D'alcool et d'eau fraîche


J'arrive quelque part, et là-bas,

Il y a gens que je ne connais pas.

Je ressens ce léger malaise

Qui de braises

Devient feu

Pour me consumer peu à peu ;

Bref, des sensations qu'on a lorsqu'on est pas chez soi.

Au moment des présentations,

N'ayant pas de conversation

Je parle un peu et je m'assois.

Il n'y a que moi et l'ennui

Il n'y a que moi et l'envie.

Mais tout cela sera bien vite oublié...

Car rien n'est perdu :

La bière ne m'a pas abandonnée ;

Elle au moins est toujours là, sera toujours là ; même pour ceux qui sont à la rue.

C'est le commencement,

Et tous sont rassemblés autour d'une seule table.

Je parcours celle-ci du regard,

Je m'arrête, j'hésite, et décidément...

Quelque chose manque ; je cherche, mais c'est insondable.

Entre deux gorgées prises avec art

Je comprends.

C'est une chose sacrée, vitale, nécessaire,

Sans laquelle l'on meurt sans enfants.

C'est l'unique, l'irremplaçable,

Celle que l'on doit toujours avoir dans son verre,

La chose qui est le moins du monde vendable.

Ce trésor que j'apporte,

On vient le chercher en cohorte ;

Si bien qu'on l'appelle désormais « l'eau bénite »

Car il s'agit bien de la religion de nos cuites.

Et puis je me regarde. J'ai le teint blême

Et un peu pitié de moi-même.

Je ne sais pas pourquoi

Mais... cela n'a pas d'importance.

Ma bouteille à la main je me tiens coi.

Les vapeurs alcoolisées remontant

Je me sens plus confiant.

Je regarde la jolie fille en face de moi,

Droit dans les yeux,

Et je mange des chips...

Sans confiance en moi, je suis roi

Et je les vois toutes comme mes reines.

Mais bien vite ce sentiment s'éclipse :

Comment puis-je avoir de pareilles pensées sexistes,

J'ai de la peine,

Moi qui me sens féministe.

J'en veux à la société,

Moi qui suis son pur produit,

Et je m'en veux de mon manque d'originalité.

Et avancent et la fête et la nuit,

Ainsi que ma consommation :

Une bière, puis deux, puis trois,

Et une quatrième... Allons bon !

Alors revient la joie...

Vous savez l'alcool a des vertus magiques,

Il faut boire sans modération

(Mais en évitant le coma éthylique)

Et alors un nouveau monde s'ouvre à nous ;

Certes irréel,

Mais tellement vrai sur le moment.

Tout devient fou, tout devient flou

Tout n'est plus qu'un pêle-mêle

De choses, d'idées, de sensations, de sentiments...

Puis, avec une assurance démesurée,

Une nouvelle bouteille à ma main s'étant ajoutée,

J'arrive devant un billard

Où bougent des boules aux sentiments épars.

Une fille menaçant de s'écrouler

Sous le poids de sa bouteille

Me laisse la place ;

Et moi souriant, mais éclaté

À ce jeu de précision je m'essaye.

Son tour passe,

Le mien arrive.

J'envoie la boule comme vers une autre rive

Et je fais naufrage.

Mon adversaire, des ivrognes fait

Zigzags ordinaires éreintants,

Et avant le complet étalage

Frappe sans effet.

Alors on rit, et c'est dépaysant.

Je ne sais pas ce qu'elle voit,

Mais moi je suis comme transporté dans un

Kaléidoscope étrange, rageusement aménagé, noyé

De vies aux abois,

D'images aux sons importuns.

Ô que tout cela me fait voyager !

Enfin, l'âme russe s'invite,

Oui, je l'ai nommée, la vodka.

Étrangement, personne ne se précipite ;

Pourtant, elle est là,

Tellement magnifique.

Je la hume, je la goûte

C'est du gel hydroalcoolique,

Sans aucun doute.

Décidément, le monde entier est atteint de cette pandémie,

Même la Russie.

Je bois, je vais vomir,

Je bois, je m'écris un petit souvenir

Aussi dérisoire qu'inutile,

Aussi insensé que débile

Et je bois, je bois, je bois

Pour oublier ce je-ne-sais-quoi.

Je tente de dormir

Mais je me réveille ; le temps est long, à n'en plus finir.

Devant mon état je ris et m'insulte

Et je rejoins le tumulte.

L'on discute, je m'incruste ;

L'on boit, je bois aussi ;

L'on se sent César, je me sens Auguste ;

L'on met du rap, je mets du métal...

Et je bois, bois et bois encore

Mais jamais je ne m'endors...

Je jette un dernier regard lucide à cet environnement amical ;

Vraiment, du tranquille bal,

On est passé à une véritable bacchanale.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top