais normalement un gros stock. Alors j'ai volé. J'ai volé des médicaments pour sauver ma sœur parce que si elle loupait ne serait-ce qu'une fois son traitement, elle faisait des crises et risquait de mourir.
— Et qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Sa voix n'est qu'un murmure, elle a l'air abasourdie par ce que je lui raconte. Elle qui voulait tant entendre mon histoire, j'espère qu'elle est contente. Je ne peux pas continuer, si je le fais, je sais que je vais craquer et me murer dans le silence était la meilleure stratégie. Pourquoi ai-je commencé à lui parler de tout ça ? Elle n'a absolument pas besoin de savoir, je n'ai pas besoin de réveiller mes démons.
— Je me suis fait arrêter et elle est morte. Ils ont amené son cadavre à ma cellule, sa tête... ses yeux étaient... et puis ses bras...
Je ne contrôle plus rien. Je ne veux pas que Lily me voie dans cet état-là mais malheureusement, elle est en face de moi et me regarde avec des yeux ronds, comme si elle ne se remettait pas de mon récit. Et puis d'un coup, elle s'approche et me prend dans ses bras, comme je l'ai fait pour elle il y a quelques minutes. Je reste figé, comme elle l'a été et puis je finis par l'enrouler de mes bras.
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