Chapitre 40
La mission de sauvetage avait viré à l'expédition punitive et rares étaient ceux qui avaient pu s'échapper du camp ou avaient été épargnés. Les soldats qui en revenaient, couverts de boue et de sang des pieds à la tête, faisaient vraiment peur à voir.
Le retour de Daraen s'était fait en toute discrétion, son escorte profitant de la nuit et du brouillard. Avec les rabanelles qui tombaient, pas un chat n'aurait mis le nez dehors. Ils avaient contourné les axes principaux, évitant ainsi toute rencontre fortuite, et s'étaient glissés dans l'enceinte du palais par les quartiers des domestiques.
Une entrée silencieuse qui contrastait avec l'effervescence qui régnait au château depuis l'annonce de son retour. Tous s'affairaient afin d'être utiles.
Bien évidemment, Evelyn fut la première à accueillir le roi, bien avant les servantes, leurs bras chargés de serviettes chaudes, et son oncle venu aux nouvelles.
Elle ignorait à quoi elle s'attendait en l'apercevant, mais certainement pas à ça. Des cheveux emmêlés, sales et poisseux, une peau tuméfiée que laissait entrevoir le manteau qu'on avait posé sur ses épaules dans l'espoir de le réchauffer. Il n'avait plus rien du roi des Lys des rumeurs, une beauté qu'elle avait toujours convoitée.
Evelyn était certainement la personne que ce retour enchantait le plus, elle qui s'était rongé les sangs des jours durant par crainte de voir son monde s'écrouler. Elle s'était déjà vue devoir renoncer au trône promis et retourner dans sa campagne perdue où elle aurait fini par épouser un noble à la position bien moins envieuse que celle de Daraen et, surtout, beaucoup moins beau.
Oh, elle y tenait à la plastique irréprochable de son futur époux. La beauté de ce dernier risquait toutefois de poser quelques problèmes. La jeune femme en avait déjà fait l'amère expérience au cours de la soirée donnée en l'honneur du roi. Dès lors qu'il se trouvait à ses côtés, tous les efforts qu'elle avait faits pour devenir parfaite en tout point étaient évincés par sa grâce naturelle.
Il lui faisait de l'ombre et elle ne pouvait tolérer pareil affront.
— Votre thé, bredouilla Jeanne en déposant la tasse d'une main tremblante devant sa dame.
— Ce n'est pas trop tôt, s'agaça Evelyn qui dut se faire violence pour ne pas sursauter.
Plongée dans ses réflexions, elle ne l'avait pas entendue arriver.
Portant sa boisson au bord des lèvres, la noble damoiselle jeta un regard un biais à la petite servante qui s'affairait à refaire le lit. Ses gestes étaient précis, silencieux. Si Evelyn n'y prêtait pas attention, elle parvenait même à en oublier sa présence parfois.
Tandis qu'elle continuait de l'observer discrètement, une idée germa dans son esprit. Une idée simple mais qui s'avérerait la plus efficace de toutes celles qu'elle avait pu avoir jusque-là.
Une fois mariés, il suffirait d'un petit accident pour enlaidir un peu son époux. Jeanne serait parfaite pour cela. La bougresse était si maladroite que cela n'étonnerait personne. Dans le pire des cas, la servante serait châtiée, exilée ou pendue. Quelle importance ?
— Tu as fait des progrès, la complimenta-t-elle avec satisfaction en savourant son thé.
Une ombre vint rapidement tacher le tableau et sa boisson changea, soudain plus insipide. Restait encore le comportement de Daraen à son égard.
Voilà un mois qu'il était de retour, cloîtré dans ses quartiers, et pas une seule fois il n'avait accepté de la recevoir. Ce n'était pas faute d'avoir essayé, même son oncle n'avait pas réussi à le raisonner. C'était tout juste si Rayn parvenait à le voir, mais c'était encore pire que s'il ne le pouvait pas du tout.
Daraen appréciait visiblement davantage la compagnie de son beau-frère à celle de sa future compagne, et ça, c'était un problème supplémentaire qu'Evelyn se devrait de résoudre sous peu.
La cérémonie de mariage passée, elle se ferait un plaisir de renvoyer Rayn à sa guéguerre comme le soldat le souhaitait tant. Avec un peu de chance, il mourrait rapidement et Daraen serait alors enfin à elle seule.
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