Chapitre 62

Installée sous la tente de commandement, Jeanne se massait les tempes dans l'espoir de faire passer un indescriptible mal de tête qui l'avait empêchée de dormir une bonne partie de la nuit. La faute à ces sauvages d'Astréens et à leurs cris bestiaux.

Elle jeta un œil au tesson de verre qu'elle avait détourné en miroir de poche improvisé et observa son reflet d'un œil critique. Les cernes sous ses yeux trahissaient sa fatigue mais elle n'en restait pas moins belle.

Il fallait qu'elle voie le bon côté des événements. Tout s'était déroulé comme elle l'avait prévu. Le marchand gracieusement payé avait tuyauté Margau au sujet d'un faux filon dans la vente d'armes à feu. Désireux de s'enrichir le plus rapidement possible, l'ancien ministre du commerce avait alors influencé Ghunter dans l'espoir que ce dernier, facilement sujet à la paranoïa, déclenche une guerre en tentant d'en éviter une.

La disparition imprévue du roi avait même facilité ses plans. Les soldats, privés de leurs principales têtes pensantes, avaient paniqué et fait feu sur un soldat borméen avec l'une des armes acquises par Ghunter et que ces pauvres Astréens ne savaient guère manipuler.

La guerre était déclarée.

Il est vrai qu'elle avait prévu cette éventualité dès le départ et c'était la raison pour laquelle elle avait essayé de se débarrasser de Daraen lors de la partie de chasse. Effrayer sa monture s'était révélé être une tâche plus aisée qu'elle ne l'avait cru au premier abord, bien aidée par le mauvais temps soudain. Il avait cependant survécu et elle avait dû changer ses plans. Il faut dire qu'elle l'aimait bien, ce petit roi ; lui qui avait aboli l'esclavage contrairement à Bormes.

Si seulement sa mère et elle n'étaient pas nées au sein de l'Empire, peut-être celle-ci serait encore en vie.

Lorsque le roi avait été kidnappé, elle avait permis à Rayn de le retrouver. Lui aussi elle l'aimait bien, toujours un mot gentil à son attention ou à tempérer sa sœur au caractère exécrable.

— C'est elle que j'aurais dû poignarder cette nuit-là, pas le soldat, se surprit-elle à marmonner tout bas.

À l'origine, elle avait prévu de tuer l'autre et de laisser la vie à Rayn. Mais il avait fallu qu'il se mette devant elle pour la protéger.

Cet homme était bien trop gentil pour être soldat.

Elle supposait, peut-être à tort, que c'était la raison pour laquelle elle avait écouté ses dernières paroles et suggéré d'envoyer Jeff comme messager. Elle avait naïvement pensé se sentir un peu moins coupable en leur rendant les têtes mais, au final, elle ignorait tout de ce qu'était la culpabilité.

La cloche retentit à travers tout le campement et, déjà, l'agitation régnait dehors. La bataille tant attendue débutait.

Son fusil négligemment balancé par-dessus son épaule, Jeanne sortit de la tente. Elle mit en joue la tour de guet de l'autre côté de la frontière et appuya sur la détente. Un corps bascula par-dessus le garde-fou et vint s'écraser quinze mètres plus bas. Elle sourit à cette vue et fit claquer sa langue d'excitation.

Voilà! Là,la guerre avait vraiment commencé.

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