Chapitre 58
Assis sur le trône, Durkhem laissait son regard se perdre dans l'immensité de la salle vide. Il avait tellement rêvé de s'y asseoir que la réalité s'était avérée bien plus fade qu'il ne l'aurait cru. Il ignorait quoi, mais une ombre au tableau venait noircir le décor et l'empêchait de savourer pleinement cet instant.
Peut-être était-ce de devoir se cacher derrière sa godiche de nièce, incapable de comprendre quoi que ce soit à la politique. Cela ne l'étonnait guère, une femme n'étant bonne qu'à entretenir son mari, mais, inconsciemment, il avait nourri le maigre espoir qu'elle puisse se révéler plus utile. Ils étaient du même sang, après tout.
Peut-être, aussi, était-ce en raison de la disparition de Daraen. Ce petit impertinent avait disparu du jour au lendemain et cela faisait des mois qu'ils étaient sans nouvelles. Bien sûr, le ministre avait lancé des recherches, très discrètes, sous prétexte qu'il ne fallait pas que la disparition de Sa Majesté ne s'ébruite. Sa disparition l'arrangeait bien, il avait pu organiser le mariage d'Evelyn malgré l'absence du roi, comme il l'avait prévu au moment de faire parvenir la convocation chez son frère. Cela dit, ne pas savoir où se trouvait le jeune homme maintenant était une source d'inquiétude supplémentaire dont il se serait bien passé, craignant de le voir revenir à tout instant. Mieux aurait valu le savoir mort pour de bon.
En y repensant, il y avait bien une autre affaire qui pouvait être responsable de sa mauvaise humeur du moment. Cela faisait maintenant un mois que Rayn et son équipe étaient partis pour Bormes et ils n'avaient toujours pas eu le moindre message ni eu vent d'une quelconque rumeur sur les événements tragiques qui auraient dû frapper l'Empire.
Ses doigts vinrent jouer sur l'accoudoir, le rythme accélérant en même temps que son agacement grandissait.
Que pouvait-il donc bien faire depuis tout ce temps ? Son frère n'avait engendré que des incapables. Il aurait pourtant dû le savoir, vu le père.
— Excusez-moi, Premier ministre ! s'exclama un soldat en faisant irruption dans la salle du trône.
Durkhem se redressa brusquement, manquant de basculer en avant. Il se racla la gorge afin se redonner un semblant de contenance avant de darder un regard mauvais sur l'importun.
— Que veux-tu ?
— Le... L'équipe partie pour l'Empire de Bormes est de retour. Elle est de retour mais...
Le ministre ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase. Il se précipita vers l'entrée principale où s'était rassemblée une impressionnante foule, autant du côté du château que de celui de la ville où les villageois avaient suivi d'un regard inquiet le nouvel arrivant.
Un soldat au visage tuméfié, traînant la patte et les mains ligotées dans le dos, s'effondra d'épuisement à peine eut-il franchi les portes. « Aidez-nous... » l'entendit-on murmurer avant qu'il ne perdre connaissance. Le contenu de l'énorme sac en toile ensanglanté qui ballottait jusque-là dans son dos se déversa alors sur le sol, s'étalant à la vue de tous.
Des cris de surprise et d'effroi se mêlèrent aux sons disgracieux des spectateurs les plus fragiles qui rendaient leur dernier repas. Même Durkhem, pourtant habitué à voir des horreurs, sentit une bile acide remonter le long de sa gorge et dut faire son maximum pour ne pas s'humilier en vomissant en public.
Lestêtes des soldats partis en mission roulèrent sur la terre, teintant le sol detaches noirâtres.
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