Chapitre 32

Lorsque Rayn émargea de nouveau, le soleil n'était pas encore levé et les oiseaux venaient d'entamer un chant plein de timidité. Le souffle léger de sa compagne, encore endormie, venait chatouiller son oreille, agréable mélodie l'éveillant tout en douceur.

À bien y penser, il n'avait jamais passé une nuit complète avec ses précédentes partenaires. Chaque fois, il partait une fois l'acte terminé. Dans le meilleur des cas, il s'en allait au beau milieu de la nuit, sans prendre la peine d'avertir la femme assoupie à son côté. Il n'avait jamais ressenti le besoin ni même l'envie de rester. Pourtant, ce matin, le soldat n'aurait échangé pour rien au monde la chaleur doucereuse au fond de sa poitrine.

Il se redressa sur le coude, cala une mèche de la jeune femme derrière son oreille et déposa un baiser sur son front. Si un gémissement dépassa ses lèvres, elle ne se réveilla pas pour autant.

Un sourire étira sa bouche en coin alors qu'il l'observait se débattre au milieu des draps, à la recherche d'une position plus confortable. Il aurait pu rester ainsi à la regarder, des heures durant. Il savait toutefois qu'il n'en avait pas la possibilité. Pas s'il voulait préserver leur secret.

Aussi discret que possible, Rayn se glissa hors de la chambre de son amante, rentrant négligemment sa chemise froissée à l'intérieur de ses braies. Il avait tout juste le temps de regagner la sienne, de se changer, et la journée commencerait comme si rien ne s'était produit.

— Je peux savoir ce que tu fais là ?

Il grimaça. Tomber nez à nez avec sa sœur était certainement la dernière chose qu'il désirait. Les yeux cernés, poings sur les hanches, Evelyn dardait sur lui un regard assassin.

— J'attends, s'impatienta-t-elle. Pour quelle raison sors-tu de la chambre de Daraen à une heure si matinale ?

Il haussa les épaules pour se donner un air détaché qu'il était loin de ressentir. Sous l'effet de la peur ou de la culpabilité, il n'en était pas sûr lui-même, son cœur cognait si fort dans sa poitrine qu'il craignait qu'elle ne puisse l'entendre à tout instant.

— Sa Majesté m'a demandé de venir le réveiller aux aurores pour un entraînement.

— Et par où donc es-tu passé ? Je ne t'ai nullement vu entrer.

— La fenêtre.

Sa réponse avait fusé si vite qu'il en fut le premier surpris.

— C'est le plus rapide depuis le terrain d'entraînement, s'empressa-t-il d'ajouter pour obtenir plus de crédit. Cela fait déjà deux bonnes heures que je m'exerce.

Evelyn ne releva pas. Les exercices physiques de son incapable de frère ne l'intéressaient guère. Ce qui la dérangeait plus, par contre, c'était l'injustice dont elle était visiblement victime. Pourquoi diable pouvait-il entrer aussi facilement dans cette chambre tandis qu'elle s'en était vue refuser l'accès par le propriétaire des lieux ? Par tous les dieux ! c'était elle qu'il allait bientôt épouser, et non pas ce tas de muscles sans cervelle.

Tandis qu'elle toisait son aîné avec mépris, son attention se porta sur sa tenue. Le soldat était toujours vêtu de son beau costume qu'il ne sortait qu'en de rares occasions comme la soirée de la veille.

— Tu comptes t'entraîner dans cette tenue ?

Rayn baissa les yeux et saisit l'incompréhension et la curiosité malsaine qui brillaient au fond des prunelles de la jeune femme.

— La fête m'étouffait et je suis sorti me défouler jusqu'à l'épuisement. Je me rendais justement à mes appartements pour me changer quand...

Il ne termina pas sa phrase et dévisagea à son tour l'adolescente. Bien que dans un état bien moins glorieux, il reconnut la robe écrue que sa sœur avait tenue à porter pour l'annonce de ses fiançailles. Soit disant qu'elle mettait ses atouts en valeur, ce qui ne laisserait pas le roi indifférent. Un mauvais pressentiment traversa l'esprit du jeune homme quand il parla.

— Dis-moi que tu n'as pas fait le pied de grue devant sa chambre...

Il avait articulé chacun de ces mots dans un calme olympien. Seuls ceux qui le connaissaient suffisamment bien savaient que derrière celui-ci bouillait une colère sourde et dangereuse. Mieux valait ne pas le contrarier dans ces moments-là.

— Daraen avait disparu et je m'inquiétais pour lui alors...

— Silence, la coupa-t-il sèchement. Un tel comportement est indigne d'une demoiselle de ton rang. Je ne te le dirai qu'une seule fois alors écoute-moi bien pour une fois. Si tu ne retournes pas manu militari dans tes quartiers et ne cesse pas ces bêtises, je serai dans l'obligation d'en informer Daraen et notre oncle. Et crois-moi, même lui ne pourra rien faire pour t'aider. Tu seras renvoyée chez nous et pourras faire une croix sur cette idée de mariage.

— Tu me le paieras, l'entendit-il marmonner alors qu'elle disparaissait déjà à l'angle d'un couloir, les yeux embués de larmes amères.

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