Chapitre 1

Vous connaissez sûrement cette sensation au réveil, d'avoir les yeux cousus, même toute la force du monde ne vous aiderait pas à les ouvrir. Est-ce un rêve ou la réalité ? Mes sensations sont bien trop réelles pour un songe ; l'air qui caresse mon visage, l'odeur d'herbe mouillée qui fait frémir mes narines, le piaillement mélodieux des oiseaux. Sans parler de cette douleur lancinante qui traverse mon corps, je n'ai jamais rien ressenti de tel auparavant. Ma tête est prête à exploser, totalement prise par un bourdonnement insupportable.

Je tente de porter mes mains à mon crâne pour le compresser, pour faire taire les acouphènes et me débarrasser de cette sensation qui me broie le cerveau, mais une seule main y parvient, je suis bloquée par une sorte de résistance au niveau de mon poignet gauche. D'accord, ça ne peut pas être si dramatique, je dois garder mon calme et me remémorer les derniers évènements. Je régule ma respiration, mon cœur s'est emballé, des gouttes de sueur froides dévalent mes tempes ; la panique a déjà imprégné mon corps, je dois me concentrer.

Je ne me rappelle rien. Je ne sais pas pourquoi je suis allongée dans ce qui me semble être de l'herbe, une main liée, pas plus que je ne sais pourquoi j'ai une douleur si intense au crâne, comme si l'on me l'avait cogné. Peut-être même que c'est exactement ce qu'il s'est passé. Je dois ouvrir mes yeux, maintenant que je suis parfaitement consciente. Et si on me les avait vraiment cousus ? Mon cœur s'emballe à cette idée, je crois que je vais vomir.

Ma fatigue s'est un peu dissipée et j'ouvre enfin les yeux, directement agressée par la lumière aveuglante du jour. Quand je me suis adaptée à la luminosité, je suis subjuguée par ce que je vois ; un spectacle verdoyant m'encercle, des grands arbres d'un camaïeu de verts se dressent haut dans le ciel, comme s'ils menaient aux nuages. Je suis donc dans un lieu où la nature est dominante, ce qui ne me semble pas habituel — sans que je ne puisse comprendre pourquoi—, j'étais endormie dans de la terre, je ne me rappelle pas ce qu'il s'est passé et j'ai une douleur à la tête, agrémentée d'une fatigue extrême.

J'avais presque oublié que je suis attachée. J'y jette un œil, et je hurle presque en découvrant les circonstances de mon entrave. Mon poignet est pris au piège par une menotte de métal froid et surtout, trop serrée. Ce n'est pas le pire, dans cette histoire ; la deuxième menotte est attachée au poignet d'un garçon qui est allongé sur le sol, inconscient. Nous sommes tous deux liés.

Une vague d'incompréhension me submerge. Qui est-il ? Et puis, qu'est-ce que je fais là ? Pourquoi suis-je entravée à ce garçon ? Pourquoi sommes-nous dans la nature ? Pourquoi j'ai mal partout ? Pourquoi je ne me rappelle rien ? La dernière question m'embue les yeux, c'était celle de trop. J'inspire un grand coup et garde mon calme ; je ne sais absolument pas ce qu'il se passe, ni de quoi il est question, mais je devrais certainement rester forte parce que quelque chose me dit que le pire reste à venir.

J'observe le garçon qui dort, l'air si paisible. Une feuille trône sur ses cheveux châtains, comme si elle avait calculé sa trajectoire en tombant de l'arbre. J'aimerais savoir si l'on nous a infligé le même traitement à lui et à moi : est-ce qu'il va se sentir aussi mal et désorienté que moi lorsqu'il se réveillera ? Est-ce qu'il se rappellera quelque chose ? Est-ce qu'il va bientôt reprendre connaissance ? J'en viens même à me demander ce que je pourrais faire s'il s'avérait être une personne dangereuse. Je me tétanise d'un coup. Et s'il était dangereux ? De toute façon, je ne peux rien faire tant qu'il ne s'est pas réveillé, pas même me lever et arpenter les environs. Tout ce que j'ai à faire, c'est patienter ; j'espère juste ne pas avoir à attendre trop longtemps. Mon instinct me pousse à tenter de le réveiller, mais vu l'état dans lequel je me suis retrouvée, je suis certaine que je n'y parviendrai pas s'il se sent pareil. Alors je reste allongée, à côté de lui et je le regarde dormir.

Le temps passe, les feuilles tombent et le soleil se déplace. Le garçon ne se réveille toujours pas. Je suis restée tout ce temps assise, à regarder la nature autour de moi et à vérifier de temps à autres s'il est au moins vivant ; son abdomen se soulève, il respire. Je pose une main sur son bras, le secouant légèrement. Rien. Il n'a même pas bougé. Je ferme les yeux en attendant que le temps passe, il finira forcément par se réveiller.



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