Chapitre 27
Les sons de son arme s'abattant sur le mannequin d'entraînement, un nom bien édulcoré pour désigner un simple poteau en bois, résonnaient dans toute l'arène.
Aucun soldat n'était présent, ce n'était pas l'heure d'un de leurs entraînements quotidiens. Les lieux étaient déserts et l'épéiste pouvait laisser libre court à tous ses sentiments qu'elle exorcisait à chaque coup.
Elle se défoulait littéralement sur le mannequin dont le bois se fendait à plusieurs endroits. Il n'était d'ailleurs pas sa première victime, trois autres poteaux ayant fait les frais de sa fureur avant lui ; et il ne serait assurément pas le dernier si personne n'intervenait rapidement.
Or, excepté lui, Rayn ne voyait personne dans les environs capable de survivre à un affrontement frontal. Il était même la personne toute désignée pour y faire face, lui qui en était le malheureux instigateur.
Il ignorait si c'était elle qui l'évitait ou s'il fuyait inconsciemment sa présence mais, depuis leur retour de la chasse une semaine plus tôt, ils ne s'étaient pas croisés une seule fois. Il savait pourtant qu'ils devraient se faire face à un moment ou un autre à propos de leurs actions, cette fameuse nuit.
Ce répit lui avait permis de faire le point sur ses sentiments et d'assembler certaines pièces du puzzle. Sans en être intimement convaincu, il pensait avoir compris l'identité de la guerrière qui détruisit en hurlant le mannequin d'entraînement. Il avait toutefois besoin d'entendre l'intéressée le confirmer de sa propre bouche.
— Quelle pui... ssance...
Rayn lança un regard de biais au mur contre lequel il était adossé. La dague qui pendait jusque-là à la ceinture de la reine y était maintenant plantée, à quelques centimètres seulement de son oreille.
— Quelle puissance, en effet, concéda-t-elle en lui faisant face. Au niveau de la visée, toutefois, ce n'est pas encore ça. Je manque ma cible une fois sur deux.
— Et cette fois-ci, tu as visé juste ou...
Il ne termina pas sa phrase, passant une main derrière sa nuque. Un petit rire nerveux secouait sa poitrine.
— Il faut qu'on parle, je crois.
Elle le fusilla du regard mais n'ignora pas sa demande dissimulée.
— Que les choses soient bien claires. Je t'interdis de dire que tu ne le voulais pas pour ensuite tout me mettre sur le dos. Je me rappelle très clairement avoir tout déclenché mais tu es celui qui a profité d'un malade.
Sa voix était froide, contrairement à ses yeux qui brûlaient d'une animosité non feinte. Il aurait pu inventer n'importe quelle excuse pour justifier son comportement de cette nuit-là, mais cela aurait été faire affront à ce regard passionné.
— Je désirais Daraen. Je te désirais, se rectifia-t-il après quelques secondes. Que tu sois un homme ou une femme n'y changeait pas grand-chose. Mais pas dans ces conditions. Pas en abusant d'une personne souffrante.
Car c'était ce qu'il avait fait. Profiter n'était pas un terme assez fort pour décrire ses coupables actions. Il avait littéralement abusé d'elle, et cela le rongeait. Il ne regrettait pas de s'être uni à elle, mais il déplorait la manière dont les choses s'étaient déroulées.
La reine l'étudia un moment en silence, essayant de déceler quelque mensonge dans ses propos que son corps trahirait. Il n'en fut rien. Rayn avait parlé à cœur ouvert et attendait qu'elle en fasse de même.
Elle se détourna et frappa dans le reste de mannequin qui vola jusqu'au cimetière où reposaient ses prédécesseurs. Elle recommença alors à se défouler sur le poteau suivant sans prononcer le moindre mot. Ce n'était pas grave, Rayn était disposé à attendre le temps qu'il lui faudrait pour s'ouvrir à lui.
Ce ne fut pas aussi long qu'il l'eut cru. D'une frappe lourde, la lame de son épée rencontra la poutre et fut immobilisée dans le bois. Ne daignant même pas essayer de l'en déloger, la jeune femme appuya son front contre le mannequin, cherchant à retrouver un semblant de respiration.
— Je sais que je peux te faire confiance, s'exprima-t-elle enfin sans se retourner, incapable de lui faire face. Personne d'autre ne semble au courant de mon secret.
— Bien sûr, s'indigna le soldat.
Comme s'il était du genre à trahir ainsi ses amis. Qu'elle sembla le croire capable de pareille bassesse le blessait.
— Cependant, l'interrompit-elle sur un ton sans appel, je ne suis pas prête à me confier. Pas encore.
Ces quelques mots suffirent à Rayn.
« Daraen » finirait par s'ouvrir à lui.
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