Chapitre 54

— Un peu de nerfs ! hurla Rayn sur les soldats en herbe qui s'éreintaient à l'entraînement. Vous êtes sûrs d'avoir travaillé dans les champs ? C'est quoi ces bras de fillettes !?

Certains paysans, blessés dans leur fierté, baissèrent les armes et firent un pas envers leur maître d'armes, menaçants. Un seul regard de celui-ci suffit à les faire regagner le rang et reprendre l'entraînement.

— Abattez-moi ces épées et plus vite que ça.

À ses côtés, Jeff bombait le torse. Plus que l'honneur qu'il éprouvait de pouvoir aider Rayn dans sa mission, il ressentait une indicible joie de retrouver ainsi son ami disparu des mois durant. Un bonheur qui aurait été parfait si Sa Majesté Daraen était revenue, lui aussi.

— C'est Sa Majesté Evelyn qui doit être peinée, marmonna le garçon à cette pensée.

Rayn fit claquer sa langue, agacé. Sa Majesté Evelyn. Les choses avaient bel et bien changé en leur absence, et pas en bien. Dire que ces deux vautours étaient allés jusqu'à organiser un mariage dans la plus grande discrétion et sans le principal concerné.

Que Daraen réapparaisse ou non, Durkhem avait eu ce qu'il voulait. Il valait même mieux pour Émilia qu'elle ne revienne jamais.

— L'épée n'est pas une houe, s'agaça le maître d'armes en avançant à grands pas vers un paysan réfractaire à l'entraînement. Combien de fois dois-je vous le dire ?

— Quelle importance ? s'étonna ce dernier, défiant son professeur de sa masse de muscles. À deux mains, j'avons plus de forces. J'pourra même fracasser quelques crânes. Z'êtes pas d'accord ?

D'autres agriculteurs stoppèrent leur entraînement pour approuver les dires de leur camarade. La main sur le pommeau de son arme, Rayn le gratifia d'un petit sourire narquois.

— Tu t'moques de moi ?

— Tu es plutôt malin en fait, ironisa le soldat. Pourquoi ne pas faire un essai, dans ce cas ? Un seul coup. Tu me touches, je vous laisse vous entraîner comme bon vous semble. Si c'est moi qui te touche, hé bien... Disons que plus personne n'aura à supporter ta sale gueule.

Offensé, le paysan cracha par terre. Marmonnant des paroles inintelligibles mais certainement pas élogieuses, il tourna le dos à son adversaire pour se mettre en position. La seconde d'après, il mangeait la poussière sous les yeux effarés du public qui avait formé un large cercle autour d'eux. Rayn lui avait asséné un coup de pied dans les reins sans prévenir.

— Ne les brutalise pas trop, le tempéra Jeff dont le corps se rappelait encore de certains entraînements avec lui.

— Relève-toi, boursemolle.

L'homme, dont le corps avait été forgé par le travail des champs depuis son plus jeune âge, se releva sans mal. Saisi par une rage viscérale, il brandit son épée au-dessus de sa tête, prêt à l'abattre sur le crâne de ce freluquet.

Rayn plongea en avant et enfonça le pommeau de son arme jusqu'à la garde dans son plexus. L'homme cracha avant de s'effondrer en arrière.

— Écoutez-moi tous maintenant, bande de coqueberts ! Il ne me viendrait jamais à l'idée de venir vous apprendre comment travailler les champs. Mais ici, on est sur mon terrain.

Il dévisagea chacun de ses élèves, soudain très calmes, avant de reporter son attention sur sa victime, encore en recherche d'oxygène.

— À la guerre, il n'y a aucune règle. On n'attendra pas que vous soyez prêt. Vous n'aurez pas encore sorti votre épée de son fourreau que votre tête roulera au sol. Je vous laisse encore une chance de choisir votre destin : Partez maintenant ou fermez-la et faites ce que je vous dis si vous voulez avoir une chance de survivre.

Un long silence accueillit sa déclaration puis, lentement, tous se remirent à l'entraînement. Satisfait, Rayn retourna sur le bord du terrain afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble.

— Tu ne fais jamais dans la demi-mesure, rit nerveusement Jeff qui avait vu le moment où il devrait expliquer pourquoi leurs nouveaux soldats avaient déserté.

— Ce n'est pas vrai. J'aurais tout aussi bien pu le tuer, répondit le maître d'armes avec le plus grand des sérieux.

Le garçon observa son ami, intrigué par son comportement. Confiant dans les liens que les deux hommes avaient tissés au fil de leurs entraînements, il se permit quelques familiarités.

— Comment peux-tu être aussi serein alors que Sa Majesté est toujours portée disparue ? J'avais pourtant l'impression que vous étiez proches.

Rayn sourit à ses mots, énigmatique, puis le rabroua gentiment sans quitter ses élèves des yeux.

— Tu es bien curieux, soldat. Concentre-toi plutôt sur la mission.

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