PDV Jenny

La pluie commença à tomber. Nous avions tous rapidement mangé quelques minutes auparavant. La grande cloche de la tour Nord sonna six fois, nous annonçant ainsi l'heure. La nuit devrait tomber d'ici une heure et demi.

Gabriel finit par se réveiller mais, lorsqu'il revint, il boitait et plusieurs bandages entouraient ses bras . J'en voyais même dépasser de l'encolure de sa veste sans manches, prouvant leur présence sur son torse et ses épaules. Cela m'inquiétais : toutes ces blessures seront exploitées par ses adversaires. Il sera face à quatre hommes -dont Khalis- et même si je crois en Gabriel, il n'a pour moi aucune chance d'arriver en finale de cette première épreuve...

Je croisais à cet instant son regard, alerte malgré la douleur. Il détourna les yeux et se dirigea vers la petite arène entourée de palissades à cause desquelles on ne saura l'issue du combat qu'à la sortie du vainqueur –ou du vaincu...

Ses adversaires entrèrent à sa suite, suivis du capitaine qui servirait d'arbitre ainsi que de cinq gardes -dont le rôle n'était plus à expliquer- et de deux médecins en cas de blessure grave. Les princes eux-mêmes n'avaient pas le droit d'assister au spectacle et se trouvaient donc condamnés à écouter les bruits provenant du combat afin de tenter de savoir qui en ressortirait en très mauvais état. Cela nous stressait tous car c'était le premier duel de ce genre...

La voix du capitaine s'éleva, sonnant le début du combat. Il régnait un silence de mort parmi nous, attendant tous impatiemment les premiers râles des combattants pour avoir une idée de ce qui se passait derrière la palissade improvisée. A la place retentit un bruit reconnaissable entre mille : celui d'un os se brisant. Nous retenions tous notre souffle, attendant le cris qui, inévitablement, suivrait. Un cris à en glacer le sang, de douleur pure. Sûrement une articulation telle que l'épaule. Je relâchais mon souffle, me rendant compte que les insultes prononcées par le blessé ne provenaient pas d'une langue connue de Gabriel.

Les râles des hommes se faisaient maintenant de plus en plus réguliers et ne pouvaient être dissociés les uns des autres. Nous regardions tous dans le vide, les yeux ouverts mais l'esprit ailleurs. Un éclair suivit presque immédiatement du son tonitruant de tonnerre nous fit tous tressaillir. La grande horloge sonna huit heures. Le combat durait depuis presque deux heures et semblait ne pas vouloir s'arrêter. La nuit était tombée depuis à peu près une demi-heure et nous étions tous trempés. Cela ne me gênait pas.

Sans que l'on s'y attende, le dernier cris pris fin et un rire, qui ne pouvait provenir que d'un fou, s'éleva. Presque immédiatement, la porte de l'enceinte s'ouvrit, nous laissant apercevoir un Khalis avec le regard dément, les cheveux en bataille et dégoulinant de sang. Une longue estafilade lui barrait le torse, sûrement causée par des ongles, les armes étant interdites. Ses quatre adversaires étaient avachis autour de lui, l'un d'entre eux inconscient avec les deux médecins à ses côtés.

Khalis ressortit triomphant et, croisant mon regard glacial, se dirigea vers moi.

 - Ne t'inquiètes pas pour ton ami, il se relèvera. J'ai hâte de combattre contre toi en finale! ajouta t-il avec un sourire effrayant.

Je ne réagis pas, Jay à mon côté se contenta de se redresser et de lui adresser un regard dégoûté, et le vainqueur s'éloigna vers une autre groupe d'assassins. Ils évacuaient à cet instant les blessés, dont Gabriel. Il me vit et m'adressa un sourire. Je fût alors libérée d'une tension dont je n'étais même pas consciente. Il ne mourra pas aujourd'hui.

Le capitaine appela alors le groupe suivant dont Jay faisait partie. Il posa sa main sur mon épaule puis me prit dans ses bras. Je lui soufflais de faire attention à lui puis le laissait se diriger vers l'arène. Dès les concurrents rentrés, le capitaine attrapa les poignées de la porte afin de la refermer. Juste avant qu'elles ne se ferment totalement, je croisais le regard déjà concentré d'Alex. La porte claqua. Et l'attente recommença.

PDV Alex

Le bruit résonnait encore lorsque je me retournais. Le regard préoccupé de Jenny me hantait mais je tentais de l'ignorer dans le but de me concentrer sur le combat qui allait suivre.

- Que le second combat commence !

Ils ne bougèrent pas immédiatement, préférant s'observer et s'évaluer mutuellement avant de passer à l'action. C'était, en soit, une décision plus intelligente que celle du groupe précédent. Malheureusement pour ces derniers, ils étaient quatre à s'être jetés les uns sur les autres... Seul Khalis avait préféré s'abstenir, pouvant ainsi observer à sa guise ses adversaires. Gabriel, en premier, avait repéré son petit manège et -ce fût sa plus grande erreur- décidé d'y mettre fin. Mais son nez saignait déjà à cause d'un coup de point bien placé de Sevan et il manquait encore d'entraînement pour pouvoir battre Khalis. Cela s'était confirmé lorsque ce dernier l'avait maîtrisé en une vingtaine minutes. Même si je devais avouer qu'il se défendait mieux que ce que je ne pensais...

Je reportais mon attention sur le combat actuel juste à temps pour voir un assassin casser la main d'un de ses collègues à l'aide de sa botte. J'espérais pour Jay qu'il n'était pas gaucher... sinon il risquait d'avoir du mal à suivre les prochains entraînements. Je ne sais pas comment il parvenait à ne pas crier mais cela m'impressionnait ! Ses doigts faisaient un angle très étrange et une hideuse grimace de douleur déformait son visage. Il se relevait à cet instant en se tenant la main blessée de celle valide et je voyais dans ses yeux des envies de meurtre.

L'ennemi qui l'avait blessé, l'un des plus vieux assassins qui, il me semble, s'appelle Hélory, lui tournait le dos pour « s'occuper » d'un de ses collègues faisant lui aussi partie des aînés du groupe. L'expérience venant souvent avec l'âge, Elizio se défendait mieux que Jay et rendait même ses coups à Hélory.

Au moment où ce dernier allait charger Elizio, Jay lui donna un coup de pied derrière les genoux, ce qui permit à Elizio d'achever de le mettre à terre en lui déboîtant l'épaule. Une fois l'ennemi commun mis hors de nuire, les deux hommes encore debout se regardèrent droit dans les yeux et, au son d'un cris perçant, tournèrent la tête d'un même mouvement vers le duel qui se déroulait en parallèle et, d'un commun accord, se dirigèrent vers le troisième assassin tenant encore sur ses pieds et le déséquilibrèrent. Avec apparemment l'intention de ne pas trop le blesser, Elizio se contenta d'un coup de poing dans sa tête pour l'assommer.

Se tournant enfin l'un vers l'autre, les deux hommes se mesuraient du regard et, en l'espace d'une seconde, je vis Jay plaqué par terre, Elizio au-dessus de lui. Il n'avait plus aucune chance de gagner. Et il s'en rendait visiblement compte car il avouait, les yeux toujours fixés à ceux du vainqueur, sa défaite. Alors qu'Elizio se relevait enfin et que Jay se redressait péniblement, Hélory attaqua ce dernier sans que personne n'ait le temps de réagir, lui portant un violent coup à la tête. L'ami de Jenny s'écroula, inconscient.

Hélory ayant déjà été reconnu vaincu et son agression étant donc contraire aux règles, les soldats le maîtrisèrent rapidement. Il faudrait que j'ai une petite discussion avec lui...

Je me dirigeais ensuite vers la porte et l'ouvrais pour laisser sortir les blessés. Ce combat avait duré un peu moins longtemps que le précédent mais les blessures plus graves et multiples.

Encore trois combats de demi-finale qui dureront sûrement environ deux heures chacun et nous pourrons passer au dernier combat de cette épreuve qui, lui, se montrera -je n'en doutais pas- impressionnant.

Jay était le premier à être évacué et je voyais l'expression d'horreur puis de haine qui se dessinait sur le visage de Jenny à la vue de son ami. Elle comptait apparemment le suivre jusqu'à l'infirmerie mais je la retenais, lui rappelant qu'aucun assassin n'avait le droit de quitter le terrain avant la fin de l'épreuve. Après un regard dégoûté, elle retourna vers Lucas d'un pas rageur.

L'horloge sonna dix heures.