19-10 / chère laureen,
Journal du Writober : cette année, j'aime tant les vendredi matins. Je n'ai pas à sortir avant 11h45 ; je peux donc savourer pleinement leur lente douceur.
SUJET 19 : ÉCRIRE UNE LETTRE À SON ANCIEN SOI
Chère Laureen,
Je ne sais pas vraiment à quel âge de notre vie adresser cette lettre. Je ne suis même pas sûre de savoir quoi y dire exactement ; car chaque altération minime du passé engendre dans le futur une large déviation.
Comment vas-tu ? Ici, tout va bien. Objectivement du moins ; je connais de plus en plus de monde à la fac, le temps me pousse rapidement vers le deuxième semestre (le début du parcours écritures !), je me connecte souvent à l'instant présent, j'ai tout ce dont j'ai besoin (à manger, un toit, de quoi me vêtir, me soigner...). Pourtant, à l'intérieur, je ne suis pas sûre de pouvoir t'assurer que ça va. Depuis deux jours mon coeur me pèse de plus en plus, et je sens que le cancer du Vide reprend du terrain. À nouveau, l'absurde, le "à quoi bon ?", au mieux le pilote automatique s'emparent de mon quotidien. Pour l'instant, je vais bien quand je suis entourée, et c'est seulement quand je suis seule que, faute de sollicitations, mon âme s'éteint.
(Pour améliorer la métaphore de l'interrupteur que j'ai utilisée hier lors de ma discussion avec Lu..., disons : je suis comme une ampoule dotée d'un détecteur de présence. Je brille tant qu'il y a du mouvement ; autrement dit, je ressens les émotions, elles me traversent, quand d'autres les provoquent chez moi. Mais quand tout le monde est parti, les émotions partent elles aussi. Retour au noir.)
Je ne crois pas avoir expérimenté le Vide durant l'été ; et je me demande si je dois m'en prendre au contexte scolaire pour toutes mes rechutes. Mais si c'est le cas : quelle(s) partie(s) me pose(nt) problème ? Les horaires et le rythme ? La sociabilisation forcée ? La pression que je me mets quant aux cours ?
Je ne sais pas.
Maintenant, j'ai choisi à qui j'allais adresser cette lettre : la Laureen de maternelle. Celle du primaire a bien souffert, celle du collège également ; et dès la troisième, j'ai tiré derrière moi le boulet du Vide. Seul le temps de la maternelle me paraît à peu près paisible, quoique cela n'est peut-être dû qu'à la buée sur la fenêtre me séparant des images de ce temps-là.
Parfois, petite Laureen insouciante de trois, quatre, cinq ans, je t'envie. Je ne regrette pas qui je suis devenue, au fil des épreuves et des tempêtes traversées ; mais certains jours, mes armes d'Amazone sont trop lourdes à porter. Et alors je regarde en arrière, et je soupire : "ah ! le bon vieux temps !"
Je trouve cela bien dommage d'avoir cette attitude à seulement dix-huit ans.
Je dépose mille baisers sur tes jolies boucles dorées, et espère retrouver ta lumière bientôt. Prends soin de toi ; et écoute bien maman ! (ne rends pas sa vie plus difficile qu'elle l'est déjà, même si, je le sais bien, tu ne comprends pas encore ce que cela veut dire)
Laureen.
P.-S. : après avoir regardé quelques photos, je me rends compte que tu n'avais pas vraiment les cheveux bouclés. Je ne sais pas pourquoi j'ai tant cru qu'ils l'étaient... Seulement dans les tous premiers temps, vers 2-3 ans (auparavant, tu n'avais pas de cheveux du tout). Ensuite, ils ont oscillé entre lisse et ondulé.
j'ai pleuré en écrivant la lettre. aujourd'hui, en sélectionnant une photo, je pleure de nouveau. et quand je dis : pleurer, il ne s'agit pas de verser quelques larmes ; mais bien de se rouler en boule, hoqueter, gémir, pousser des cris silencieux, en serrant contre son cœur une peluche dans une tentative de réconfort. pleurs laids, presque hystériques, des pleurs d'animal blessé.
incroyable de voir à quel point ces choses-là me remuent. quoique ; ce n'est sûrement pas si incroyable, quand on y réfléchit.
(j'avais un "papa", à l'époque)
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