Chapitre 41
LILY
Je dois trouver une solution et vite. J'ai failli lui lancer ce couteau en plein visage, j'ai vite compris que ce n'était pas l'idée du siècle. Je suis quand même amusée, je dois avouer que voir Riley attaché par un pied à un arbre est assez divertissant. Je pourrais le laisser là et le forcer à répondre à mes questions ; ce serait un bon programme, ça. Sauf que je vaux mieux que ça, on a beau se disputer depuis notre fameux réveil, on passe notre temps à se sauver mutuellement, comme si l'on ne pouvait pas laisser l'autre tomber.
Je sais ce que je dois faire : monter à cet arbre pour couper la corde. Riley tombera lourdement sur le sol mais au moins, il sera détaché. Est-ce que je sais au moins grimper à un arbre ? Je suis prise d'une sensation étrange qui est mêlée à de l'adrénaline. Mon corps me convainc que je peux le faire. Je me concentre et inspire profondément.
Je regarde le grand chêne. Maman m'a dit qu'elle avait bientôt fini le travail mais ça fait longtemps que j'attends. Ça fait des heures. Ou bien des minutes, je n'ai pas vraiment la notion du temps et je ne comprends pas très bien lequel passe le plus vite. Ici, il n'y a personne. L'herbe est verte, cette couleur est magnifique et je ne peux la voir qu'ici. Je plains toutes les personnes qui n'ont pas accès à l'arboretum parce qu'elles ne voient jamais le vert, elles ne connaissent pas l'odeur des plantes et elles ne se sentent pas aussi heureuses que je le suis lorsque je viens ici.
Il y a une chose que j'ai toujours rêvé de faire et si maman n'arrive pas tout de suite, je pense que je vais faire une bêtise. En fait, je ne sais pas si c'est une bêtise ou non, je ne comprends pas très bien les règles que je dois suivre ici. J'essaye de me remémorer ce que maman m'a dit : je ne dois pas toucher aux fruits et légumes, je ne dois pas arracher les plantes, je ne dois pas tuer les insectes, je n'ai pas le droit de toucher les papillons. Maman n'a jamais dit que je n'avais pas le droit de faire cette chose à laquelle je pense. Et maman est très formelle, si je n'en avais pas le droit, elle n'aurait pas oublié de me le dire. Et puis de toute façon, je m'ennuie alors autant m'amuser.
Je m'approche un peu plus de l'arbre et je touche son tronc. Il y a des bosses dessus et je souris car ça me conforte encore plus dans mon idée. Je prends appui dessus avec mes mains, puis ce sont mes pieds qui viennent se poser sur le tronc. Je réussis à grimper quelques centimètres, ou quelques mètres, sur le tronc mais je glisse et tombe dans l'herbe. J'entends la voix de papa dans ma tête « Tu ne dois jamais abandonner après un échec ». Papa a raison, je devrais l'écouter. Je recommence, je monte à l'arbre de nouveau et cette fois, je m'accroche mieux. En levant la tête, j'aperçois une branche qui ne me parait pas si haute que ça. Alors je grimpe jusqu'à elle et lorsque j'y arrive, je tends le bras et fais glisser mon corps dessus pour m'y allonger. J'y suis étendue et d'un coup, le sol me parait un peu trop loin maintenant que je le vois.
— Mais qu'est-ce que tu fais ?
Maman est revenue et elle n'a pas l'air contente. J'espère que je ne serai pas punie, je voulais juste jouer.
— Redescends tout de suite de cet arbre !
— Je ne peux pas.
Je m'approche de l'arbre. Il est beaucoup plus grand que celui de mon souvenir. Moi aussi, je suis beaucoup plus grande et du coup, moins agile. Je n'avais pas la notion de l'espace, ni même celle du temps. Maintenant que j'ai la notion des hauteurs, je sais très bien que je vais avoir du mal à grimper. Je sais aussi que je risque d'en tomber et de me tordre quelque chose. Je souffle un grand coup et me débarrasse de mon sac à dos. Je cale la poignée de mon couteau dans ma bouche et pose mes mains sur l'écorce. Puis, c'est au tour de mon premier pied, puis du deuxième. Je suis dans une situation inconfortable, mais c'est un bon début.
— Lily, qu'est-ce que tu fabriques ? Tu vas te blesser ! Redescends, on va trouver une solution.
Je ne lui réponds pas, j'ai la bouche prise de toute façon. Je fais monter un pied, puis l'autre, puis mes mains. Je réitère cette opération, plus concentrée que jamais pour ne pas échouer. La branche à laquelle Riley est suspendu est à plusieurs mètres de haut. Peut-être cinq, ou plus, je n'en ai aucune idée. Je continue de monter et d'évoluer sur le tronc, contente d'avoir de bons appuis, j'avais peur que le bois soit trop lisse.
— Quand tu m'auras détaché, tu m'expliqueras où est-ce que tu as appris l'escalade ! Parce que personne que je connais ne sait grimper à un arbre, c'est de la folie ! Tu faisais ça à l'arboretum ? T'es au courant que c'est interdit ?
Je ne peux toujours pas lui répondre et tant mieux, j'ai très envie de l'envoyer balader. Qu'il s'estime heureux que je vienne le chercher, il n'avait qu'à regarder où il mettait les pieds, pour commencer. Je regarde autour de moi et me rends compte que ma tête est à la hauteur de celle de Riley. Il me regarde, à l'envers, c'est très étrange. Il est tout rouge et une veine apparait sur son front, toute gonflée. Je remarque aussi que son tee-shirt n'est pas resté en place, il s'est relevé et découvre son torse musclé, ma mâchoire s'en décrocherait presque, mais je ne perds pas ma mission de vue et reviens vite à moi. Je continue de monter et une fois au niveau de la branche, je me glisse dessus et me stabilise. Je rampe comme si j'avais fait ça toute ma vie, comme une experte. Le moment fatidique arrive et j'ai peur que Riley se casse quelque chose. Je m'empare de mon couteau.
— T'es prêt ?
— Est-ce que j'ai le choix ?
— Même pendu à un arbre tu es agaçant. Peut-être que je devrais te laisser ici, après tout.
— Peut-être bien, répond-il.
— D'accord, je vais te laisser ici.
Je ne comprends pas son comportement, ça ne lui arrive jamais d'être agréable ? On dirait que ça lui coûte énormément, que ça lui fait mal, ou quelque chose dans le genre. Nous restons quelques secondes à ne rien dire, s'il veut jouer, on va jouer, ce n'est pas moi qui suis pendue à un arbre.
— Lily...
— Quoi Riley, besoin d'aide peut-être ? je demande avec un sourire torve.
— Ouais, ce ne serait pas de refus. Je te propose un truc : tu me détaches et après, on se disputera autant que tu le voudras.
Je n'ai aucunement envie de me disputer avec lui. Le problème avec Riley, c'est qu'on dirait qu'il se fiche de tout, que rien ne le touche. Je me demande s'il était aussi peu agréable dans son ancienne vie, avant de se retrouver bloqué ici avec moi. J'approche le couteau de la corde et commence à la tailler, elle s'effile petit à petit. D'un coup, le corps de Riley tombe au sol dans un fracas, je me retrouve seule sur la branche. Je reste focalisée sur lui, je veux le voir bouger, il faut qu'il me dise qu'il n'a rien de cassé.
— Est-ce que tout va bien ?
Il ne répond pas et ne bouge même pas. J'espère qu'il n'est pas mort.
— Riley ?
— Ouais c'est bon, rien de cassé, maugréé-t-il.
Je le vois rouler au sol et se relever. Il touche son corps, pour évaluer les dégâts et gémit lorsque sa main touche son épaule. Je suis contente d'avoir réussi à le sauver, pour une fois que c'est moi. Un point crucial vient cependant interrompre ma bonne humeur. Comment je vais redescendre ?
— Comment je redescends ? je m'exclame.
— C'est toi la pro des arbres, tu devrais savoir !
— Ce n'est absolument pas drôle, Riley !
Je sens que si je tente de redescendre par le tronc, je vais y glisser tout du long et me brûler les mains, peut-être même bien tomber violemment au sol.
— Je vais te rattraper, me crie Riley.
— Pas question. Je ne sauterai pas de cette branche.
— J'en suis tombé et je ne suis pas mort. Fais-moi confiance, saute.
Je suis montée mais maintenant, je ne sais pas comment descendre. J'ai une soudaine peur du vide et j'ai l'impression que jamais je ne réussirai à descendre de cet arbre. Peut-être que maman aurait pu ajouter à sa liste que je n'ai pas le droit de grimper aux arbres, je n'aurais pas dû y monter.
— Saute, me dit-elle.
Elle veut que je saute de cette branche ? Elle me tend les bras d'en bas et je ne sais pas si j'y atterrirai. J'ai peur de tomber et de me faire mal.
— Fais-moi confiance, ajoute-t-elle.
Alors je me déplace sur ma branche et finis par m'y tenir à bouts de bras. Mon corps léger pend au-dessus du vide. Maman m'encourage à sauter mais moi, je suis persuadée qu'il y a plusieurs mètres de hauteur et que je vais me faire un bobo. Sans réfléchir, je ferme les yeux et lâche la branche. Le temps que je passe à chuter dans les airs est plutôt court et je me retrouve rapidement dans les bras de maman qui m'a réceptionnée, comme promis.
Je me déplace sur ma branche et finis par m'y tenir à bouts de bras. Mon corps pend au-dessus du vide. Riley dit qu'il va me rattraper mais vu le nombre de mètres qui me séparent du sol, je suis sûre que je vais me casser quelque chose. Je doute qu'il me rattrape aussi aisément que ma mère l'a fait. J'arrête de réfléchir, ça ne sert à rien de toute façon. La seule manière de savoir si je vais me faire mal, c'est d'essayer. Alors je lâche la branche et la chute me parait interminable. Je finis par rencontrer le corps de Riley, mais je ne suis pas sûre qu'il m'ait réceptionnée comme prévu.
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