Chapitre 40
RILEY
Ça fait maintenant un petit moment que je marche et je m'attendais à ce que Lily se décide à me rejoindre. Je pensais que mon départ allait lui provoquer un choc et qu'elle allait se rendre compte qu'elle faisait n'importe quoi. Sauf qu'elle n'est pas venue, elle a préféré rester là-bas et c'est son choix, elle a décidé de mourir. Moi, j'ai décidé de vivre et je compte bien y parvenir.
Je détaille la carte depuis tout à l'heure, je suis impressionné par sa taille. Il y a dessus des écritures qui sont délavées maintenant, c'est quasiment illisible. Par contre, je distingue très bien les gribouillis rouges de Kyle. Tout au nord de la carte, un lieu est entouré au feutre rouge, il est écrit « Base » à l'intérieur de ce rond. Au sud-ouest, il y a une encoche bleue, je suppose que c'est l'endroit d'où nous sommes partis. Le chemin qui relie les deux points est tracé par du feutre rouge. Tout au long de ce trait qui parcourt la carte de bas en haut, il y a des numéros. Je ne comprends pas à quoi ils correspondent et je me demande où je me situe sur la carte. Je regarde autour de moi pour examiner mon environnement mais les informations que mes yeux me renvoient n'ont rien à voir avec le peu d'informations qui se situent sur la carte délavée. À ma droite se situe un arbre dont la couleur m'attire. Sur son tronc, il y a un numéro écrit en blanc, je me demande comment j'ai fait pour ne pas remarquer ça plus tôt, est-ce le seul arbre marqué de cette forêt ? J'observe le 32 qui décore l'arbre et mon attention se reporte sur la carte. Je regarde un peu mieux le papier que j'ai entre les mains et lis les chiffres qui longent la ligne. Tout en bas, il y a le numéro 1. Tout en haut, il y a le numéro 50. Je lis le reste et je trouve le 32, se situant aux trois quarts du trait. Si les arbres sont marqués afin de servir de repère, ça signifie que je suis aux trois quarts du trajet. C'est une bonne chose. Je me mets à sourire comme un abruti. J'aimerais faire demi-tour et raconter ma découverte à Lily, lui dire que nous sommes bientôt arrivés, mais je me rappelle qu'elle a décidé de rester seule et qu'elle préfère se passer de moi.
Alors que je marche, j'entends un bruit provenant du ciel. Ça ressemble à un petit moteur ou à quelque chose d'autre que je ne peux identifier. Ça vibre et ça circule mais je ne vois rien à cause des arbres qui montent trop haut, comme s'ils voulaient toucher le ciel. Un autre bruit me surprend, provenant du sol cette fois-ci. J'espère que je ne vais pas me faire attaquer dans tous les sens, ça craindrait vraiment pour moi. Je me retourne et m'arrête presque de respirer pour écouter mon environnement. La chose dans le ciel continue de se manifester, parfois plus au-dessus de moi, parfois plus éloigné. Les sons terrestres, eux, ressemblent à du bois qui craque ou des feuilles qu'on bouge. Ça ressemble surtout à un intrus auquel je vais retirer la vie d'ici quelques minutes.
Je tends mon arme devant moi, je me sens épié.
— Sors de ta cachette ! j'ordonne.
Personne ne sort de sa cachette, je commence à me demander si je ne suis pas fou et si je ne serais pas en train de me taper un délire tout seul.
— Je te préviens, je suis armé !
Je tourne sur moi-même pour tenter de surprendre quelqu'un mais je ne vois rien, quelqu'un devrait penser à couper un peu ces feuillages. Du bruit provient de l'arrière, je me retourne, braquant mon arme sur la personne qui est enfin sortie de sa cachette. Lily se tient devant moi, un pauvre sourire plaqué sur son visage. Elle compte m'amadouer avec ça ? Je baisse mon arme et la coince dans mon pantalon. Je ne cherche même pas à comprendre ce qu'elle fait là, je me doute bien qu'elle a changé d'avis et qu'elle a fini par me suivre. Je continue de marcher, plus vite on arrivera, mieux ce sera. Lily est une fille compliquée, elle ne sait pas ce qu'elle veut. Elle me crie dessus et ensuite, elle revient avec un sourire pathétique en pensant que ça effacera tout. Elle ne fait que m'excéder depuis que je l'ai rencontrée, grâce à elle je me rends compte que je suis doté d'une grande patience, chose que j'ignorais. Ce qui est un comble bien sûr, puisque j'ignore tout de moi à vrai dire.
Alors que j'avance, elle me rattrape, marchant désormais à mes côtés.
— Tu m'en veux ? me demande-t-elle.
Est-ce que tu te fous de moi ? C'est sincèrement ce que j'ai envie de lui répondre. Sauf qu'elle a vécu pas mal de traumatismes ces derniers jours, alors je vais essayer de me contenir, il faut bien une personne saine parmi nous pour nous amener à destination. C'est pour cette raison que je décide de ne pas lui répondre. De toute manière, on ne peut pas dire que je lui en veux, je ne comprends juste pas pourquoi on n'arrive pas à s'entendre.
— Écoute Riley, je suis désolée. Je suis vraiment désolée.
— C'est bien.
Nous dépassons désormais l'arbre numéro 33, j'espère qu'ils vont passer vite. J'espère que dans l'endroit où nous allons il y aura du monde, que Lily trouvera des personnes à qui parler et que je n'aurai plus à me la coltiner. Attendez, est-ce que je viens vraiment de penser ça ? Riley, t'es qu'un con, me dit mon subconscient. Ouais, je ne suis qu'un con, c'est vrai. Peut-être que je suis trop dur avec elle, mais peut-être aussi qu'elle l'a bien mérité.
Nous marchons dans le silence, je n'ai pas envie de parler avec Lily pour l'instant et je pense qu'elle l'a compris. Nous avons dépassé l'arbre 40 et mon ventre se tord de plus en plus. Et s'ils ne nous acceptaient pas ? Et s'il n'y avait plus personne ? Je dois penser à autre chose, ce scénario ne peut pas arriver. Alors que je marche, je sens quelque chose me serrer violemment la cheville, puis la seconde d'après, je suis éjecté dans les airs et pendu par un pied. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? J'ai la tête pendue dans le vide, mon pied est accroché à une corde. En bas, je vois Lily, la tête levée qui me regarde. Pourquoi est-ce que ces gens ont des dispositifs aussi dangereux dans leur forêt ?
— Aide-moi à descendre ! je crie.
— Et comment je fais ?
Je n'ai aucune idée de comment elle pourrait s'y prendre, tout ce que je sais, c'est que je suis pendu par le pied à un arbre et que le sang commence à me monter à la tête. J'essaye de me soulever pour m'emparer de la corde qui entoure ma cheville mais plus je bouge, plus la corde se resserre et plus je suis prisonnier. Je ne sais pas comment ce nœud est fait, mais une chose est sûre, je ne pourrai pas le retirer. Il faut que Lily coupe la corde et la chute sera douloureuse à coup sûr. Encore faudrait-il qu'elle ait envie de me libérer.
Je la vois fouiller dans le sac qu'elle portait sur son dos. Elle s'empare d'un couteau et là, je sens que je vis mes dernières minutes. OK, elle était super impressionnante quand elle a planté son couteau dans le dos du type tout à l'heure mais là, je ne le sens pas.
— Qu'est-ce que tu fais ? je m'inquiète.
— Je vais couper la corde.
— Et comment tu vas t'y prendre ?
— Fais-moi confiance !
J'aimerais tellement lui faire confiance, le fait est qu'elle a l'air douée pour tuer des gens avec un couteau. Je repense à la manière dont elle a tué l'autre, on aurait dit qu'elle avait fait ça toute sa vie. Elle lui a enfoncé cette lame avec tellement de précision, son visage n'a même pas été transformé par la peur ou le dégoût ; je devrais lui en parler quand je serai descendu de cet arbre. Si j'en descends. Elle se met à agiter son bras. Ne me dites pas qu'elle est en train de faire ce que je pense qu'elle fait. Ne me dites pas qu'elle est en train d'évaluer la trajectoire pour balancer ce couteau en espérant qu'il coupe miraculeusement la corde. Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions, elle lance le couteau d'une force que je ne lui soupçonnais pas, il frôle mon visage de peu.
— Putain mais t'es malade ! Arrête, tu vas me tuer !
Elle ne me répond pas, récupère son couteau et tente sa chance une seconde fois. Je ne vois pas par où passe le couteau mais il retombe par terre. Je suis toujours pendu à l'arbre, ma tête commence à tourner, je commence à être à cran.
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