I - Regarde le soleil

Une fuite dans la neige et des gouttes de sang perlant lentement sur le tissu immaculé.

Et c'était tout, des pas étouffés, une respiration chaotique, un garçon astrophié dans la pénombre, des centaines de papillons rouges posés sur son épaule, qu'il tenait mollement, pour éviter de trop perdre.

Il errait aussi bien qu'il fuyait, parce que tout était blanc, brumeux et plat. Le ciel n'existait pas dans le brouillard, ce n'était que du gris. Et tout au fond, loin dans l'ouragan, il y avait un éclat de lumière, jaune, ardent, un feu peut-être.

Il se sentait écroulé. Même si la lumière scintillait de toute sa force, il n'y arrivait pas.

En fait, il ne voulait plus trop. C'était inutile, en fin de compte, il était perdu.

Il faisait nuit. Il le savait, par instinct, comme ça. On ne voyait pas de lune, pas d'étoiles, mais on voyait le noir.

Froid. Disait son corps. Mal. Disait son épaule. Non, c'est faux. Disait le garçon.

Et il continua, si faiblement qu'il ne savait même plus si il avançait. Les papillons étaient toujours aussi vifs dans l'air glacé.

Il ne savait même plus ce qu'il fuyait. Quelque chose qui l'avait blessé. Peut-être même plus mentalement que physiquement, d'ailleurs. Il avait mal. Il essaya de se souvenir, de comprendre ce qu'il faisait là. Comment il s'appelait, déjà ? Ah, oui, il n'en savait rien. Il ne savait plus rien.

Mais il s'en fichait. Particulièrement quand il gisait dans la neige, tremblant, incapable de voir la lumière. Il était surpris. Il ne s'était pas vu tomber. Il n'avait rien vu, parce que le gris de la tempête obstruait tout.

Les papillons ne volaient plus, ils se perdaient dans la neige comme des pétales de coquelicot solitaires, portés au gré du vent. Le garçon n'avait plus assez de lumière en lui pour enflammer les alentours de son énergie, il ne pouvait que se laisser noyer dans la gelure du sol.

Il ferma les yeux. Il faisait si noir, derrière ses paupières. Mais d'une certaine manière, il la trouvait rassurante, cette obscurité. Elle n'avait pas de couleur, pas d'odeur, et pas de température. Il préférait se noyer dans un océan de vide que dans un océan de blanc.

Mais il avait si froid.

Alors il ouvrit les yeux et jappa, un couinement d'animal blessé, peut-être le dernier qu'il pousserait. Il ne ressemblait plus à rien. Réduit à lui-même. Une boule de peau, de tissu et de sang, un être encore vivant, mais plus pour longtemps.

Il était quelque chose de vivant ! Il se rappela promptement de ce détail. Il ne savait rien d'autre. Ce sang qui s'échappait de ses veines en filets pourpres, il circulait partout ailleurs. Sa peau laiteuse, violacées par les flocons, lui offrait une protection maigre mais existante. Et ses habits, trempés par la neiges, lui collaient à la peau pour le geler, le tuer, se débarrasser de lui.

Parce que ça ne venait pas de lui. Ces vêtements, c'étaient des objets humains qu'on avait fait passer pour protecteurs quand ils n'étaient qu'une réplique dangereuse de ce que le monde avait déjà à offrir. Les humains sont hypocrites, se dit t'il. Il disent protéger, mais il veulent tuer.

« Mais moi, je suis vivant. Et tant que je le suis, je le resterai, parce que je peux le faire » susurra t'il entre ses dents serrées, avant de se relever et de continuer à marcher.  

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