Chapitre 59

Confortablement installée près de la fenêtre, Émilia regardait la neige tomber en fredonnant la comptine que lui avait apprise Rayn. Lové tout contre elle, Daryon dormait paisiblement après avoir tété un long moment le sein de sa mère, repu.

Elle guettait le retour de Sophie qui, depuis le départ du soldat, avait dû recommencer à faire des allers-retours entre la maisonnée et le village pour se réapprovisionner.

Un gémissement attira son attention mais l'inquiétude disparut aussi vite qu'elle l'avait gagnée. Le petit ange devait rêver, de petits bruits dépassant parfois ses lèvres entrouvertes.

La jeune femme commençait lentement à se remettre de l'accouchement et profitait pleinement de la présence de son bébé, le fruit de leur amour. Elle ne pouvait plus en douter après avoir vu les yeux d'un bleu très pur de Daryon, identiques à ceux de son père.

Comme elle avait hâte que Rayn revienne et prenne dans ses bras leur fils qui lui sourirait pour la première fois. Elle avait si souvent visualisé cette scène avec tant de précision qu'elle avait parfois du mal à se convaincre que tout cela n'était que le fruit de son imagination.

La porte s'ouvrit à la volée, laissant un vent glacial refroidir toute la maison. Sophie, recouverte de neige de la tête aux pieds, s'empressa de la refermer derrière elle. Elle n'avait pas encore posé son fardeau qu'elle cherchait déjà sa fille des yeux.

— Je suis ici, l'appela cette dernière en lui faisant signe depuis son observatoire. Attends, je viens t'aider.

Émilia se leva et, délicatement, reposa Daryon dans son couffin, son regard accrochant un instant les chaussons en laine qui protégeaient ses petits pieds du froid. Elle était à la fois fière et soulagée d'être parvenue à les confectionner à temps.

— La tempête s'est levée d'un coup, c'est fou, s'exclama-t-elle alors qu'elle aidait la vieille femme à se débarrasser de sa hotte qui lui écrasait le dos sans pitié.

Elle déposa les provisions si durement gagnées sur la table et revint suspendre dans l'entrée le manteau trempé.

— Alors, comment cela s'est passé au village ? Tu as eu des nouvelles ? La guerre est terminée ?

Émilia savait bien qu'elle ne pouvait pas se terminer aussi vite mais ne pouvait s'empêcher de poser la question à chaque fois, pleine d'espoir que ses prières soient enfin exaucées.

— D'ailleurs. Ne sois pas trop dégoûtée mais pendant que tu t'étais absentée, Daryon a dit son premier mot. Mapa, un mélange de maman et papa. Ce petit coquin est très intelligent, il sait déjà comment satisfaire les deux partis.

En prononçant ces paroles, la souveraine riait de sa propre bêtise. Daryon était bien trop jeune pour prononcer le moindre mot. Tout au plus, le bébé avait émis des sons incompréhensibles que le cerveau de la maman avait interprété comme bon lui semblait. Elle se plaisait toutefois à imaginer son fils les appeler ainsi. 

Tout en parlant, elle sortit la viande qu'elle attacha à des ficelles pour la suspendre sous le porche d'entrée. Le froid se chargerait de la congeler, permettant ainsi de la conserver plus longtemps. Elle déversa ensuite les différents légumes secs dans les pots étiquetés.

— Émilia, appela Sophie d'une voix cassée.

— Qu'est-ce que j'aurais aimé que Rayn l'entende, lui aussi. Je suis certaine qu'il aurait pleuré de joie, lui qui laisse difficilement ses sentiments s'exprimer. Tu savais que pour lui, un homme qui pleure fait preuve de faiblesse ? C'est vraiment ridicule.

— Émilia, l'interpella Sophie plus fort, l'obligeant à lui faire face.

La jeune femme scruta un moment le visage marqué et rougi de sa mère et comprit que quelque chose n'allait pas. Elle ne résista pas lorsqu'elle la força à s'asseoir sur une chaise et l'écouta sans prononcer le moindre mot.

— Écoute-moi, ma chérie. Rayn... est mort.

Et lemonde d'Émilia s'arrêta de tourner.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top