Chapitre 61

Rassérénés par la soudaine présence de leur souverain sur le terrain, nombreux étaient les hommes venus s'engager pour gonfler les rangs de l'armée. Aucun d'entre eux ne demanda de compensation pour leur dévouement et sacrifice, laissant sous-entendre que la simple vision du roi des Lys à leurs côtés suffisait amplement à payer le trajet pour leur dernier grand voyage.

Ces volontaires de dernière minute n'eurent que quelques jours afin d'apprendre les rudiments du maniement de l'épée avant que l'armée ne se mette en marche vers la frontière où l'attendrait l'armée borméenne.

Deux semaines durant, les soldats marchèrent d'un pas cadencé, faisant preuve d'une étonnante solidarité pour un groupe formé sur le tas dès lors que l'un d'entre eux montrait des signes de faiblesse. Ils avançaient de l'aurore au crépuscule et s'exerçaient à l'épée une fois le camp installé jusqu'à ce que l'obscurité ne rende tout entraînement impossible.

Ils avaient finalement atteint leur campement à la frontière, les lumières des Borméens dansant dans les ténèbres de la nuit à deux pas de leur position. Demain, ils rejoindraient les gardes frontaliers et ils combattraient.

Émilia passa une dernière fois ses troupes en revue avant de partir en guerre. Elle avait pu observer ces hommes s'entraîner assidûment ces derniers jours et elle avait reconnu en chacun d'eux le style d'épéiste de Rayn. Ils n'étaient certes pas de fins bretteurs mais nul doute qu'en tant que maître d'armes, il aurait été fier du niveau atteint par ses élèves en un laps de temps si court.

Elle longea son armée rassemblée dans la cour improvisée, dans un sens puis dans l'autre, sans prononcer le moindre mot avant de se hisser sur une caisse en bois. Sur sa scène de fortune, elle dominait ses soldats dont les regards étaient à présent braqués sur elle. Tous retenaient leur souffle, suspendus à ses lèvres qui se descellèrent enfin.

— Soldats ! Tenez-le pour dit : Je suis fière de l'armée astréenne. Nobles et paysans, jeunes et anciens, vous voilà tous unis sous une même bannière pour combattre. Demain, la bataille aura commencé avant nous. Demain, nous accueillerons les enfers à bras ouverts.

» Certains le feront par patriotisme, d'autres par ambition ou encore pour leur famille. Je ne vous dirai pas sacrifier ma vie pour mon peuple. Je ne vous mentirai pas en ces dernières heures. Demain, je pourfendrai mon ennemi de mon épée et vengerai le meurtre barbare de l'être aimé. Demain, je resterai debout jusqu'à voir la chute de l'Empire de Bormes et de son armée. Seulement alors je pourrai reposer en paix.

» Alors montrez-leur, soldats ! Montrez à Bormes la peur que peut inspirer cette armée dont je suis si fière ! Fracassez leurs précieux fusils et embrochez-les de vos lames. Relevez-vous tant qu'un Borméen se dressera sur votre chemin et sortez victorieux !

Pour nombre d'entre eux, c'était la première fois qu'ils entendaient la voix de leur souverain, un étrange mélange de douceur et de fermeté, de sensualité et de virilité à l'état brut.

Un long silence accueillit son discours puis les hurlements s'élevèrent, les bottes frappant le sol à l'en faire trembler.

— Daraen ! Daraen ! Daraen ! scandèrent les soldats à s'en briser la voix.

Ce soudain élan de confiance rassura la jeune reine qui espérait que leurs échos arrivent jusqu'aux oreilles de l'armée adverse pour leur apporter un avant-goût de la peur qu'ils ressentiraient par la suite.

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