1.2
Son cœur n'avait en rien échappé à la douleur impitoyable qui s'était emparée d'elle. Chaque parcelle de son corps était imprégnée de souffrance, de regret et de manque. Ne méritaient-ils pas de vivre ? Ceux qui lui avaient garanti un abris et des vivres ? Et son frère, son pauvre jumeau qui l'avait protégée durant vingt et un an, où était-il ? Était-il aux bras de la nuit éternelle, dans les ombres des enfers ou bien déambulait-il encore dans ce monde ô combien dangereux ? Will était adulte, bien sûr. Il savait se débrouiller. Mais rien, rien ne pouvait empêcher la peur et la crainte de le perdre d'Elma. Il était tout pour elle. Un frère, un ami, un confident. Petits, ils s'entraînaient à se battre, tous deux, à la lisière de la forêt qui longeait le lac de Mondor. Ils se saisissaient de bâtons, solides et tenaces et dévastaient une partie de leur haine dans cet entraînement. Dans un monde normal, on aurait qualifié ces enfants de violents et de « sujets à des troubles psychologiques ». Mais pour les habitants des ghettos, ils s'occupaient de façon normale. Dans les ghettos, les enfants apprennent à se battre dès l'âge de cinq ans, où on estime qu'ils ont la motricité et l'esprit nécessaire pour recevoir un enseignement. Chaque génération entraîne la prochaine pour qu'un jour, peut être, ils gagnent la guerre. Cercle vicieux interminable. Personne ne résiste au Gouvernement.
- Il faut partir maintenant, la réveilla Ethan avec des paroles dépourvue d'émotion.
Elma eu le réflexe de poser ses mains pour se lever. Mais elle n'en fit rien. Elle n'avait nulle part où aller. Fugitive n'était pas la vie qu'elle voulait mener. Autant mourir avec les siens, si elle ne peut rien accomplir pour eux.
- Tu as des réflexes, je l'ai vu. À vrai dire, quand tu m'as planté ce couteau, expliqua-t-il en montrant sa blessure, j'étais aussi impressionné qu'en colère. Tu as visé un endroit vulnérable et douloureux. Volontairement j'imagine, tu m'as l'air dégourdie.
Elma regarda son interlocuteur, et le laissa continuer dans son monologue. Elle aurait aimé répondre, et demander à quoi bon. À quoi bon ces compliments, qui pourrait la sauver son existence ? Qui pourrait combler le manque ? Tout était perdu. La guerre. Le peu d'amour qui lui restait.
- Tu as encore beaucoup à apprendre, ne deviens pas trop confiante mais... je pense que tu as la capacité d'intégrer la Garde.
Elle retira ce qu'elle venait de penser. C'était l'occasion de se venger. Se venger du meurtre de ses parents et de la disparition du district. L'occasion de tuer tous ceux qui, depuis des années, les assassinaient dans le but d'augmenter leur pouvoir et leur argent. Ou du moins celui, Drake. L'homme le plus détestable du système solaire et bien au delà. Nommé par crainte le Gouverneur, il organise tout. Attentats, meurtre, exécutions sommaires, torture.
Sa proposition venait comme un miracle. Elle pourrait s'engager réellement dans sa cause avec des gens qui ont le même objectif qu'elle, et échapper au service militaire du Gouvernement.
Sans prévenir, elle prit Ethan dans ses bras et le serra fort contre lui.
- Ma blessure, Elma !
Elle se retira doucement, et regarda le bel homme qui se tenait devant elle. Dans sa tête, tout se bousculait. Un mélange de sentiments divers l'habitait : la joie, le désespoir, la colère... Mais sa soif de vengeance dominait.
Elle avait envie de rentrer dans la Garde de l'Ombre. Les engagés étaient honorables. On les aimait pour leur aide envers les ghettos, principalement. Elma ne l'avouerait jamais à haute voix, mais Ethan avait raison à propos de l'avenir du siens. Tenter de le reprendre serait du suicide. Elle était effrayée pour tous ces gens qui mourront et souffriront par un motif plus qu'injuste, mais c'en était ainsi. Maintenant, à elle de tout faire pour ne plus qu'aucune vie ne soit prise injustement.
- J'ai les pouvoirs nécessaires pour t'engager, mais promets moi une chose avant, rajouta-t-il face à son enthousiasme précipité.
Elle acquiesça d'un mouvement de tête sans émotion visible, mais en réalité, elle avait peur que cette promesse compromette son entrée dans la Garde.
- Ne sois pas insolente. Ne pose pas trop de questions. Écoute ce qu'on te dit. Tu auras une période de formation donc ne pense pas aller sur le terrain tout de suite. Mais surtout, surtout, n'entre dans aucun mouvement de rébellion parallèle.
- Un qu...
- Tu acceptes ?
Elle réfléchit le temps de quelque secondes. La rebellion, ça lui plaisait, mais si il fallait faire une impasse pour venger sa famille, elle le ferai.
- Evidemment.
- Alors en route. Sois discrète.
Ethan lui tendit sa main. Après un petit sourire séducteur, elle posa sa main dans le creux de la sienne. Il l'entraîna à l'extérieur de l'appartement, en passant par la porte principale.
Il jeta un bref regard à droite à gauche, et se dirigea vers la cage d'escalier avec une discrétion qui dépassait ce qu'elle avait pu voir de lui. Sous ses pieds, pas un seul bruit ne s'échappait. Il se confondait avec le décor, et invita Elma à faire de même. Ils descendirent ainsi dix étages, avec leurs vas et viens de regards, suspectant un ennemis de se dissimuler pour les attaquer. Ethan était vulnérable avec sa blessure. Il ne devait pas se faire surprendre.
- Attends ici, murmura-t-il.
Ils étaient arrivés en bas. Ethan jeta un vif coup d'œil à travers la porte entrouverte. À peine des yeux eurent-ils vu le massacre qu'il se coucha par terre par peur d'être vu. Il saisit la main d'Elma et l'allongea sur le ventre sur le sol rugueux. Ils étaient dissimulés, mais plus pour longtemps. Il fallait sortir. Ethan décrocha le sabre qui sommeillait dans son dos.
Il attendit quelques secondes que les membres du Gouvernement s'en allèrent. Lorsqu'il estima qu'ils furent hors de vision, il lui fit un signe de tête lui indiquant que la voie était libre. Accroupis, ils se déplacèrent avec agilité en se dissimulant derrière quelques voitures. La sortie était proche. Il ne leur restait que quelques mètres.
- Où comptiez-vous aller ainsi ?
Elma et Ethan se retournèrent vers l'interpellation.
- Il serait dommage de louper la rencontre de deux véritables Gardes. Ou du moins, un et demi, ajouta la femme en regardant Elma, les sourcils froncés d'un air hautain affichant un certain dégoût.
Ethan fut rapide. Quelques dixièmes de seconde plus tard, il se tenait derrière l'ennemi, l'arme contre sa gorge. Il lui murmura à l'oreille.
- J'aurais adoré honorer cette rencontre. Mais, tu vois, il y a un petit problème à ça.
- Un problème ? Il n'y a jamais de problème avec toi chéri.
- Le problème, c'est que nous ne sommes plus dans le même camp. Je regrette. Tu sais, depuis ta... comment appelles-tu ça déjà ? Ta démission ? Ah oui, c'est ça, ta trahison. Envers la Garde. Envers moi. Tu n'y échapperas pas, Calista.
- Tue moi si tu le souhaites mon cœur.
La femme avait prononcer ses mots avec un sourire pendu à ses lèvres. Elle le croyait incapable de le tuer. Elma pensait tout le contraire. Elle n'attendait qu'une chose. Qu'il lui tranche la gorge pour qu'ils puissent s'enfuir, loin.
- Qu'attends-tu Ethan ? Achève-la et allons-nous en pour la Garde ! Insista Elma.
- La Garde. Wahou petite, tu en as de la chance. J'étais comme toi. Ethan m'a trouvée et m'a sauvée. Mais un jour, il m'a remplacée. Et tu finiras comme moi. Viens avec moi tout de suite, tu éviteras toutes ces années de souffrance inutiles qui te détrui...
Ethan enleva le sabre de sa gorge blanche.
- C'en est assez. Calista, va-t-en. Et toi, tu viens avec moi, dit-il à Elma en la pointant du doigt.
- Tu la laisses partir ? S'étonna-t-elle. Ethan, tu as perdu la tête. Si tu ne la tues pas, je le ferai.
Le rire de Calista éclata.
- Crois-tu vraiment pouvoir me battre ? Tu débarques, comme ça, avec ta petite bouille de fille perdue dans un combat dont tu ne sais rien en pensant pouvoir tuer sans aucune arme une femme qui, aussi intelligente soit-elle, a été élevée pour cette guerre, et qui reçoit des cours de combat depuis ses cinq ans ? Alors je t'en prie jeune novice. Tue moi si tu t'en sens capable ! Tranche moi la gorge, éventre moi. Mais sache que tu ne survivras pas. Nous sommes déjà bien trop forts pour les vrais gardes. Alors ne t'imagine pas pouvoir nous battre.
- Va-t-en Calista, ordonna Ethan.
Son regard s'attendrit.
- Je te retrouverai chéri.
Elle lui envoya un baiser alors qu'elle s'en allait rejoindre son armée et sa cause dévastatrice.
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