Chapitre 39
Le rire de David résonnait dans la tente, et peut-être même dans le camp tout entier. Il riait fort, comme s'il désirait que le monde soit témoin de son indicible plaisir. Il riait à gorge déployée devant la déchéance de son roi.
— J'imagine déjà le tableau ! s'exclama-t-il, euphorique. La tête que fera Vivian quand je lui dirai que je me suis tapé la reine, lui qui n'est même pas fichu de mettre une catin dans son plumard. Vous n'êtes pas de mon avis, Votre Majesté ?
David n'avait usé du vouvoiement que pour rajouter plus de sarcasme dans ses propos. Cela faisait maintenant des jours qu'il avait abandonné toute forme de respect envers cette traînée qui avait osé tromper son monde en se travestissant comme un homme.
Il agrippa fermement un sein d'une main, jouant avec le mamelon du bout de la langue avant de le mordre à pleines dents. Il n'attendait pas de réponse de sa prisonnière qui, de toute manière, ne lui aurait jamais fait ce plaisir.
Le regard vide, perdu quelque part entre la paillasse et la toile de tente, Émilia n'était plus. Seul restait un mannequin fait de chair et de sang mis à disposition de ses tortionnaires pour les aider à soulager leur libido.
Elle avait pleuré, au début. On lui avait même volé ce droit. La source de ses larmes avait tari depuis bien longtemps et son âme seule hurlait encore. Le reste était mort pour laisser place à un indescriptible vide.
Elle pouvait sentir le poids du corps de David sur le sien, ses coups de reins qui faisaient vibrer ses os de douleur, son haleine putride lorsqu'il prenait ses lèvres de force. Elle ressentait tout mais ne manifestait pas la moindre résistance, poupée passive qui attendait que l'enfant se lasse et la délaisse.
Pas encore.
— Est-ce ainsi que tu t'assures le soutien des plus puissants ? demanda le noble de sa voix nasillarde. Aaaah... Quel dommage, j'aurais tellement préféré prendre ta virginité. J'aurais pu me vanter de t'avoir déflorée. Je parie que devant Rayn aussi, tu as écarté les jambes. Cela expliquerait pourquoi ce loup solitaire s'est transformé en fidèle cabot.
Rayn !
Le nom de son ami lui arracha une réaction. David rit encore plus fort lorsqu'il la sentit se resserrer sous l'émotion.
— Je vois que tu prends ton pied lorsque tu souffres, s'émerveilla-t-il. Imagine un peu la réaction de Prester s'il découvrait que son seigneur joue les traînées pour quiconque lui permettrait de vivre quelques heures de plus.
Il laissa sa tête tomber dans le creux de son cou et s'extasia de l'odeur des cheveux de la jeune femme qui n'avait pourtant jamais été aussi sale. Il aurait été regrettable de la laver, selon ses partenaires de paillasse, car le savon aurait effacé toute trace de son odeur corporelle.
Les paroles de David arrachèrent une nouvelle réaction à Émilia, pour son plus grand plaisir. Elles la blessaient d'autant plus de par la vérité qu'elles renfermaient. Le seul souvenir des corps de Margau et du commerçant ravivait son désir d'en finir une bonne fois pour toutes, car elle savait. Elle savait que David ne serait pas le dernier à franchir les portes de cette tente.
Pas encore.
— Aussi belle qu'un Lys, susurra le noble en portant une mèche de ses cheveux ébène à ses lèvres. Ne t'inquiète pas, je vais te donner encore plus de plaisir.
Accompagnant ses paroles, ses mains glissèrent le long du corps exposé, s'attardant sur ses zones hétérogènes, montant et descendant avec une extrême lenteur. Soudain, elle manqua d'air. Ses doigts s'étaient refermés autour de sa gorge. Une gorge dépourvue de pomme d'Adam.
« Et nous qui pensions qu'elle était seulement sous développée » s'était agacé David lorsqu'ils avaient commencé, alors que sa langue goûtait à ce met interdit offert sur un plateau.
Il resserra sa prise tandis qu'il augmentait la cadence de ses à-coups. Il était proche du point culminant, ils le sentaient tous deux.
Proche de l'asphyxie, les yeux d'Émilia se révulsèrent lorsqu'il explosa. Le corps parcouru de spasmes, il bascula en arrière et se répandit en elle, un sourire béat gravé sur son visage.
Maintenant !
Son cri de jouissance se transforma en râle de douleur et il se recroquevilla. Elle en profita pour se libérer. D'un coup de pied dans le poitrail, elle l'éjecta de leur couche improvisée.
L'homme qui la dominait quelques secondes plus tôt se tordait à présent sur le sol, tel l'infâme ver de terre qu'elle pensait qu'il était. Cette vue lui donna l'impression de pouvoir aisément écraser sa misérable vie de parasite.
Émilia se leva maladroitement et ce qui était encore coincé entre ses cuisses retomba mollement par terre, arrachant un nouveau cri à son ancien propriétaire.
— Mon éperon... Ribaude ! Je te tuerai, éructa-t-il entre deux hurlements.
Les jambes ankylosées, elle s'accroupit sur le bas-ventre du bourreau devenu victime. Le regard toujours vide, presque un peu fou, elle fixait d'un air absent le petit poignard, jusque-là caché sous la paillasse, qui dansait maintenant entre ses doigts.
— Prends-tu du plaisir dans la souffrance, baronnet ?
Sa lame s'enfonça soudain dans la poitrine de David qui hurla de nouveau. Il tenta d'atteindre son cou et de l'étrangler, lui laboura les bras sur lesquels il s'était rabattu en désespoir de cause. Tout était bon pour se dégager.
La reine ne bougea pas d'un centimètre. Son corps avait été forgé par ces années d'entraînement avec les membres de la Garde Royale, un entraînement qui manquait cruellement au noble aujourd'hui.
Sa main s'abattit de nouveau. Encore, et encore, et encore. La justice frappait, implacable. Peu à peu, David cessa de se débattre mais Émilia n'arrêta qu'une fois son dernier souffle expiré, lorsque le silence apaisant remplaça les cris.
— Moi, en tout cas, je n'ai ressenti aucun plaisir...
Trop concentrée, la reine n'avait pas entendu dans le camp les cris qui s'étaient fondus dans ceux de sa victime. Eux aussi s'étaient tus, à présent.
Des bruissements dans le dos d'Émilia lui ôteraient le maigre espoir qu'il lui restait. On entra dans la tente, sans doute alerté par les hurlements de David, semblables à ceux d'un porc sur le point d'être égorgé. Elle n'avait plus la force de lutter et se tourna simplement vers la Faucheuse venue la chercher.
— Rayn...
Le soldat, physiquement et mentalement éreinté, fixait la jeune femme maculée de sang et le regard morne, son poignard dans les mains. Ses yeux glissèrent vers le tas de chair immonde sous elle et il finit par reconnaître David Marden, tellement charcuté qu'il en était méconnaissable. Il serra les dents, si fort qu'il en sentit certaines s'ébrécher.
Si ce châtron n'était pas mort, il s'en serait chargé.
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