Chapitre 15
LILY
Après la torture que m'a infligée Kyle, Jordan et lui sont partis de ma cellule, ce dernier avait quelque chose à lui montrer, d'après ce que j'ai entendu. Je suis restée seule à écouter le bruit saccadé de ma respiration et à pleurer. Je me suis roulée en boule par terre, c'était la seule position qui ne me donnait pas l'impression qu'on était en train de m'arracher les entrailles. Je ne sais pas combien de temps est passé et je n'ai toujours pas pu aller aux sanitaires, Jordan a ruiné mon plan. Même si Kyle revenait, je ne sais pas si je pourrais m'enfuir, si je réussirais à courir et à m'évader.
Alors que je m'endors, le bruit métallique de la porte me sort de ma torpeur, il me réveille et je me redresse, je suis aux aguets. C'est Kyle, il a un sac dans l'une de ses mains. Il nous enferme et soudainement, je me demande ce qu'il a ressenti en me torturant, a-t-il apprécié ça, est-ce que ça l'a dégoûté de lui-même ? Je le regarde, écœurée.
— Je suis vraiment désolé, dit-il en se postant devant moi.
Il me regarde avec peine, je suis curieuse de savoir à quoi mon visage peut bien ressembler après avoir autant pleuré, je dois être gonflée de partout.
— J'étais obligé. Je ne peux pas me rebeller contre eux, ils me tueraient. Et qui sait ce qu'ils feraient de toi ensuite. Il vaut mieux que je continue à m'occuper de toi. Tu sais, il est comme ça Jordan, il aime imposer ses règles, son pouvoir.
Je ne sais même pas quoi lui répondre, lorsqu'il s'en est pris à moi, c'est comme s'il m'avait dénuée de mon âme, je ne ressens ni peine, ni colère contre lui, je veux juste m'en aller d'ici.
— Je comprends que tu ne veuilles plus me parler, ce que j'ai fait est très mal et je ne le voulais pas, crois-moi, je me déteste pour ça.
— Arrête de parler, je réussis à articuler.
— OK, désolé. Je t'ai apporté des trucs. De l'eau, des médicaments, à manger.
— On peut aller aux sanitaires ?
— Si tu veux, mais avant tu dois reprendre des forces.
Tu as raison Kyle, avant de m'échapper, je dois reprendre des forces. Je dévore les deux barres qu'il m'a apportées en toute clandestinité, ainsi que le morceau de pain. Je dévisse ensuite difficilement la bouteille d'eau avec mes doigts douloureux et il me tend plusieurs petits cachets blancs.
— C'est pour quoi ? je lui demande.
— Pour les douleurs.
C'est avec plaisir que je les prends, je les avale dans une grande gorgée d'eau. Je n'ai pas essayé de me mettre debout depuis que je suis tombée à terre, je ne sais pas si mes jambes et mon corps vont répondre aux ordres. Je tente de me lever et Kyle m'attrape le bras pour m'aider. Je le repousse ; si je n'arrive pas à me lever seule, je n'arriverai certainement pas à courir et m'enfuir. Il n'insiste pas et me laisse me débrouiller. Je suis rapidement sur mes deux pieds, c'est moins pire que ce que je pensais. À vrai dire, j'ai surtout mon ventre qui me tiraille et me hurle sa douleur. Sinon, mes jambes sont fonctionnelles, je vais courir sans mal, même si je ressens un état de fatigue général dans tout mon corps. Si on oublie ma plaie à la cuisse qui n'avait pas fini de cicatriser.
— Ça va aller ? me demande mon geôlier.
— Oui, ne t'inquiètes pas pour moi.
Kyle s'apprête à me ficeler les poignets, liens qu'il ne m'avait plus mis depuis un petit moment. D'habitude, il me les noue pour le trajet puis, il me libère les mains et me débarrasse du bandeau une fois dans les sanitaires.
— On pourrait... ne pas m'attacher les mains pour une fois ? Je suis pressée, ça fait des heures que j'attends que tu m'y emmènes.
J'ai pris ma voix la plus douce pour cette requête, j'ai presque l'impression d'y avoir glissé un brin de sensualité. C'est bénéfique, puisqu'il étudie ma question, comme s'il pesait le pour et le contre.
— Tu me promets que tu ne feras rien de bête ?
— Promis.
— OK, mais je suis obligé de te bander les yeux. C'est mon tour de garde pour ces couloirs donc normalement il n'y aura personne, mais je tiens quand même à te cacher les yeux, parce que si quelqu'un voit que j'enfreins les règles, ça va mal se passer.
Lorsque je serai sortie de cette cellule, mon plan sera mis à exécution. Kyle m'enfile délicatement le bandeau, comme à son habitude, ce qui contraste avec la violence que je subis depuis que je suis captive. Il fait noir et j'attends maintenant de sentir ses mains puissantes sur mes épaules, pour qu'il me dirige à l'extérieur. Lorsque j'aurai fait quatre-vingt pas, je me dirigerai vers la gauche et je courrai. Je ne sais pas encore comment je vais neutraliser Kyle, mon adrénaline me fera sûrement trouver une solution d'ici là.
Au lieu de sentir ses mains sur mes épaules, ses doigts s'entremêlent à ceux de ma main droite. Puisque je n'ai pas les mains liées, il décide de me les enfermer d'une manière ou d'une autre. Je ne sais pas ce que ce contact signifie pour lui mais à mon sens, on ne tient pas la main de n'importe qui et encore moins d'une fille que l'on détient contre son gré. Peu importe, je le laisse faire, je compte profiter de sa gentillesse dans pas longtemps, autant le laisser croire que tout va bien.
Lorsqu'il ouvre la porte de la cellule de sa main libre, l'air caresse ma peau, ça fait du bien. Nous marchons – ce qui me fait boitiller – et moi, je compte. Un, deux, trois pas. Plus nous marchons, et plus j'ai une boule au ventre que je ne peux réprimer. Soixante-deux, soixante-trois. J'entends des pas non loin et ce ne sont pas les nôtres, nous ne sommes pas seuls. Kyle me lâche la main et m'attrape le poignet à la place, pour me le tenir d'une manière assez brusque, il serre fort. Soixante-douze, soixante-treize, soixante-quatorze. Nous ne marchons plus.
— Salut ! dit-il à l'attention de quelqu'un.
— Tu vas où ?
— Sanitaires. Et toi, tu restes dans le coin aujourd'hui ? Je croyais que je serais seul.
— Non, on m'a dit de surveiller les couloirs, tu sais avec le taré qui traine, on doit être plus vigilants. Tu ne l'attaches pas ?
— Oh, c'est pas la peine. Elle ne pose pas de problème et je maitrise la situation.
— Si tu le dis.
Sur ces paroles, Kyle me tire par le bras, me forçant à reprendre la marche. J'ai perdu le compte, je crois que nous avons fait dix pas, ou quinze. Peut-être plus, peut-être moins. Je maudis la personne qui nous a interrompus, mon plan a été ruiné, encore une fois. Je vais devoir innover.
Une fois dans les sanitaires, Kyle me retire le bandeau et m'adresse un sourire. La pièce est plutôt vaste, elle contient cinq cabinets de toilettes, avec deux lavabos. Il y a aussi trois cabines de douche agrémentées d'un rideau en mauvais état. Je trouve ces douches étranges. La décoration est négligée et tout est d'un blanc cassé qui vire au jaune. Je me dirige vers l'un des cabinets, Kyle reste dans la pièce à m'attendre. Une fois que j'ai fermé la porte de la cabine – et je n'ai pas le droit de fermer le verrou –, je m'assieds sur les toilettes et réfléchis. Je ne sais absolument pas quoi faire et je ne peux décemment pas rester une seconde de plus dans cette cellule. Je me suis fait une promesse, je n'y retournerai plus.
Je trouve une sorte de plan, qui est sûrement le plus idiot et risqué que j'aurais pu trouver, mais je le tente quand même, je n'ai rien à perdre. Je me remets debout et commence à hurler. Un cri qui vient des tréfonds de mon âme, qui déchire le cœur, juste assez pour laisser penser à Kyle que je suis en danger. Même si je ne vois pas en quoi je pourrais être en danger dans ce cabinet étroit, mais puisque Kyle est gentil, il va accourir.
Ça ne loupe pas, la porte de mon cabinet s'ouvre en grand, je recule pour qu'il y entre. Une mine inquiète déforme les traits de son visage. Pendant qu'il est encore dans la précipitation, je me jette sur lui et prends le couteau qu'il laisse toujours dans sa poche arrière, de manière totalement inconsciente. Je déplie la lame et la lui enfonce aussi profondément que je peux dans sa cuisse, en espérant n'avoir rien touché qui le rendrait paralysé. J'ai choisi cet endroit pour ne pas engager sa vie et aussi pour qu'il ait du mal à me courir après. Il pousse un cri de douleur et je lis l'incompréhension dans ses yeux. Il s'assied sur les toilettes et tente de retirer le couteau de sa cuisse. Je dois m'en aller d'ici, tout de suite.
— Qu'est-ce que tu fous ? demande-t-il.
— Je suis désolée.
Et je suis sincère. Dans d'autres conditions, nous aurions pu être amis, je sais qu'il a bon fond et il n'a fait que me protéger depuis que je suis captive. Seulement, je ferais n'importe quoi pour ma survie, alors je le laisse seul et m'en vais à toute vitesse des sanitaires pendant qu'il crie mon nom et qu'il m'ordonne de revenir. Je cours aussi vite que je peux, aussi vite que ma plaie qui s'est mise à saigner me le permet. Je n'ai pas le temps de faire attention à ce qui m'entoure, mais je remarque tout de même que les murs sont gris et en métal, ils sont pleins de portes. Je me demande s'il s'agit d'autres cellules.
Une fois arrivée à une intersection, je regarde à ma gauche, je vois un homme marcher, il est dos à moi. C'est probablement celui avec lequel Kyle était en train de parler tout à l'heure. Je regarde à droite et remarque une porte. Je suis quasiment sûre que c'est de celle-là que s'échappait l'air la dernière fois. Je me précipite donc vers cette porte et elle n'a pas de poignée, il y a une barre sur laquelle il faut appuyer, il y a écrit « issue de secours » au-dessus. Je la pousse et me retrouve dehors. Je n'arrive pas à y croire, mon évasion a été beaucoup plus facile que je ne me l'étais imaginée, j'étais sûre que j'allais avoir plus de mal à neutraliser Kyle, je pensais que l'homme qui fait sa ronde allait me repérer. Mais non, je suis bien dehors, sur une étendue d'herbe. Je n'ai pas le temps de rester ici à contempler les environs, je dois m'en aller et le plus vite possible.
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