[2]Chapitre 2
RILEY
Je ne sais pas ce qui m'énerve le plus ici. Le fait d'être à la merci d'un soi-disant Sergent qui veut qu'on soit à ses pieds sans poser de questions, ou bien le fait que Lily adhère à ça et boive ses paroles. Quand elle a accepté de donner son accord sans même prendre le temps de réfléchir, je me suis dit qu'on était foutus. J'étais en train de réfléchir moi, j'étais en train de peser le pour et le contre, de me demander s'ils étaient des personnes fiables ou pas, j'étais en train de faire en sorte qu'on ne se mette pas inutilement en danger encore une fois. Alors forcément, j'ai accepté à mon tour, je n'allais pas laisser Lily s'engouffrer toute seule dans ce bourbier. Colton a l'air très aimable, mais le fait qu'il fasse trainer la chose, qu'il ne veuille pas nous dire ce qu'on veut entendre, est très déconcertant. Avant de m'engager dans quoi que ce soit, j'aimerais au moins savoir dans quoi je m'engage. C'est la moindre des choses et ça devrait crever les yeux de n'importe quel être humain normalement constitué.
Le chef a parlé dans son talkie-walkie et deux hommes sont arrivés. Cette fois ils ne sont pas cagoulés, je peux voir qu'ils sont jeunes, début de la vingtaine. Le premier a les cheveux d'un brun assez sombre et a l'air de ne pas s'être coiffé, ses yeux sont aussi sombres que sa chevelure. Il a un corps sculpté, probablement par le sport et les entrainements militaires. Quand mon regard se pose sur le deuxième, je constate que Lily est déjà en train de le détailler sans gêne. Il est grand, fort, blond, a les cheveux rasés, ses yeux sont sombres et joueurs. Quelque chose chez lui ne me plait pas. Il y a une tension bizarre entre Lily et lui, ça me met mal à l'aise, la pièce devient trop petite pour cinq personnes.
Colton prend la parole :
— Je vous présente Jared Keller et Chace Wade.
Jared est le brun, Chace est le blond.
— Ils vont vous interroger, n'oubliez pas, nous voulons simplement la vérité et il n'y a pas de mauvaise réponse. Jared, tu te charges de Riley et Chace, de Lily.
— Oui.
Ils ont répondu à l'unisson, tels deux pantins parfaitement réglés. Au moins Lily a eu son préféré, j'espère qu'elle est contente. Jared ouvre la porte et me fait signe de sortir de la salle. Je n'ai tellement plus l'habitude qu'on me laisse si libre de mes mouvements que je reste d'abord planté là comme un abruti. Sérieusement, je vais sortir d'ici sans liens et sans bandeau ? J'aurai le droit de voir ce qui nous entoure et j'aurai la possibilité d'assommer le soldat et de m'enfuir si je le désire ? Peut-être que cet endroit craint moins que je ne le pensais.
Je découvre un vaste endroit, comme un grand hall à l'ambiance assez sombre étant donné que les murs sont anthracites et que c'est éclairé de faibles lumières au plafond. Il n'y a rien dans cette pièce, si ce n'est des pilonnes totalement inutiles. La pièce mène juste à des couloirs et à des portes. Une fille passe, elle marche à une allure déterminée et ne fait même pas attention à moi, comme si les nouveaux arrivés défilaient tous les jours. Colton a retenu Jared, il est en train de lui dire quelque chose, alors je l'attends. Chace et Lily me dépassent et empruntent un couloir. D'un coup, une tension m'envahit, j'espère qu'il ne va pas lui faire de mal. En passant, elle m'adresse un clin d'œil que je lui rends. Lorsque Jared revient vers moi en fermant la porte, il m'adresse un sourire. Si je me rappelle bien, Jordan aussi souriait beaucoup, ce n'est pas pour autant que ça faisait de lui quelqu'un de sympathique. Je ne lui rends pas son sourire et attends simplement qu'il m'emmène, qu'il exécute ses ordres.
Nous traversons la grande pièce et rejoignons le même couloir que Lily a emprunté il y a à peine deux minutes. Il débouche lui-même sur d'autres couloirs, cet endroit est encore plus complexe que le hangar de Jordan.
— Tu stresses ? me demande Jared.
— Non.
— Tu ne souris pas beaucoup.
— J'aimerais qu'on réponde à mes questions et une fois que ça sera chose faite, peut-être que j'aurai envie de sourire.
— Ouais, je comprends.
Je m'arrête de marcher pour lui faire face :
— Comment pourrais-tu comprendre ? Tu t'es réveillé dans la forêt, toi aussi ?
— Non.
— Alors tu ne me comprends pas.
Il ne me répond pas, et nous atteignons une porte qu'il ouvre. Ici aussi, c'est tout sombre. Il y a un petit bureau avec une chaise de chaque côté, une armoire en métal blanc cassé et un porte-manteau vide. Jared s'assied d'un côté du bureau et me fait signe pour que je m'asseye de l'autre côté, ce que je fais. Je me sens vraiment bête à être torse nu. En plus, j'ai froid. Jared récupère un carnet d'un des tiroirs du bureau. Il en sort également un stylo qu'il active en appuyant sur le dessus.
— Alors, d'abord tu vas répondre à quelques questions.
Je n'aime pas vraiment le ton qu'il emploie avec moi, mais je vais me la fermer pour une fois et répondre le plus simplement possible.
— Tu t'es réveillé dans la forêt, c'est ça ? demande-t-il.
— Oui.
— Tu étais avec la fille ?
— Oui, j'étais menotté à elle.
— Comment tu te sentais ?
— J'avais très mal à la tête. Et puis je ne me rappelais plus rien, quand je réfléchissais un peu trop ça me provoquait des migraines.
— Les migraines sont parties ?
— Non, je n'essaye juste plus de réfléchir, c'est inutile, je réponds en haussant les épaules.
Il écrit sur son carnet et relève la tête vers moi.
— Pourquoi Riley ? Je comprends que tu n'avais qu'un numéro en tête et que c'était bizarre, mais pourquoi avoir choisi ce prénom en particulier ?
— Je ne sais pas. J'ai eu un souvenir bref à ce moment-là, ça m'est venu comme ça.
— De quoi t'es-tu rappelé jusqu'ici ?
— De pas grand-chose. D'un ami, de ma famille, d'une cérémonie, de mon incarcération...
— Pourquoi t'es-tu fait arrêter ?
— J'ai...
Je n'ai pas du tout envie de lui parler. Il pose trop de questions, ça commence à m'agacer.
— Riley, tu es en sécurité ici. Tu ne risques rien.
L'Asile est un lieu de sûreté et de protection... ne vous en faites pas, il ne vous arrivera jamais rien... Non, pas ça. Je vais devenir fou. Et puis, j'ai comme une impression.
— Est-ce qu'on est à l'Asile ? je demande.
Jared écarquille les yeux, il semble décontenancé par ma question.
— Non, nous sommes à l'Extérieur.
— Alors pourquoi tu racontes la même chose qu'eux ? Pourquoi tu dis que je suis en sécurité ? Et ne me prends pas pour un abruti !
Je me rends compte que je me suis levé de ma chaise et que j'ai dit ça en hurlant. Je devrais me calmer, ils vont m'attacher sinon et je commence tout juste à savourer ma liberté.
— Écoute, tu es à cran et tu ne comprends pas, c'est normal. Il va falloir que tu me fasses confiance et que tu répondes à mes questions.
Je respire un bon coup et m'assieds. Plus vite j'aurai répondu à ses questions et plus vite on passera à autre chose.
— Je me suis fait arrêter parce que j'ai volé des médicaments pour soigner ma sœur.
Il fronce les sourcils et écrit sur son carnet.
— L'Asile n'est pas censé vous maintenir en bonne santé ?
— Si. Mais ma mère... elle s'enfilait les médicaments comme des bonbons et ma sœur n'en a plus eu. J'ai intégré le programme de Protection et Combat pour avoir un stock illimité mais elle les a tous... avalés. J'ai donc décidé d'en voler, puisqu'on ne voulait pas m'en donner d'autres et je me suis fait arrêter. Ma sœur est morte, ils ont amené son cadavre à ma cellule en me disant que je l'avais tuée.
Il fronce encore plus les sourcils, j'ai l'impression de l'avoir perdu. Peut-être que c'est ma manière de lui narrer l'histoire de ma vie qui l'a perturbé.
— Ils t'ont dit que tu avais tué ta sœur ? répète-t-il.
— Oui et c'est la vérité, elle est morte par ma faute.
— Riley... ce n'est absolument pas de ta faute.
Actuellement, je n'ai absolument pas besoin d'un soutien, je ne vais pas pleurer, alors il peut bien garder sa fausse sympathie et sa compassion pour lui.
— Si tu le dis, je lui réponds.
Il écrit sur son carnet, il ne fait que ça. J'aimerais savoir ce qu'ils vont faire de ces informations.
— Tu dis que tu as intégré le programme de Protection et Combat. Tu étais doué ?
— Oui, tout le monde l'était. Nous étions formés pour être les plus performants possible.
— Ça t'intéresserait d'intégrer la garde ?
— La garde ?
— Oui, comme moi, comme Chace. Tu assures la sécurité, entre autres.
— Je vais y réfléchir.
Je croise les bras et m'enfonce dans ma chaise. Ils veulent se servir de mes compétences mais je ne suis pas fou, je ne vais pas me laisser avoir si facilement.
— Qu'est-ce que tu as compris de tout ça ? demande-t-il.
— Tu veux dire, de mon expérience jusqu'ici ?
Il hoche la tête.
— J'ai compris que je ne suis plus à l'Asile, que Jordan était un enfoiré. Et j'ai compris d'autres trucs dont je ne peux pas parler sinon je vais avoir mal à la tête et tu vois là, ça ne me dit pas trop.
— Bien sûr.
Bien sûr ? Alors ici, on est vraiment chez les gentils ? Il ne me menace pas pour me faire parler et pire encore, il est d'accord avec moi ? Je devrais peut-être relâcher un peu la pression, je ne pense pas que ce pauvre Jared mérite la colère que je lui inflige depuis tout à l'heure.
Jared me demande de lui raconter tout ce qu'il s'est passé depuis que je me suis réveillé, alors je m'exécute, dans les moindres détails. Une fois notre échange terminé, il se lève et se dirige vers l'armoire. Il en revient avec une caisse en plastique dans les bras, la pose sur son bureau et en sort quelque chose. Ça ressemble à l'engin qui volait tout à l'heure dans la forêt.
— Maintenant, je vais te montrer des objets et tu vas devoir les reconnaitre. Ça, qu'est-ce que c'est ?
— On en a vu un tout à l'heure, Lily m'a dit que c'est un drone mais moi, ça ne me dit rien.
— D'accord. Et ça ?
Il me montre un talkie-walkie, il me prend pour un débile ou quoi ?
— Un talkie-walkie...
— Bien.
Ensuite, c'est là que les choses se corsent. Il me présente une multitude d'objets étranges qui me paraissent tous familiers mais pourtant, je n'arrive à en nommer aucun, ni décrire leur utilité. Pour finir, il me montre le boitier qui électrise.
— Je ne sais pas comment ça s'appelle, mais j'en ai fait l'expérience, alors je sais que c'est pour électriser.
— C'est un taser.
Ce mot ne me dit absolument rien, est-ce que je suis censé le connaitre ?
— Quant aux autres objets, il y avait une tablette, un ordinateur portable, un casque scanneur de maladies, un secteur d'intelligence artificielle... Tout ça ne te dit rien ?
— Rien du tout.
— D'accord.
— Est-ce que c'est normal ?
— Oui. Ne t'inquiète pas, ça va s'arranger.
Il me sourit et referme son carnet, range le stylo et se lève.
— Je vais te montrer les douches et ensuite, je t'emmènerai à la visite médicale.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top