Chapitre 29
LILY
Depuis que je suis dans la chambre de Kyle, je ne me sens plus comme une prisonnière et je m'en veux vis-à-vis de Riley. Kyle s'en est allé après que je me sois calmée, il m'a laissée seule et ne m'a même pas attachée. J'ai profité de son absence pour fouiller mais je n'ai rien trouvé de concluant. Enfin, j'ai trouvé un révolver que j'avais coincé dans mon pantalon, cachant ce qui en dépassait avec mon tee-shirt. Puis, je me suis rappelée que Kyle était de notre côté et que ce n'était pas la peine de lui voler son arme. Et puis de toute façon, je ne suis pas certaine qu'elle soit chargée et je ne sais pas m'en servir, alors je l'ai reposée où je l'ai trouvée et je me suis rallongée sur son lit. J'entends la porte se déverrouiller, je ne bouge pas.
— Lily ?
Je me dresse d'un coup en entendant cette voix, je n'ai pas pu rêver. Une fois assise sur le lit, je vois que Kyle n'est pas seul, il tient Riley par l'épaule et ce dernier a les doigts enfoncés dans une plaie au niveau de son torse.
— Riley ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? je lui demande affolée.
— Lily, libère le lit, me dit Kyle.
Je me lève instantanément et le regarde installer le blessé dessus. Riley me fusille du regard, il arrive à être hargneux même lorsqu'il a un trou dans le torse, c'est impressionnant. Kyle farfouille dans un placard, Riley me fixe toujours avec autant de haine.
— Quoi ?
— Je te croyais morte ! Je te croyais morte et toi pendant ce temps-là, t'étais confortablement installée dans ce lit ! crie-t-il. Ça doit être plutôt agréable pour toi la vie de prisonnière.
— Riley, je n'ai absolument pas demandé à être ici.
— Et pourquoi ton mec me soigne ? Je veux dire, c'est un enfoiré !
— C'est pas mon mec !
— Alors qu'est-ce que tu fous dans son lit ? Je m'inquiétais pour toi mais finalement, t'as trouvé la meilleure des tactiques qui consiste à se rapprocher de l'ennemi, bravo Lily, je n'imaginais pas ça de toi.
Kyle revient avec les mains pleines, il en dépose le contenu sur le matelas à côté de Riley. Je comprends de quoi ça a l'air, je comprends qu'il puisse me prendre pour une traitre. Le fait est qu'il n'est pas encore au courant que Kyle va nous aider à sortir d'ici et que de plus, je n'ai pas demandé à être là — Kyle refuse tout simplement que je retourne à ma cellule pour l'instant. Mais Riley a raison, je n'aurais jamais dû bénéficier d'un traitement de faveur, dont je ne voulais même pas d'ailleurs.
— Bon Riley, maintenant, tu vas doucement retirer tes doigts, lui dit Kyle.
— Non, je vais enlever cette foutue balle tout seul.
La vue de Riley qui écarte légèrement ses doigts dans sa plaie, en lui provoquant une horrible grimace qui déforme ses traits me donne des hauts le cœur. De la sueur perle sur son visage humide et blême, même ses cheveux en sont trempés. Si je comprends bien, il s'est fait tirer dessus, probablement par Jordan.
— J'ai du matériel exprès pour ça, lui dit Kyle. Enlève ta main tout de suite !
Riley ne l'écoute pas et son visage est toujours en train de se déformer. Kyle a l'air complètement dépassé par la situation, il se lève soudainement et ouvre un tiroir duquel il sort une arme, celle que j'ai voulu lui subtiliser plus tôt. Je me demande ce qu'il compte en faire, jusqu'à ce qu'il m'encercle le cou de son bras et que je sente le métal glacé sur ma tempe droite. Kyle est ridicule, ça ne fonctionnera jamais, ce n'est pas comme ça qu'il va menacer Riley, parce que Riley n'en a rien à faire de moi, il ne se préoccupe que de lui.
— Tu retires tes doigts, tout de suite, lui dit Kyle.
— Tu ne vas pas tirer sur Lily, ne me prends pas pour un débile, lui répond-il.
Kyle ne lui répond pas mais j'entends qu'il actionne le chien de l'arme, il est prêt à tirer.
— Il est chargé, lui précise-t-il.
— Vas-y, tire, lui dit Riley.
Je sens que Kyle tremble, il n'est pas maitre de ce qu'il fait et il a perdu le contrôle ; Riley sait très bien qu'il ne me tuera pas.
— Alors Kyle, fais-lui exploser la cervelle, t'attends quoi ? Je te regarde.
Kyle me relâche et pose son arme sur la table de chevet. Il secoue la tête et cherche de nouveau dans un tiroir pour en sortir des menottes. Il se tourne vers moi et me chuchote à l'oreille :
— Quand j'enlève sa main, tu prends le linge et tu compresses sa plaie, compris ?
Il éloigne son visage de mon oreille et plonge ses yeux dans les miens, je lui réponds en un regard. Il se dirige vers Riley et attache sa main gauche qu'il a attrapée de force à un barreau du lit. Quant à la deuxième, celle qui bouche le trou, il l'attrape, Riley pousse un cri de douleur lorsque ses doigts sortent de la plaie, Kyle lui attache cette main à une autre paire de menottes qui finit elle aussi liée à l'encadrement. Riley est menotté, il ne peut plus rien faire. Je me précipite aussitôt vers lui et lui bouche la plaie à l'aide du linge blanc, comme me l'a indiqué Kyle. Je suis dépitée de le voir ainsi, je comprends sa colère, mais son côté puéril à vouloir se mettre en danger juste pour ne pas obéir à Kyle est tout bonnement ridicule. Riley est ridicule.
Kyle s'empare de pinces en métal, je retire le linge de la plaie et il insère l'outil dans le trou où est logée la balle, dans un bruit écœurant. J'essaye de ne pas regarder, je me focalise sur le visage de Riley, il transpire encore plus et est plus blanc que le linge avant qu'il soit imbibé de son sang. Il est crispé et a les yeux grands ouverts, il se débat comme s'il pensait qu'il arrivera à libérer ses mains des menottes. Ça me fait de la peine de voir Riley souffrir ainsi, alors je fais quelque chose qui me surprend moi-même, je pose ma main sur sa tête et lui caresse les cheveux. Il semble surpris par mon geste puisqu'il arrête instantanément de lutter, il plonge ses yeux sombres dans les miens. C'est un peu gênant au début mais je soutiens son regard, ça a l'air de le calmer. Je reste ainsi tout le temps nécessaire, je lui dois bien ça.
— C'est bon, dit Kyle.
Je retire ma main des cheveux de Riley et constate que sa blessure a été recousue et pansée. Kyle se lève, nettoie et range son matériel.
— Merci, lui dit faiblement Riley.
Kyle lui adresse un signe de tête, lui tend des médicaments qu'il s'empresse d'avaler et se plante devant nous.
— Écoutez, on devrait en profiter pour parler, dit-il. On n'a pas beaucoup de temps.
— Tu as trouvé une solution ? je lui demande.
— Presque, j'y travaille encore.
— Je peux savoir de quoi vous parlez ? demande Riley les yeux à demi clos. Et tu pourrais me détacher de ton lit ? En d'autres circonstances ça m'aurait plu mais là... c'est un peu étrange.
— Kyle va nous aider à sortir d'ici, je réponds.
— Qui, lui ? demande Riley en riant.
— Oui lui, celui qui vient de te sauver, je lui réponds agressivement.
— Jordan ne travaille pas après-demain, enchaine Kyle. Il est en congé, ça veut dire qu'il peut rester dans sa chambre, se balader, il n'a aucune obligation, même si c'est urgent. Je vous rassure, il passe son temps libre avec Sara, ils boivent comme des trous et se défoncent.
Riley et moi nous regardons, de quoi parle-t-il ?
— Ah oui, j'avais oublié ce détail, dit Kyle pour lui-même. Vous n'avez jamais vu de produit inhibitoire... Oubliez. C'est le jour parfait pour fuir. Je dois me débrouiller pour que le couloir soit désert au moment où on s'en ira et...
— Attends, le coupe Riley, tu viens avec nous ?
— Tu penses vraiment que je vais vous aider à partir mais que je vais rester ici ? Je ne suis pas suicidaire.
— Super, marmonne Riley.
Je le fusille du regard, son comportement commence vraiment à m'excéder et c'est toujours comme ça avec lui. Quand je suis à ses côtés, il m'énerve et lorsqu'il est loin de moi, je m'inquiète pour lui. C'est totalement illogique et contradictoire.
— Et une fois dehors, on ira où ? demande Riley avec un air de défi dans la voix.
— Une fois dehors, je sais exactement où aller. Je ne peux pas vous en dire plus, je vous expliquerai ça sur le chemin.
— Est-ce qu'il est sûr, ton endroit ? je demande, subitement inquiète.
— Il n'y a pas plus sûr. C'est là d'où je viens à vrai dire, je connais du monde là-bas. Il y a des gens..., commence-t-il avant de laisser sa phrase en suspens.
— Des gens ? répète Riley.
— Des gens comme vous. Vous trouverez toutes les réponses à vos questions.
Je reste interdite. Qu'est-ce que ça veut dire, des gens comme nous ? Est-ce que Kyle est en train de dire que notre cas n'est pas isolé, que nous ne sommes pas les seuls à nous être mystérieusement réveillés dans cette forêt ? Et pourquoi ces gens auraient-ils les réponses à nos questions ? J'en ai tant à lui poser mais Jordan se tient dans l'embrasure de la porte, les bras croisés, un sourire narquois aux lèvres.
— Ok, commence-t-il. Kyle, je comprendrais que tu aies envie de passer du temps avec Lily, y'a pas énormément de filles ici et puis c'est vrai qu'elle est plutôt bien foutue. Mais de là à attacher Riley à ton lit... Tu me surprendras toujours.
Kyle lève les yeux au ciel et Riley ronchonne. Moi, je réprime un sourire, c'est vrai que voir Riley torse nu et menotté au lit de Kyle peut être mal interprété.
— Pourquoi tu lui as tiré dessus ? lui demande Kyle.
Jordan avance dans la chambre, pose sa main sur son épaule et la compresse.
— Tu sais Kyle, il faut les dresser, les prisonniers. Sauf qu'ils me donnent du fil à retordre parce que tu leur donnes l'impression qu'ils sont dans un camp de vacances. Tu m'expliques pourquoi Lily n'a pas les mains ligotées alors que ton flingue est à quelques centimètres d'elle ? Tu m'expliques pourquoi Riley est menotté dans ton... non ça je ne veux pas le savoir, en fait.
— Jordan, ferme-la. Je répare juste tes conneries, j'ai deux prisonniers sur les bras, dont un blessé par balle. Balle que tu lui as tirée d'ailleurs.
— Lily retourne dans sa cellule, dit Jordan en m'attrapant le bras. Je te laisse l'autre abruti, ça a l'air de te faire plaisir, ajoute-t-il avec un clin d'œil en direction de Kyle.
Jordan serre son étreinte plus fort sur mon bras et m'emmène, sans même prendre la peine de me bander les yeux. C'est la première fois que je circule dans ces couloirs sans le bandeau – à part quand je me suis enfuie. Peut-être qu'il me laisse voir les couloirs parce qu'il compte me tuer. Des scénarios se forment dans ma tête, je crois que je deviens paranoïaque. Je profite de cet avantage pour visualiser l'environnement qui m'entoure, mais tout ce que je vois, ce sont des murs sombres, des portes et des couloirs.
— Tu as raison ma jolie, observe bien, me dit Jordan.
— Pourquoi je n'ai pas les yeux bandés ?
— C'est une très bonne question, répond-il. Prends ça comme un acte de bonté de ma part.
— T'es qu'un con, je te déteste ! je lui dis, subitement énervée.
Je ne sais pas ce qui me prend. Premièrement, Jordan ne m'a rien fait de particulier en cet instant. Ensuite, je n'ai pas l'habitude de parler comme ça, je pense que Riley déteint sur moi. Jordan rit à mon attaque.
— C'est qu'elle se dévergonde, la petite !
— Va te faire voir.
— Lily... Il me reste des balles pour toi, si tu veux.
Nous arrivons à ma cellule, Jordan l'ouvre et me pousse à l'intérieur. Il y entre avec moi et nous enferme dedans. Il s'approche de moi, alors mon réflexe est de reculer, jusqu'à ce que je sente le mur froid contre mes omoplates. Bientôt, Jordan se tient bien trop près de moi et je sens son souffle mentholé contre ma peau
— Alors, tu fais moins la maligne ? Je vais t'expliquer un truc ma chère Lily. Ici, je ne suis pas vraiment le chef mais c'est tout comme. Tout le monde fait ce que je lui dis et je ne vois pas pourquoi tu ne te plierais pas à la règle. C'est moi qui domine ici, tu comprends ?
Je ne lui réponds pas, alors il attrape ma mâchoire de sa main puissante et serre un peu trop fort.
— Je te préviens, je vais te prendre du sang. Si tu bouges, si tu tentes quoi que ce soit ou si tu résistes, ça va mal se passer pour toi. Dis-moi que tu ne feras rien de bête.
— Je ferais quelque chose de bête en te disant que je ne ferai rien de bête...
— OK, on va jouer selon tes règles Lily, t'as gagné.
Il sort un couteau de sa poche et en place sa lame au-dessus de mon nombril. Il fait glisser légèrement la lame du couteau sur mon tee-shirt et l'arrête au niveau de mon sternum. Il appuie légèrement dessus, je sens que la pointe veut s'insinuer en moi mais ma peau ne la laisse pas encore faire.
— Ici ? chuchote-t-il dans mon oreille.
Il déplace la lame en la faisant monter un peu plus, il l'arrête cette fois au niveau de mon cœur.
— Ou ici ? demande-t-il. Il y a un autre endroit que j'aime beaucoup, je vais te le montrer.
Il fait glisser la lame jusque sous mon menton, c'est très désagréable. Il me fixe intensément et m'adresse un sourire satisfait. Cet homme a l'air plus fou qu'autre chose, c'est ce qui le rend dangereux. Je me demande ce que cette Sara peut bien lui trouver.
— Dis-moi que tu ne feras rien de bête, ma Lily chérie.
— Ok, je réponds.
— Ok, quoi ?
— Je ne ferai rien de bête.
— C'est promis ?
— Promis.
Il m'adresse un sourire sadique et éloigne son couteau de moi. À vrai dire, je n'ai pas peur de Jordan, il joue un rôle tout simplement ridicule pour se sentir invincible, je pense qu'il doit avoir un complexe d'infériorité ou quelque chose du genre. Je lui ai dit ce qu'il avait envie d'entendre pour qu'il me laisse tranquille, et puis de toute façon, dans deux jours on s'en va, autant faire semblant pendant ce temps. Il sort une seringue de sa poche et me prend mon sang de la même manière que les autres fois.
— Vous n'en avez pas assez eu avec trois flacons ? je demande.
— Ça c'est pour moi, répond-il.
— Tu vas faire quoi avec mon sang ?
— Des expériences. Il se peut que je revienne en chercher. Reste dans les parages au cas où, ajoute-t-il avec un clin d'œil.
L'humour de Jordan me laisse pantoise. Je ne sais même pas comment réagir à tant de sincérité. Je me demande à quoi consistent ses expériences et en quoi mon sang lui sera utile. Il sort de ma cellule sans même prendre la peine de me ligoter, il me laisse seule et affaiblie.
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