Songe d'une nuit sans fin
D'aussi loin que je me souvienne tu étais
Toujours a mes côtés, et tu me soutenais
Dans mes plus folles idées, me confortait même,
Murmurant du bout de tes jolies lèvres blêmes
Tants de gentils petits mots et tendres paroles
Dont pour y croire fallût-il que je sois folle.
Et cependant dès que me venais à l'esprit
L'idée noire que cette âme ne pût être que folie,
Je me souviens que tu me prenais dans tes bras.
Tu me berçais alors, soufflant "Ne t'en fais pas."
Et c'est, vois-tu, très étonnant de constater
Que tu demeura tout ce temps à mes cotés.
Mon éternelle mélancolie, bien que constante,
Ne te fût-elle pas un jour ou l'autre déplaisante?
Tu te fondais dans mes pas et mes mouvements
Telle une ombre ou un fantôme bienveillant.
Et tu prenais soin de moi et m'encourageais
A entretenir ce avec quoi une âme naît.
Je me souviens par exemple de nos longues ballades
Dans les forêts étouffant mon humeur maussade;
Sur les chemins de campagne, dans les herbes sauvages,
Entre les gros rochers noirs et escarpés des plages.
Et lorce que, paisible, je rentrais à la maison
Les genoux écorchés, les cheveux brouillons,
L'on me grondait; tête baissée j'allais me changer,
Me faire belle, me faire fille au moins pour le dîner.
Et je sortais alors tous mes petits poèmes
Que tu me lisais sur ce gentil ton que j'aime
Tandis que d'une main rieuse, d'une main rebellée,
Je remettais en ordre ce corps débraillé.
Ta voix avait une sonorité onctueuse,
Telle les notes d'une partition harmonieuse.
Appréciais-tu autant ma si triste présence
Que moi la tienne, ta douceur et ta patience?
Et lorsque le spleen venait à me submerger,
Que vivre ne me semblait plus une nécessité,
Je te revois assise devant moi, les mains jointes,
M'encourageant à nous faire éternelles conjointes.
Alors tu chantais doucement pour m'attirer,
Sombre sirène, dans l'emprise de tes beaux filets.
Et pourtant j'ai toujours comme souvenir de toi
Celui d'une tendre compagne qui toujours m'apaisa.
Est-tu encore là maintenant, à écouter
Derrière mon épaule ces quelques vers soufflés?
Tu me manques, ma chère amie. Où est-tu partie?
Loin de moi et mon âme, ou dans mon ombre tapie?
Tu me manques, mon aimée. Et je t'attends toujours
Pour que nous allions ensembles là où jamais le jour
Ne brille, où dorment les corps que le malheur étreint.
Viens, partons : je suis prête et je te tends la main.
Levons-nous du frêle trône de romarin.
Mon amie que j'aime tant, viens à moi, allons : viens.
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