Chapitre 33

KYLE

C'est le grand jour. J'ai passé la nuit à peaufiner mon plan, il est maintenant tout tracé, je sais exactement ce que je vais faire et je crois que je n'ai jamais pris autant de risques de toute ma vie. Ça en vaut la peine, je n'aime pas être ici, ni avoir à obéir aux ordres de Jordan ou de ce chef complètement taré. Je préfère prendre des risques et y laisser ma vie même si ça ne marche pas, c'est une mission suicide mais nous en avons besoin. Il faut que je sorte d'ici et il faut que je libère Lily et Riley. Même s'il me tape sur les nerfs, il ne mérite pas tout cela.

J'ai dévalisé ma chambre et fait mon sac, j'y ai mis tout ce que j'avais de plus important. Je n'emporte pas de vêtements, je sais qu'ils en ont là où l'on va, autant ne pas s'encombrer. J'ai pris quatre couteaux et trois armes à feu sans oublier les munitions, mon sac est déjà bien lourd et rempli. J'espère que ces armes de poing feront l'affaire, je n'ai pas la place de transporter plus gros et voler à l'armurerie, pour cela je devrais abattre trois hommes et désactiver les cinq caméras qui surveillent la pièce. J'ouvre le tiroir de ma table de chevet et j'empoigne mon arme fétiche, celle que je ne prêterai à personne. Je la coince dans mon pantalon et la recouvre de mon tee-shirt.

Je vérifie que j'ai bien la carte dans ma poche et sors de ma chambre avec un autre sac à dos, vide, en espérant ne pas tomber sur Jordan, ce serait le pire qui pourrait m'arriver. La prochaine étape consiste à prendre de la nourriture, le plus facile. Après ça, il restera quatre étapes. Je me déplace dans les innombrables couloirs et finis par arriver dans le cellier. Betty est là, à trier les conserves, elle m'adresse un sourire lorsque je pénètre dans son espace de travail.

— Betty, on t'appelle en cuisine, je lui dis.

— Quoi, encore ?

— Ouais, encore.

— Ils ne peuvent pas se débrouiller seuls ?

— Tu ferais mieux d'aller voir, ça a l'air important.

— Je ne peux pas quitter mon poste.

— Je peux rester là en attendant, si tu veux.

— Mais... c'est ton jour de repos...

— Ça me fait plaisir Betty, j'insiste avec un regard intense dans sa direction.

Elle baisse les yeux, se met à rougir et replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille. En plus d'avoir un faible pour moi, Betty est vraiment influençable et tout le monde le sait, c'est d'ailleurs pour cela qu'elle ne gère que le garde-manger.

— Ok, je vais y aller et euh... merci Kyle.

— De rien, Betty.

Elle s'en va, je suis désormais seul dans la pièce et heureusement qu'elle n'est pas équipée de caméras, il n'y a jamais eu de problème ou de vol ici. Il y a juste Jordan qui s'amuse à se servir à sa guise, mais il accuse Betty de mal faire l'inventaire, alors elle se fait réprimander à chaque fois. Je m'active entre les différents rayons et me dirige vers les étagères qui m'intéressent, c'est-à-dire tout ce qui peut se consommer sans être cuit. Je dois me dépêcher car elle va arriver d'une minute à l'autre et me dire que personne ne l'a appelée. Elle va avoir des doutes, alors je devrai ruser, m'enfuir avant qu'elle n'arrive aiguiserait encore plus ses doutes, elle irait prévenir tout le monde.

Je prends autant de bouteilles d'eau que mon sac me le permet, j'y mets aussi une bonne vingtaine de barres de céréales, ainsi que beaucoup de pain et des bouteilles de compléments alimentaires. Je m'arrête là, évasion ne rime pas avec festin. J'attrape une autre barre que je glisse dans ma poche.

Betty revient assez rapidement dans la pièce, je l'attendais là où elle m'a laissé.

— Kyle, personne n'avait besoin de moi en cuisine, pourquoi tu m'as dit ça ? me crie-t-elle.

— Désolé...

— Qu'est-ce que t'as volé ?

Je ne lui réponds pas, alors elle tâte mes poches et elle sent qu'il y a une barre à l'intérieur, elle la sort violemment. Elle l'agite devant mes yeux.

— Pourquoi t'as pris ça ?

— Écoute, j'ai faim, j'ai vraiment la dalle et j'ai épuisé mon stock de barres de la semaine.

— Et alors, t'avais qu'à mieux gérer tes ressources. Je vais te faire un rapport de vol, fallait pas me prendre pour une idiote.

Elle s'empare de la feuille de rapport et d'un stylo, je pose ma main sur la sienne avant qu'elle ne commence à écrire.

— S'il te plait, ne fais pas ça..., je lui demande de ma voix la plus convaincante possible.

— Et pourquoi je ne ferais pas ça ? Jordan me prend déjà assez pour une débile, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !

— Écoute Betty, je suis vraiment désolé, je ne recommencerai plus jamais. Je ne sais pas ce qui m'a pris, je t'aime bien tu sais.

— Ouais, moi aussi je t'aime bien Kyle, me répond-elle avec un sourire timide.

— Alors range cette feuille, je lui dis en lui caressant la main du pouce.

Elle me regarde dans les yeux, l'air hypnotisée, cette mission est presque trop facile, tout se déroule exactement comme je le voulais. Je retire ma main de la sienne et elle abandonne son stylo pour ranger la feuille dans un tiroir.

— T'as pris autre chose ? me demande-t-elle.

— Rien d'autre. Tu peux me fouiller, si tu veux.

— C'est bon Kyle, je te crois. Allez va-t'en.

Je lui adresse un dernier sourire et m'en vais, mon butin remplissant mon sac à dos. Maintenant, les choses vont se corser, les quatre étapes qu'il me reste nécessitent le plus de rapidité et de vigilance possible.

En premier lieu, je dois désactiver les caméras. Je ne veux pas qu'on m'interrompe dans mon plan, autant couper les images. Je sais que personne ne s'en rendra compte, j'ai regardé l'emploi du temps de tout le monde sur la fiche de postes et personne n'a pour mission de surveiller les images. Elles sont là juste pour faire peur, j'en suis certain. Je me rends vers la pièce de surveillance et des dizaines d'écrans se dressent devant moi. J'y vois la retransmission en temps réel des couloirs, des sanitaires, des différentes cellules, l'extérieur et même l'intérieur des véhicules. Je m'approche de l'écran sur lequel apparait la cellule de Lily, elle est allongée sur le sol et ne bouge pas. Ça me crève le cœur de la voir à même le béton, c'est pour ça que je voulais la garder avec moi.

La table de contrôle est munie d'un nombre incalculable de boutons carrés. Ils sont colorés, certains sont gris, verts et d'autres encore sont bleus. Il n'y a aucune inscription dessus et je voudrais désactiver les endroits qui m'intéressent uniquement, mais essayer de comprendre l'utilisation de ces boutons serait une grosse perte de temps. Je regarde toute la table et trouve un bouton, plus gros que les autres et rond. Celui-ci est éclairé d'une lueur rouge, je suis sûr que c'est le plus important de tous. Je prends une profonde inspiration et j'appuie dessus. Un message s'affiche sur tous les écrans en même temps « surveillance désactivée ». Je me demande si ça a aussi coupé les micros mais je vais me passer de ce détail, j'ai d'autres choses à faire.

Je sors en trombe de cette salle mais je me calme instantanément, je ne dois pas laisser l'adrénaline en moi me guider, mais rester calme et naturel. Je me dirige à présent à l'extérieur, vers les garages. Personne ne contrôle ce que je fais, étant donné que c'est mon jour de congé. En arrivant dehors, je me rends compte qu'il fait déjà nuit, je n'avais pas vu la journée passer. J'arrive rapidement dans le parking, là où sont entreposés tous les véhicules. Je croise Daniel, armé de son fusil.

— Kyle, qu'est-ce que tu fais là ? me demande-t-il.

— Je suis en congé. J'ai le droit de sortir.

— Je demandais par simple curiosité...

— J'ai oublié un truc dans ma voiture.

Il m'adresse un signe de tête et j'avance jusque ma voiture. Je vérifie qu'il ne me surveille pas et suis rassuré de voir qu'il parle avec un type qui vient d'arriver. Je m'accroupis à côté de l'auto, j'en tâte le dessous et une fois que je mets la main sur une grosseur rectangulaire, je tire dessus pour la retirer. Je jette un œil à ce que je tiens dans ma paume, le traqueur — il y en a un aimanté sous chaque voiture. Je le place sous la voiture d'à côté, elle est maintenant équipée de deux traqueurs. J'entre dans ma voiture et je décroche le dispositif de surveillance, une caméra aussi petite qu'une coccinelle, je la casse en deux et la glisse dans ma poche. Je cherche le micro, il est placé sur le plafond, à côté de l'éclairage. Je le décroche également et le brise lui aussi. Maintenant que ma voiture est déséquipée, je vérifie si j'ai assez d'essence et je suis heureux de constater que le réservoir est plein.

Il ne reste plus que deux étapes mais leur temps n'est pas encore venu. Je vais vers le fond du parking pour récupérer un petit bidon d'essence que je range dans mon sac à dos. Je retourne en direction de ma chambre, il est minuit. Mes deux paquetages sont par terre, ils sont prêts. Normalement, Jordan a fini sa journée, il n'est jamais ponctuel pour commencer à travailler mais quand c'est pour s'arrêter, il l'est toujours.

Ça fait trois heures que je suis assis sur mon lit à me répéter inlassablement le plan dans ma tête. C'est le moment d'agir, à l'heure qu'il est, tout le monde doit être en train de dormir. Je m'empare de mes deux sacs et sors de ma chambre. Les couloirs sont silencieux et je ne sais pas où sont les personnes qui sont en charge de la garde nocturne, mais la troisième étape commence. Je me dirige vers la salle à manger, elle est déserte. Je prends le bidon d'essence et en verse par terre, je fais la même chose dans le couloir qui y mène. Quand je laisserai tomber mon briquet par terre et que les flammes se déchaineront, j'activerai l'alarme pour attirer tout le monde ici. Le réfectoire est la plus grande salle, ils vont mettre du temps à l'éteindre, je sais pertinemment qu'il n'y a pas assez d'extincteurs. J'aurais pu assommer les gardes et récupérer Lily et Riley mais non, ce plan n'était pas envisageable, car je ne sais pas qui traine dans les couloirs, qui est réveillé. J'ai besoin d'attirer tout le monde dans un seul et même endroit, qu'ils oublient les prisonniers et qu'on puisse s'enfuir pendant la cohue.

Dernière étape, la plus décisive. Je dois récupérer Lily et Riley le plus vite possible et leurs cellules sont éloignées l'une de l'autre, elles ne font même pas partie des mêmes sections. La première sur mon chemin sera celle de Riley, celle de Lily se trouve proche de la sortie. Je laisse le bidon par terre, il fondra de toute façon. Je m'empresse de sortir mon briquet et l'ouvre, la flamme danse, dangereuse. Je le jette dans l'essence, le feu se propage à une vitesse impressionnante, tout le couloir et toute la salle s'embrasent rapidement. Une chaleur soudaine se propage, le crépitement des flammes se fait entendre. Je cours vers l'alarme et l'active, un son strident brise le silence, j'entends déjà des pas arriver.

Je me mets à courir en direction de la cellule de Riley, j'espère qu'il se tiendra prêt comme je le lui ai demandé.

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