Chapitre 27
LILY
Je me sens engourdie. Des fourmis me parcourent le corps quand j'essaye de bouger, alors je reste allongée, sans essayer de faire tout mouvement. Autant rester ainsi et économiser mes forces. Lorsque l'homme m'a emmenée dans la salle et m'a attachée à cette chaise froide, il m'a expliqué que j'allais être très utile. Je suis restée assise et de temps en temps, il recevait l'ordre de m'électriser dans son boitier. Je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter ça, ni de quoi dépendaient les décharges électriques que je me prenais, mais la dernière était tellement forte que je me suis endormie.
Je me tourne pour me mettre sur le côté, étonnée du confort que m'offre le sol, mon corps est tellement meurtri que même le sol me parait agréable. J'ouvre les yeux et comprends que je ne me trouve pas dans ma cellule. Ou alors ma cellule a été dotée d'un lit, d'une commode, d'un tapis, de luminaires et d'un bazar sans nom. Des objets en tous genres et des feuilles de papier trainent ici et là. Je tente de me redresser mais au moment de prendre appui sur mes bras, c'est impossible, mes mains sont attachées au lit. Où est-ce que je me trouve ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Un coup d'œil circulaire m'indique que je suis seule. La pièce est calme, mais des pas approchent dans le couloir. La porte s'ouvre doucement et Kyle apparait.
— Tu es réveillée, dit-il calmement.
— Où suis-je ?
— Dans ma chambre.
Qu'est-ce que je fais dans la chambre de Kyle ? Et pourquoi je suis attachée à son lit ? Cette histoire est bien trop tordue pour moi, depuis que je suis ici, ils passent leur temps à me torturer, à m'attacher et à me donner des ordres. Kyle avance vers moi et s'assied sur le matelas, puis me regarde tendrement.
— Qu'est-ce que je fais dans ta chambre ? Et pourquoi je suis attachée ?
— Après ce qu'ils t'ont fait, tu étais inconsciente. Ils ont proposé de te jeter dans ta cellule mais c'était dangereux pour toi, tu avais besoin de surveillance d'après moi. Avec Jordan on s'est disputé et puis battu, puis le chef a décrété que je pouvais t'emmener dans ma chambre. Je t'ai attachée parce que tu as déjà tenté de t'enfuir une fois, ils me tueraient si tu recommençais.
Ce que me raconte Kyle me dépasse. Alors comme ça, il a réussi à négocier quelque chose pour moi ? Des dizaines de questions font rage dans ma tête, j'ai tellement de choses à lui demander mais je n'arrive à rien formuler clairement, ce qui m'agace fortement.
— Tu dois encore te reposer, déclare-t-il.
— J'ai dormi combien de temps ?
— Quelques heures. Lily, je dois te dire quelque chose.
— Tu n'as pas peur qu'on nous entende ? je lui demande sur le ton du défi.
— Il n'y a pas de surveillance ici.
— Ils t'ont laissé m'emmener dans ta chambre sans surveillance ?
— Depuis quand tu poses autant de questions ? demande-t-il en plissant les yeux.
Je me renfrogne, j'aimerais qu'on réponde à mes questions mais à chaque fois, c'est comme parler à un mur. Je regarde le plafond et sens une larme couler sur ma joue. Pourtant, je ne ressens pas de tristesse, seulement beaucoup de colère et d'incompréhension. Kyle essuie ma larme de son pouce, ça m'énerve. Je me sens faible, je n'ai le pouvoir sur rien et personne ne veut répondre à mes questions. Je tourne la tête brusquement vers l'autre côté, je ne veux pas que Kyle m'assiste plus qu'il ne le fait déjà. S'il a tant que ça envie de m'aider, qu'il élabore un plan pour notre évasion.
— Lily, je dois... faire quelque chose de pas très correct mais je n'ai pas le choix.
Je ne lui réponds pas, qu'il fasse ce qu'il veut de moi, ce n'est pas comme si j'avais le choix, de toute façon.
— Je dois te prendre du sang.
— Pardon ? je demande, subitement intéressée par ce qu'il me dit.
— Ils ont besoin de ton sang, je dois t'en prélever. J'aurais pu le faire pendant que tu dormais, tu ne l'aurais jamais su. Mais je ne trouve pas ça correct, alors j'ai préféré attendre que tu te réveilles.
— Pourquoi en ont-ils besoin ?
— Pour... je ne peux rien te dire.
Je ne réponds rien, encore une fois. Il se lève et amène une trousse de laquelle il sort un petit objet en plastique rangé dans un sachet. Il fait quelques manipulations avec et s'empare d'une compresse qu'il imbibe d'un produit qui sent fort, il essuie mon creux de bras avec. Je regarde un peu mieux l'objet qu'il tient entre les doigts et je me rends compte qu'il est équipé d'une longue et fine aiguille. Est-ce qu'il compte me planter ça dans le bras ? C'est ainsi qu'il va prendre mon sang ? Mais pourquoi ? Personne n'a jamais pris mon sang, c'est absurde.
— Tu fais quoi avec ça ? je demande affolée.
Il fixe le petit objet, puis le pose sur la table de chevet collée au lit. Il s'approche de moi et commence à défaire mes liens, je suis bientôt débarrassée de toute entrave et mes poignets s'en portent bien mieux. Mon premier réflexe est de m'asseoir. Kyle récupère son objet piquant et s'assied juste à côté de moi, il scrute mon bras et ne semble pas à l'aise. Puis, il tend l'objet vers moi, mais je ne le prends pas.
— C'est une seringue. Prends-la, m'ordonne-t-il.
— Pourquoi ?
Il m'attrape la main et me la place de force dans ma paume. C'est tout léger, froid. Kyle attrape ensuite un fil caoutchouteux et m'enroule le haut du bras avec, il le serre fort, ça me coupe la circulation et ce n'est pas agréable du tout.
— Qu'est-ce que tu fais ? je demande.
Il se lève brusquement et se met à tourner en rond dans la salle, les mains jointes sous son nez, la tête baissée. Il a l'air complètement fou à marcher comme ça dans tous les sens et je ne comprends toujours pas pourquoi il m'a confié cet objet.
— Écoute Lily, je ne peux pas te piquer. J'ai peur des aiguilles.
— Tu as peur des aiguilles ? je répète, abasourdie.
— Ouais. Il faut que tu le fasses.
Un rire s'échappe de ma gorge, je suis sidérée.
— On m'a emprisonnée dans une cellule, torturée, je me prends des décharges électriques et en plus, tu veux que je prélève mon sang moi-même pour vous l'offrir alors que tu ne veux même pas me dire en quoi vous en avez besoin ?
— Je sais de quoi ça a l'air, je suis vraiment désolé.
— Et comment je fais ?
Il se rassied à côté de moi, puis pose un doigt sur une grosse veine gonflée au creux de mon bras.
— Tu piques ici. Ensuite, tu tires le bout, jusqu'à remplir la seringue. Il me faut trois flacons.
— Trois ? je crie.
Il m'adresse un sourire contrit, ce qui me fait lever les yeux au ciel. Je place le bout de l'aiguille à l'endroit exact qu'il m'a indiqué, je perce ma peau, l'aiguille s'enfonce dans ma veine avec une telle facilité et ça ne fait presque pas mal. Puis, une fois que Kyle m'indique que l'aiguille est assez enfoncée, je tire le bout, jusqu'à sentir une résistance. Je tends la seringue à Kyle, il en change le dispositif et me la rend.
— Tu n'as pas eu mal ? me demande-t-il l'air inquiet.
— Vu tout ce que j'ai enduré, tu crois que j'ai peur d'une petite aiguille ? Crois-moi, c'est la chose la plus agréable qui m'est arrivée ici.
Il me tend le nouveau dispositif et je m'en empare, le lui arrachant des mains. Au moment où je le replace sur sa base, la porte s'ouvre avec fracas, Jordan nous interrompt.
— Non mais je rêve ! dit-il en écarquillant les yeux.
Il m'arrache la seringue des mains et se plante devant Kyle.
— Tu fais n'importe quoi mon pote ! C'est pas parce qu'elle est sur ton lit que ça lui donne tous les droits, OK ? Dis-moi pourquoi elle est en train de se piquer elle-même ?
— Je n'aime pas les aiguilles, avoue Kyle.
— Tu n'aimes pas les aiguilles ? répète-t-il avec un air hébété. Je me fous que tu n'aimes pas les aiguilles, ta mission est de lui prendre son foutu sang, que tu aimes ça ou non ! Je comprends mieux comment elle a pu s'échapper, regarde-toi, tu es tellement faible qu'elle a eu pitié de toi et qu'elle s'est piquée toute seule !
Jordan s'avance vers moi, me lance un regard méchant et continue le travail violemment, pendant que son regard ne quitte pas le mien, dur et froid. Il change le dispositif et me prend une nouvelle dose de sang. Je commence à me sentir faible, c'est comme si mon corps avait été vidé de son énergie.
— Faut tout faire soi-même, ici ! dit Jordan en sortant de la pièce avec les trois flacons remplis de mon sang.
Kyle m'essuie de nouveau le bras avec une compresse imbibée de produit, me met un pansement et s'assied à côté de moi.
— Tu devrais dormir, me dit-il.
— Je ne retourne pas dans ma cellule ? Maintenant je suis réveillée, je vais bien et vous avez eu mon sang, alors tu n'as plus besoin que je reste ici.
Il me fixe intensément et ne dit rien. Pas la peine, je sais déjà ce qu'il pense. Il doit se dire que je prends trop la confiance et il doit probablement avoir envie de me jeter dans ma cellule. Mais je n'attends que ça, Kyle a beau être sympa avec moi, je ne veux pas passer du temps avec lui, il est mon bourreau. Peut-être bien que quand il nous aura aidés à nous échapper je voudrai sympathiser avec lui, pour l'instant ça ne fait pas partie de mes priorités. Alors je me lève et arpente la pièce. Je détaille la commode, où trainent des feuilles en papier. J'en prends une pour lire ce qui y est écrit mais Kyle se lève d'un bond et me l'arrache des mains.
— Ne touche pas à ça, dit-il.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Ça ne te regarde pas.
— Ah oui, je n'ai le droit de rien savoir, j'avais oublié. Alors, qu'est-ce qu'on attend pour retourner à ma cellule ? C'est là qu'est ma place.
Kyle souffle et regarde la feuille qu'il tient entre ses mains avant de s'installer à côté de moi.
— C'est le plan détaillé de cet endroit. Ça fait plusieurs jours que je le dessine, j'ai enfin fini. Maintenant, j'essaye de réfléchir à comment...
— Kyle ? nous interrompt une voix.
Je tourne la tête dans tous les sens car nous sommes seuls dans la pièce et je ne comprends pas d'où provient la voix. Kyle s'empare du boitier à antenne qui était posé sur la table de chevet et actionne un bouton :
— Oui ? dit-il.
— Kyle, on a besoin de toi au stock.
— J'arrive.
Alors qu'il s'apprête à partir, je ne peux m'empêcher de lui demander en désignant le boitier dont j'aimerais connaitre l'appellation pour arrêter d'appeler ça un boitier :
— C'est quoi ça ?
— Un talkie-walkie... Tu n'en as jamais vu ?
— On a des trucs similaires, plus petits...
— Et plus fins. Ouais, je sais. Dis-moi Lily, est-ce que tu te rappelles quelque chose d'autre que ce que tu nous as dit ?
— Non, je vous ai raconté tous mes souvenirs. Ils ne viennent plus en ce moment et je n'arrive pas à les provoquer. Tu sais ce que c'est l'Asile ?
Son regard s'assombrit, il baisse la tête et se mord la lèvre inférieure. Quelque chose ne va pas.
— Non, Lily. Qu'est-ce que l'Asile ?
— C'est là d'où je viens. Tu sais, cet endroit me protège et maintenant, je suis persuadée que je n'y suis plus. Le truc, c'est que je ne suis pas morte, ça ne va pas tarder à mon avis, mais ils ont menti ! L'Asile n'est pas mieux qu'ailleurs, l'Extérieur n'est pas terre de malheurs et de mort, il y a des...
Ma tête me lance, pourquoi a-t-il fallu que je parle ? Je savais très bien ce qui allait m'arriver, je savais très bien que cette douleur que je ressens actuellement allait m'assaillir. Je ne dois pas me laisser abattre, je dois poser la question à Kyle même si je connais déjà la réponse.
— Kyle...
— Arrête ça tout de suite, m'ordonne-t-il.
— Je dois savoir. Est-ce qu'on est à l'Extérieur ?
— Lily...
Ma tête me prend de plus en plus, j'ai l'impression qu'elle va éclater. Je pleure et j'ai mal, mais ce qui m'embête le plus, c'est de ne pas savoir clairement la vérité.
— Réponds ! je lui crie.
— Oui. Oui Lily, nous sommes à l'Extérieur.
Ma douleur ne cesse d'augmenter et Kyle est affolé, il ne sait pas quoi faire. Il s'active dans sa chambre et pousse des jurons. Je sens que je me perds, je n'ai plus le contrôle de mon corps, je sombre dans une obscurité qui m'engouffre, elle m'attrape et m'attire vers elle.
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