Ils l'avait fait.
Le Gouvernement avait attaqué.
Depuis plusieurs semaines, les habitants du ghetto 23 se révoltaient. Ayant compris que le Gouvernement se servait d'eux pour arriver à leur fin, ils avaient arrêté de travailler à leur profit.

Ils avaient joué avec le feu. Il s'étaient brûlés.

Le Gouvernement envoya une troupe blindée tuer celui qui s'opposerait et oserait se mettre sur leur chemin. Les soldats tuèrent des enfants. Torturèrent les femmes. Mais récupérèrent les hommes. Ils se débattaient, tentaient en vain de s'échapper de la corde ou des menottes qui les privaient de leur liberté, qui les arrachaient de leur famille, mais ils n'y pouvaient rien. Le feu est trop puissant. Et le feu, c'était le Gouvernement, puissance mondiale. Pas un ghetto de deux mille cinq cents habitants.

Elma se cachait sur son balcon. Sa cachette était stratégique : basse pour pouvoir sauter et s'échapper, à l'extérieur pour respirer en cas d'incendie et dissimulée par des paravents.
Sauf que la jeune fille n'avait aucune envie de rester en retrait de la guerre civile. Elle voulait se battre au nom de son peuple. Mais il fallait qu'elle reste en vie. Car elle était spéciale, c'est ce que l'Oracle lui avait dit, et l'Oracle a toujours raison. Personne n'ose le contester, s'opposer à lui et à ses décisions. Il est trop puissant.

Elle aurait pu être utile. Elle avait appris à se battre. Mais à cause ou grâce à l'Oracle, sa place n'était pas sur le front, et son destin n'était pas de mourir.
D'un coup, Elma entendit un bruit qui venait du petit habitat. Elle s'accroupit, laissant ses genoux frôler le sol, et sa main entrouvrir la porte extérieur.
Personne. Elle avait du rêver.
Mais une fraction de seconde plus tard, une hache traversa la porte. Elma sursauta sur un coup de frayeur. Calme, toujours rester calme. Son cerveau réussit, malgré la peur à analyser la situation. Elle songea à sauter, mais trois soldats se battaient à la machette juste en dessous d'elle.

Prise d'un mouvement de panique, elle saisit le couteau enfoncé dans sa ceinture et se mit en position de garde. Ses yeux observaient chacun des mouvements de l'air et ses oreilles particulièrement fines détectaient les éventuels mouvements. Elle entendit des pas s'éloigner. Mais Elma était intelligente, et se doutait d'un piège. Elle resta donc pendant quelques minutes encore, attentive aux moindres détails.

Elle entendit des coups de couteau s'enfoncer dans une chair fraîche. Le son était insoutenable et il persistait. Ce temps fut les secondes les plus longues de son existence. Promptement, elle se boucha les oreilles afin de ne plus avoir à supporter cette horreur. Elle imaginait la scène, un membre du Gouvernement massacrant l'un des siens.. Les visages des personnes qui avaient la possibilité de se trouver sous le couteau lui virent à l'esprit. Sa mère, son père, son frère jumeau. Ses amis. Peut être bientôt elle ?

Elma décida d'intervenir. Et tant pis pour l'Oracle.
Elle saisit son couteau et pénétra dans l'appartement. Ses pas craquaient contre le parquet bon marché et mal fixé. Sa respiration était coupée. Elle s'avança vers la pièce d'où venait les bruits particulièrement insupportables.

Elle appuya sur la poignée et la porte s'ouvrit, accompagné d'un grincement de trop. Le tueur se retourna et elle lui planta le couteau dans l'épaule, par réflexe.
- Mais qu'est ce que t'es conne ! Fais gaffe à qui tu fais ça bordel !

Étonnée, elle ne s'enfuit pas en courant comme elle comptait le faire. Elle observa l'homme et se rendit compte qu'il faisait partie de la Garde de l'ombre.
- Excuse moi je..
Elma se précipita dans la salle de bain de l'appartement espérant trouver de quoi le soigner.

Elle ouvrit chaque placard, ce qui ne fut pas très long vu la superficie assez limitée de l'appartement. Elle y trouva bandage et produits antiseptiques.

Lorsque qu'elle rentra dans la pièce où se trouvait le soldat, elle regarda avec dégoût le cadavre qui s'étalait sur le sol. Il avait une machette dans la main droite, recouverte par une fine couche de sang frais. Charmant.

- Je te propose que l'on change de pièce, insista-t-elle.
Il lui sourit gentiment et tenta de se lever. Tenta.

Il hurla de douleur tant son épaule lui faisait mal. Elma se sentait terriblement coupable. Elle n'avait pas fait attention, il est pourtant facile de différencier les membres des deux camps. Les gardes de l'Ombre sont tout vêtus de noir, et une capuche dissimule leur visage. Un long manteau les protège du froid et couvre les formes. Il est donc impossible de savoir si l'on a affaire à un homme ou une femme.

Les membres du gouvernement, eux, portent des gilets par balles, pratiquement inutiles car les munitions sont excessivement chères et il est donc très difficile de s'en procurer, des casque anti bruits pour les explosions et des machettes. Ils ont toujours des armes à feu à leur ceinture.

Elma aida l'homme à marcher et le posa sur le canapé. Assis, il lui tendit la main.
- Ethan. Ethan Willem.
- Elma Schalke. Enchantée.

Ils se serrèrent la main. Cette poignée fut plus qu'un simple bonjour. Elle représentait l'espoir d'une alliance nouvelle et un signe de confiance mutuelle.

Malgré tout, Ethan la regardait avec amertume. Sa plaie le ralentirait dans sa mission, et la lenteur, c'est la mort. La mort, c'est un soldat de moins. Les soldats de moins, c'est la défaite. Et la défaite, c'est une dictature mondiale et universelle du Gouvernement, dirigé par le plus grand salaud de l'histoire, Drake.

Elma déboutonna la chemise, aussi noire que les yeux d'Ethan. Elle laissa apparaître son torse.
La jeune fille désinfecta la plaie puis fixa un bandage avec maniement.

Certain que le sang ne pouvait plus s'échapper, il se leva malgré la douleur insupportable. Il remit son manteau et rangea son couteau dans une poche intérieure.
Il se leva et remercia tout de même Elma.

Ethan sortit au balcon pour observer les combats.
- Tu es fiable ? lui demanda-t-il
Elma répondit du tac au tac.
- Je ne vais pas te répondre non.
- Mes hommes se cachent derrière le hangar, là bas. Il faut que je les rejoigne au plus vite.
- Passe derrière la prison , il y a une petite ruelle qui desserve sur l'arrière de la ville. Tu les retrouveras par là. Vous préparez une nouvelle offensive ?

Il rigola légèrement.
- À vrai dire, nous allons partir. De toute façon c'est trop tard pour ce district. Il appartient au Gouvernement désormais.

À peine avait-il prononcé le dernier mot que Ethan se prit une claque en pleine tête. 
- Sale con.
Elma se retira du balcon. Elle comptait sur la Garde. Comment allaient-ils survivre sans aide ?

Elma était désespérée. Ce quartier représentait toute son enfance. Elle l'avait vu évoluer. Lorsque les premières publicités spatiales apparurent, elle avait 13 ans. Depuis, rien n'est plus pareil. Ils sont près à s'entretuer pour une seule planète alors que l'univers est infini, pensa-t-elle.

Elle observait les combats, collée contre la vitre. Elle vit un membre du Gouvernement galérer avec deux habitants du district. Il n'était pas assez rapide.
- Je suis désolé Elma. Tout le monde ne pourra pas être sauvé.
Elle ne répondit même pas à sa remarque tant elle la trouvait répugnante.
- Qu'est-ce que tu regardes ?
Ethan s'approcha de la vitre.
-Cette femme te ressemble beaucoup.

Le choc fut immense. C'était sa mère qui était en train de se faire frapper. Son père était à côté d'elle, et il se battait contre un soldat. Où était son frère ?
Elle courut à la porte pour partir les aider mais Ethan la retint pour ne pas qu'elle se fasse tuer elle aussi. Elle tenta de se défaire de son emprise mais ces quelques minutes de lutte firent que lorsqu'elle se pencha à nouveau sur la fenêtre, il ne restait plus que deux cadavres boueux.

À partir de ce moment là, la haine envers le Gouvernement habita son âme et son cœur.
Et vengeance devint sa seule motivation.

Le chapitre n'est pas très joyeux, mais ne vous inquiétez pas, c'est juste pour introduire le sujet 😉
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