Chapitre 28

RILEY

Jordan est venu me chercher, m'a jeté dans ma cellule, et a dit qu'il allait revenir, il dit toujours ça. J'ai encore l'image de Lily se faisant torturer en tête, ses cris résonnent en moi. J'aurais voulu l'aider, j'aurais voulu faire quelque chose pour elle, mais je dois garder mon sang-froid et ne pas montrer plus d'intérêt pour elle qu'ils n'en soupçonnent déjà. Désormais, je m'inquiète qu'elle n'ait pas survécu. Quand j'y pense, ils ne me font pas — ou peu — de mal physiquement, et c'est ce qui définit les lâches qu'ils sont après tout, il est bien plus facile pour eux de s'en prendre à Lily qu'à un homme de leur corpulence et qui n'a déjà plus rien à perdre.

Nous ne pouvons pas rester ici plus longtemps et je pense que tous nos espoirs de nous en aller reposent sur mes épaules. Enfin, si Lily est toujours en vie. J'ai inlassablement la vision de sa tête qui tombe mollement vers l'avant. J'ai bien fait de mentir, le chef m'a cru et maintenant, j'ai compris sa tactique. Cet homme se fait respecter en bluffant, il ne vaut pas plus qu'un autre, il joue juste celui qui sait tout mais il a trouvé plus fort que lui à ce jeu. Je ne laisserai jamais un bout de vérité s'échapper, il ne saura jamais rien de ma vie.

La porte s'ouvre violemment, Jordan pénètre dans ma cellule avec un revolver pointé sur moi. Je reste affalé dans le fond de la pièce, il ne me tirera pas dessus je le sais, c'est juste un enfant qui a trouvé un jouet et qui fait le malin. Mon instinct me hurle de le désarmer et de retourner son arme contre lui, je sais que j'y parviendrais, mais après ? Je ne connais pas les lieux et je ne sais pas où est la cellule de Lily. C'est l'occasion rêvée et pourtant, je dois la laisser partir. Je trouverai autre chose. Jordan arbore un sourire qui ne peut laisser présager que de mauvaises choses. Plus ce type est heureux, plus ça craint.

— On va bien s'amuser, me dit-il avec un sourire sadique.

— J'en doute pas une seconde, je lui réponds d'un air blasé.

— Fais le malin, tu rigoleras moins tout à l'heure.

Il range son arme dans la poche arrière de son pantalon et déroule la cordelette qu'il avait accrochée à son poignet, comme un bracelet. Il me jauge, me surplombant de toute sa hauteur.

— Lève-toi, m'ordonne-t-il.

— Je suis fatigué. C'est pas pour dire, mais je ne mange pas grand-chose, on m'a pris mon sang et le sol n'est pas aussi confortable qu'un lit, mais je ne voudrais pas critiquer votre hospitalité.

Il s'accroupit à mon niveau et plisse les yeux. Maintenant qu'il est proche de moi comme ça, je me rends compte qu'il ressemble vraiment à Ben. Mais mon ami n'a pas de frère, il ne l'a jamais mentionné et je sais tout de lui. Il interrompt mes pensées en sortant son arme pour me la pointer sous le menton.

— Tu vas m'écouter attentivement, menace-t-il. Je ne sais pas à quoi tu as décidé de jouer mais je te le répète, pas de ça avec moi. Quand tu verras Kyle, tu pourras te défouler, je veux dire, il se fait bien soumettre par Lily alors tu pourras aussi passer tes nerfs sur lui quand ça sera ton tour. Mais moi, tu me respectes. Tu fermes ta putain de gueule et tu fais ce que je te dis. Parce que tu vois, je ne peux pas encore te tuer, tu l'as bien compris. Mais j'ai tout le droit de te torturer à ma guise, je fais ce que je veux de toi, j'ai pour seul ordre de te garder vivant.

— Pourquoi tu me menaces avec ce flingue alors que tu ne pourras tirer aucune balle ? je lui demande avec un sourire amusé.

— Riley, dit-il en poussant un léger rire et en secouant la tête. Tu commences à me taper sur le système. Lève-toi, tends les mains et ferme ta gueule.

Je reste où je suis, ça m'amuse de le voir impuissant tout en se donnant un mauvais genre alors qu'il n'a aucun droit. Il sourit de plus belle, de toute évidence énervé, pourquoi fait-il semblant d'être amusé ?

— Tu sais, commence-t-il, ce que j'aime le plus depuis que vous êtes ici, c'est torturer Lily. Parce que tu vois, elle est si jolie, si fragile et délicate. Mais elle est à la fois forte et puissante, je peux la briser un million de fois, elle résiste et se régénère. Elle a eu le courage de s'enfuir, alors que toi, tu restes assis dans ton coin à faire le malin. Alors si tu as décidé de ne pas m'obéir, je vais demander à échanger avec Kyle, je préfère mille fois m'occuper de Lily que de toi.

Jordan est vraiment une belle ordure. Il a bien compris quelle est la seule chose qui me rend faible et il s'en sert. Il sait que j'essaye de protéger Lily, même si je me retiens un maximum de montrer mon intérêt envers elle. Cette fois, je ne dis rien.

— Alors, c'est qui Lily pour toi ? Pourquoi tu tiens tant à elle ? T'es amoureux, c'est ça ? Tu sais, Kyle a déjà l'air sur le coup, tu peux laisser tomber.

— Je ne suis pas amoureux d'elle.

— Alors c'est quoi ? Oh, laisse-moi deviner, c'est typique des gosses dans ton genre. Tu veux la protéger parce que tu as perdu quelqu'un.

Je suis déstabilisé, comment a-t-il deviné ?

— Oh, en plein dans le mille ! C'est qui ? Ta mère ? Ton père ?

— Personne.

— Ton frère ?

— Je n'ai pas de frère.

— C'est ta sœur, alors. Ta petite sœur.

Il me fixe de ses yeux froids, contrastant avec son sourire qui est maintenant monté très haut, il a trouvé et il le sait. Mon regard me trahit probablement actuellement, mais j'essaye de contrôler mes émotions un maximum.

— Ta petite sœur est morte. La suite, je la devine facilement. C'est de ta faute et tu t'en veux ?

Je ne peux plus me contenir, ces mots flottaient dans ma tête mais entendre quelqu'un les prononcer – Jordan, de surcroît – me provoque une vague de colère à laquelle je suis obligé de répondre, je vais le démolir. Je me jette sur lui et l'attrape à la gorge, il ne s'y attendait pas, ce qui me confère un avantage. Puis, un coup de feu retentit et une douleur me lancine au niveau du torse. Mes mains ne compressent plus rien, il a repris le dessus, je me retrouve allongé par terre, portant ma main là où la douleur fait rage. Je sens un trou par lequel du sang gluant s'en écoule. Des frissons parcourent mon corps et je n'arrive pas à me relever. J'espère que je ne vais pas mourir, pas pour une balle de Jordan. Il n'a pas le droit de me prendre la vie.

— Il se passe quoi ici ? crie un homme qui vient d'arriver dans ma cellule.

— Légitime défense, dit Jordan en levant les mains. Bon, c'est pas tout mais j'ai des trucs à faire.

— Et je fais quoi, moi ? demande l'homme.

— Je sais pas, t'as qu'à appeler Kyle.

— Mais Kyle est au stock...

— Bon écoute-moi Brendan, j'en ai rien à foutre qu'il soit occupé, tu vas le chercher. Sinon, l'autre option c'est que tu laisses l'autre abruti se vider de son sang et tu iras expliquer ça au chef. C'est toi qui vois, maintenant j'y vais. Riley, je reviendrai te chercher quand tu seras rétabli, dit-il en s'adressant cette fois à moi.

Jordan quitte la cellule et ma vision commence à se brouiller, je n'arrive même pas à discerner le visage de l'inconnu qui est avec moi dans cette cellule.

— Je... je vais chercher Kyle, bredouille-t-il.

Il s'en va en laissant la porte ouverte. Je suis seul, la porte est ouverte et mes mains ne sont pas liées. Je peux m'enfuir, je devrais m'enfuir. Mais je ne peux pas, ironie du sort. Je suis là, sur le sol de plus en plus froid à me vider de mon sang. J'essaye de me rappeler tous ces enseignements dont j'ai bénéficié, je vais commencer par retirer cette balle de mon torse, pas besoin de Kyle le sauveur pour ça. Je commence à insérer mon index dans le trou qu'a formé la balle en moi, pour évaluer sa profondeur. Mon doigt s'enfonce jusqu'à ma deuxième phalange avant que le bout de mon doigt ne touche le métal qui est en train de me tuer à petit feu. Je ne sais pas si je peux retirer la balle sans faire plus de dégâts, sans parler des débris probablement logés ici et là. J'ai besoin d'insérer deux doigts dans ma plaie pour la récupérer, le trou s'élargirait et je perdrais encore plus de sang — j'en perds déjà bien assez.

— Allez Riley, tu peux le faire, je me dis pour moi-même.

J'enfonce mon index et mon majeur dans le trou, c'est très douloureux. Je commence à écarter délicatement mes doigts pour que la balle se retrouve entre ces deux-là.

— Qu'est-ce que tu fais ? hurle Kyle qui vient d'entrer dans la pièce.

— J'enlève la balle, je réussis à articuler.

— Non, tu n'enlèves rien, ça va s'infecter, tu vas pisser le sang et... Putain ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Brendan m'a dit de venir te voir pour une urgence, il a oublié de me dire que tu t'étais fait tirer dessus ! OK, euh...

Il prend sa tête entre ses mains et arpente la pièce en rond, ce qui me donne le tournis. Je suis par terre, les doigts dans ma plaie et je me vide de mon sang, j'aimerais mieux que Kyle ne prenne pas tout son temps. Il a l'air nerveux, il parle tout seul mais je ne comprends pas ce qu'il dit.

— Et puis merde ! dit-il enfin. Tu peux te lever ?

À vrai dire, je n'ai pas essayé, je dois dire que je ne pète pas la forme, ce n'était pas une de mes priorités. Je tente de m'asseoir, mon corps accepte de m'obéir mais je ressens des douleurs au niveau de là où la balle est logée. Kyle me tend la main, je la regarde pendant ce qui semble une éternité, puis je finis par la prendre. Il m'attrape par le bras et m'aide à me lever. Une fois debout, je me rends compte à quel point mon corps est faible et que j'ai énormément froid. Je ne sais pas comment je fais pour tenir debout. Quand j'y pense, j'aurais pu m'enfuir, j'étais capable de me lever et de m'enfuir. Pendant que je me maudis, Kyle sort un bandeau de sa poche.

— Je suis en train de crever, t'as que ça à faire ? je lui demande.

— Dramatise pas, t'as juste une balle logée, tu vas t'en remettre. Si ça avait touché un organe vital, tu serais déjà mort.

Il me met le bandeau et me mène quelque part, en fonction des directions que nous prenons, je devine que nous n'allons ni aux sanitaires, ni chez le chef.

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