Jungkook observe ses aînés et il remarque. Il n'est pas stupide. Il comprend que Seokjin, Namjoon et Yoongi savent quelque chose à propos de Taehyung. Il le voit à la manière qu'ils ont de l'observer. Il ne sait pas quoi, mais il sait.

Alors que les seconds commencent à faire descendre les deux chaloupes qui se préparent à les emmener fouler le sol d'Alagaesia, Jungkook sent une sorte de tension qui plane sur le navire. Chacun vaque à des occupations plus ou moins crédibles, mais ils ont tous cette même émotion qui leur retourne l'estomac en réalisant que, dans peu de temps, ils se retrouveront sur leur terre natale.

Pour le plus jeune seigneur des mers, cela se traduirait par une profonde répulsion, pour d'autres, un sentiment d'ironie risible ou d'impuissance et d'appréhension. Aucun d'entre eux ne voulait revenir là-bas et pour la toute première fois depuis qu'ils se sont retrouvés, les sept capitaine sont sur la même longueur d'onde.

Ils savent aussi que, malgré ce sentiment commun, ils n'ont pas le choix. Ils ont vu de leurs propres yeux ce que Démétrius leur réservait. Ils leur étaient impossible de reculer, seulement d'avancer.

Néanmoins, si il y avait bien une personne parmi eux qui était pressé de poser pied-à-terre, c'était sans nulle doute le capitaine du Nisea. Hoseok était presque fou à l'idée de quitter le navire de Seokjin. Car il savait que, bientôt, sa vision se réaliserait. Il dévisageait Taehyung de loin avec une certaine avidité, une curiosité dévorante. C'était justement de ça dont parlait Jungkook : de ce même désir de vérité, de connaître, de savoir, qui peignait ouvertement les visages de chacun de ses aînés.

Il lui manquait une pièce du puzzle, contrairement à eux. Car il suffisait de réaliser le nombre de messes basses pour simplement comprendre qu'il avait été écarté d'une vérité bien intéressante. En réalité, ils ont l'air d'avoir fait une bêtise qu'ils n'osent pas avouer. Ils sont comme des enfants. Ils ne lui adressent que peu la parole, ils sont gênés, ils cachent quelque chose. Il y a entre eux un secret qu'ils ne peuvent pas lui avouer. Un secret qu'il doit percer à tout prix...Oh, le savoir, le savoir enfin ce secret, le comprendre, tenir cette clef qui ouvre toutes les portes, ne plus être l'enfant à qui l'on cache et dissimule tout, ne plus être celui que l'on berne et qu'on dupe. Il va leur arracher, ce terrible secret.

Il s'en fait la promesse. Dix années qu'il n'était plus l'amant de Taehyung. Dix longues années et, pourtant, il avait cet égoïsme, cette revendication démesurée qu'il méritait de savoir tout de lui. Absolument tout. Il voulait savoir pourquoi il était là, à leurs côtés, alors qu'il n'avait plus rien de l'homme qu'il avait côtoyé.

Perdu dans ses pensées, Jungkook se fit sortir de ses songes par Isaiah qui claqua ses doigts face à ses yeux perdus. Le capitaine du Limnoria battit des cils avant de regarder son second. Sans répondre à sa question silencieuse, le noiraud s'avance, prêt à descendre le cordage qui l'amènera sur l'une des chaloupes.

Jungkook voulait, désespérais, de savoir comment l'océan s'était vengé à sa place de son ancien amant.

Mais, oui, Jungkook était égoïste. Car si ses aînés lui cachaient un secret, lui le faisait sans aucun scrupule. Aucun ne pouvait savoir que le capitaine du Limnoria, ce jeune homme qu'ils aimaient profondément, devenu meurtri, détenait en lui bien plus de choses que ce qu'il ne laissait paraître.

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Le trajet s'était fait silencieusement. Seulement les rames soulevant l'eau, les gouttes se répercutant contre le bois ou leurs vêtements, avait brisé ce calme olympien, cette tension, cette oppression qui bouffait leurs entrailles. Aucun d'eux n'avait d'affection pour ce bout de terre qui était autrefois leur chez eux. Pourtant, ils en ressentirent la même nostalgie. Voir cette baie, ce rivage sous leurs yeux, leur implanta à travers leurs paupières mi-closes une image de sept enfants souriant et courant pieds nus, le sable frottant leurs pieds.

Ils souriaient, l'insouciance était marquée sur chacun de leurs visages. Jimin avait pris une brusque inspiration avant de tourner le regard, le cœur au bord des lèvres.

Désormais tous réunis ensemble, chacun échangeait un regard, attendant la suite des événements. Hoseok fixait Taehyung avec avidité et le bleuté fixait pensivement le sable. Il repensait encore à l'horreur qu'il avait vu sur cette plage. À ces êtres sans visage. Son esprit ne pouvait s'empêcher de supplanter cette horreur sur le faciès de chaque marin qu'il avait perdu. D'imaginer son second réduit dans un tel état. Ses sourcils se froncent et la colère commence à doucement gronder en lui.

–  Qu'avait dit Callie ? demande Namjoon, brisant ce silence inquiétant.

Seokjin, auparavant agenouillé près du sable, s'amusant avec les grains blanc, se releva et épousseta son pantalon de ses mains.

– Que l'âme tant convoitée se trouvait dans les ténèbres et l'humidité.

Jimin se gratte le front, perplexe. Il haïssait Callie lorsqu'elle parlait en énigme. Il fit une moue et dévisagea le village qu'il voyait au loin, pensivement. Il grimaça en voyant ces ruelles, ces maisons impure de toutes les passions, cet entassement clandestin de toutes les séductions pour les matelots qui excède de leurs nuits solitaires sur les mers lointaine et périlleuse et qui entrait ici pour nuit, satisfaire dans une heure la sensualité multiples de leurs rêves. Alagaesia était devenu un bordel immense. Tout ce qu'ils avaient toujours connu avaient été remplacé à jamais par un immense empire du sexe.

–  Est-ce qu'elle serait...

– Dans la jungle, le coupa Jungkook.

L'attention de tous fut tournée en direction du plus jeune seigneur des mers dont les paroles, pour une fois pleine de bon sens, les avaient surpris. Pourtant, Jungkook n'affichait aucune expression de fierté. Ses pupilles, froides comme à l'accoutumée, étaient dirigées en direction de l'est. Mais aucun ne remarqua l'état étrange du plus jeune d'entre eux. Aucun à part un. Ils se mirent alors à dévisager l'immense jungle de l'île, cette verdure dense et ces falaises abruptes qui semblaient les fixer d'un regard métallique.

Hoseok acquiesça silencieusement. Il n'avait que trop attendu. Il était incapable de puiser sur sa patience, ne serait-ce que quelques instants de plus. Il échangea un regard en direction de Namjoon, Yoongi et Seokjin avant de hocher imperceptiblement la tête.

– Séparons-nous et partons chacun dans une direction différente, commença-t-il en tapant nerveusement dans ses mains.

Seokjin approuve d'un petit bruit de bouche avant de se tourner en direction des seconds.

–  Votre mission à vous sera de récolter le plus d'informations possible concernant Démétrius. Ainsi, vous irez au village.

Les seconds se tournèrent en direction du village dans une synchronisation quasi parfaite et remarquèrent, avec fascination, le brouhaha qui semblait régner au loin. Isaiah, aux côtés de Jun, remarqua une file de filles en tenue légère qui déambulait dans les allées et venait accoster les hommes. Et tandis que l'un se mit à grimacer, l'autre sourit grandement.

–  Avec plaisir ! répondit Isaiah.

Sans prendre son reste, le second du Limnoria embarqua Jun par les épaules et s'empara de la main d'Ayame avant d'avancer, sous les grommellements de Seung et l'indifférence d'Arsan.

Une fois les seconds éloignés, Seokjin caressa son perroquet qui reposait sagement sur son épaule et ricana doucement.

–  Toi ça ne t'intéresse pas, n'est-ce pas ?

Le perroquet secoua légèrement la tête et Jimin, même s'il était lui-même un être quasi irréel, se retrouva étonné d'assister à une telle intelligence venant d'un simple volatile.

– Comment procédons-nous ? demanda le blond.

En voyant que tous le regardaient, il fronça les sourcils.

–  Je veux dire, pour se séparer...

–  J'irai avec Taehyung, répondit hâtivement Hoseok.

Jimin fut perplexe quant à cette urgence qui avait retenti dans la voix du capitaine du Nisea. À mesure qu'il avait prononcé ses paroles, il s'était imperceptiblement rapproché de Taehyung jusqu'à l'effleurer, attirant l'attention de celui-ci. Instinctivement, il observe la réaction de Jungkook. Mais à sa plus grande surprise, celui n'en a cure. Il semblait que cela faisait depuis l'unique moment où il avait pris la parole que le capitaine du Limnoria avait laissé échapper son esprit bien loin du monde réel. Pourtant, Jimin voyait dans son visage que ses songes n'étaient point doucereux, mais plutôt tortueux. Son teint était pâle et sa paupière gauche tremblait nerveusement.

Alors qu'il allait lui demander si tout allait bien,Yoongi le devança,lui faisant claquer sa langue contre son palais, constatant avec impuissance qu'il était sans arrêt coupé.

–  Je partirais avec Jungkook.

Le noiraud regarde brièvement son aîné ou, plutôt, il regarde ce voile noir, cette touche d'obscurité de ses pupilles mornes et esseulés avant de baisser la tête sur le sable fin. Yoongi le remarque et fronce les sourcils à ce comportement. Il se demande pourquoi aucun de ses camarades ne fait la remarque et il réalise aussitôt qu'ils sont tant aveuglé par la nature du pouvoir de Taehyung que tout le reste leur était occulté.

Jimin se tourne alors vers Seokjin et Namjoon et le premier lui offre un immense sourire.

–  Nous avons la chance d'avoir Monsieur Papagallo avec nous.

Nul doute qu'ils ne se perdraient pas grâce à lui, néanmoins ce n'était pas le cas des autres. En voyant sa mise soucieuse, Hoseok le rassure.

–  Retrouvons-nous ici avant les dernières lueurs du jour. Ne nous risquons pas à nous aventurer dans cette jungle la nuit tombée.

Les plus âgés acquiescent. Les émotions au sein des sept seigneurs des mers sont opposées les unes aux autres. Il y a la détermination, la colère, l'appréhension...Mais la plus forte d'entre toutes, c'était sans aucun doute la peur. La peur sans nom qui prenait en otage un seul d'entre eux.

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–  C'est le paradis sur Terre !

–  Tu es répugnant.

Isaiah s'esclaffe avant de tapoter amicalement l'épaule de Jun. Le plus jeune d'entre eux était révolté par ce qu'il voyait et profondément blasé de l'attitude du second du Limnoria. Que ce soit lui ou Seung, les deux hommes oubliaient totalement la mission qui leur avait été confiée, préférant se perdre, le temps d'un instant, dans la chair délectable des filles qui venaient les accoster de leurs sourires aguicheur.

Alors, oui, Jun voulait désespérément s'échapper de sa prise pour rejoindre Arsan et Ayame dont les jupes volantes et décolletés plongeant n'avait pas amoindrie leur capacités mentale. Le premier laissait planer son regard aiguisé un peu partout, concentré, tandis que le second, déjà bien loin devant, abordait chaque homme qui passait son chemin.

–  Concentre-toi sur la mission ! pesta Jun en enlevant la main du second du Limnoria posé sur son épaule.

Le bouclé leva les yeux au ciel avant d'esquisser une moue, les lèvres en avant.

–  Tu n'es pas marrant...

Mais alors que Jun allait lui répondre, il vit au loin ses deux camarades face à un groupe de jeunes filles. Ils parlaient et en voyant les sourcils froncés d'Ayame, le second du Nisea tira la main d'Isaiah. Seung, en se retrouvant seul, stoppa sa séance de baratinage et trottina jusqu'au petit groupe qui s'était formé. À peine étaient-ils arrivés qu'ils capturent une bribe de conversation très intéressante.

–  C'est le navire avec des voiles rouges..., commença une fille avant de s'arrêter pour lorgner sur la silhouette d'Isaiah.

En remarquant cela, le jeune homme, éternel coureur de jupons, lui offrit un sourire ravageur qui eut le don de la faire rougir et d'agacer Ayame.

–  Et ? demanda-t-il d'une voix pressante.

La jeune fille le regarde à nouveau avant de placer l'une de ses mèches derrière son oreille.

–  Démétrius vient-il souvent ici ? demanda Arsan.

La jeune fille hausse les sourcils avant d'échanger un regard avec ses amies. Les trois jeunes filles s'observent avant de se mettre à glousser bêtement sous l'incompréhension des cinq hommes.

–  Nous ne voyons que son second à chaque fois que son navire mouille à Alagaesia.

Craintif dans la vie, timide devant les femmes, caché, retranché derrière le rempart de sa dissimulation, Jun devient cependant courageux lorsque sa curiosité dévorante se manifeste. Il s'avance, jusqu'à se retrouver devant les seconds.

– Qui est-il ?

L'une des demoiselles l'observe et sourit. Jun est mignon. Il semble innocent et incroyablement vulnérable. De par sa jeunesse et cette aura doucereuse qui plane autour de lui, il détonne puissamment aux côtés de ses comparses.

–  Comment pourrait-on le dire..., chuchote l'une d'entre elles.

–  Solal est bel homme.

Sans s'en rendre compte, les cinq seconds s'avancent plus près en entendant le nom du bras droit de Démétrius, de cet homme qu'il leur fallait vaincre à tout prix. Mais alors qu'ils pensaient être au bout de leur surprise, l'une d'entre elle se met à grimacer avant de frotter son poignet.

–  Il est beau, mais il est cruel. Ici, tout le monde craint plus Solal que Démétrius. Peut-être parce que nous n'avons jamais vu le capitaine de l'Alimède fouler le sol de l'île...

Seung se mord la lèvre, angoissée à l'idée de savoir qu'il n'y avait pas seulement Démétrius qui était à craindre, mais aussi son second. Il échange un regard avec Arsan et, aussitôt, celui-ci comprend ses doutes et, surtout, la question qu'il se pose mais qui n'ose pas sortir de ses lèvres.

– Il détient l'une des perles d'Asia ? demande-t-il alors.

La fille semble surprise par cette question. Aussitôt, elle secoue la tête.

– Non, non...Je ne crois pas, mais...

Elle se tourne une nouvelle fois vers ses amies et se demande s'il est judicieux qu'elles révèlent à ces hommes sortis de nulle part la dangerosité de Solal. Si celui-ci revenait et qu'il l'apprenait...Par quelle souffrance passerait-elle ? Solal est un monstre. Car il tue, sans se soucier et sans aucun remords. Il achève la vie de simples habitants, comme il ôte celles des hommes de Démétrius, sans une seule remontrance derrière. Mais dans son ignominie, il est respecté. Infiniment respecté.

Elle frissonne d'effroi en se rappelant le sourire malsain qu'il avait arboré une fois, alors qu'il venait de mettre fin à la vie de l'un de ses camarades. Elle se souvient de son regard, de son expression de quasi folie. Une tête roule sur le sable, éternelle fatalité qui veut que presque toutes les actions les plus glorieuses soient tachées de sang et que ce soient précisément les hommes les plus impitoyables qui accomplissent les plus grands exploits. Solal en faisait partie, de par l'infamie qu'il arrivait à causer sur ceux qui n'étaient plus.

–  C'est un nécromancien, lâche-t-elle à bout de souffle.

Un silence pesant retombe au sein de la petite assemblée avant que Jun ne fronce les sourcils, perplexe.

–  Un quoi ?

– C'est impossible...

Le second du Nisea se tourne en direction d'Isaiah donc le regard écarquillé par l'horreur et la surprise est résolument ancré au sol. Le soleil venait déposer des millions de cristaux dans son regard émeraude, donnant l'envie aux plus envieux de les lui arracher afin de les contempler pour l'éternité.

Ignorant le petit coup d'épaule d'Arsan, Isaiah se redresse brusquement avant d'observer plus longuement les trois filles.

–  Cela fait des siècles que les nécromanciens n'existent plus, affirme-t-il avec une certaine colère.

–  C'en est un ! Je l'ai vu.

Isaiah repense alors à son enfance, à sa mère qui le berçait doucement dans ses bras en lui parlant de ses hommes craints, de cette lignée qui, depuis toujours, avait été la force de leur pays. L'emblème des hommes de la mort.

–  Il n'y a qu'à Dalfdreas qu'un nécromancien puisse naître. C'est là qu'ils ont vu le jour, il y a des millions d'années. Et c'est là qu'ils se sont éteints, il y a des siècles, commence-t-il.

En voyant la surprise sur le visage de ses camarades, Isaiah se tourne vers eux, le visage sombre, dénué de toute trace de plaisanterie.

– Je suis né à Dalfdreas.

Jun est agacé, irrité. Car personne n'a encore daigné répondre à sa question silencieuse. Sans prendre garde, il s'empare du col de la chemise d'Isaiah avant de le secouer brutalement.

– Mais c'est quoi, un nécromancien, merde ?!

Le second du Limnoria vit dans les pupilles de Jun la même peur qui se reflétait dans le regard de chacun de ses camarades. Ils avaient raison, d'être terrorisés. Démétrius était à craindre, mais son second était tout autant redoutable. À ce moment précis, il réalisa qu'hormis Arsan, tous n'étaient que des hommes, des humains normaux dont la vie était aussi fragile que la flamme d'une bougie. Avec résignation, il réalisa que même tous ensemble, ils ne pourraient rien faire contre ce mystérieux second. Cinq hommes n'en valait pas un seul comme lui.

–  Le nécromancien obtient des pouvoirs sur la vie et la mort, dans le sens le plus large que tu puisses imaginer. Il est capable de causer la mort comme d'animer un cadavre sans pour autant lui redonner vie.

Jun lâche sa chemise, l'expression déboussolée. Sans qu'il ne puisse le contrôler, sa respiration se fait saccader. Il se retrouve comme oppressé. Il se prend avec une violence inouïe toute l'ampleur du danger qui les guettent et il est incapable de faire quoi que ce soit, sinon tomber à genoux au sol de manière lamentable, désespéré. Isaiah observe Seung aller à son secours, le supplier de se calmer, de respirer convenablement. Et alors qu'il relève la tête, il tombe sur les deux orbes miel d'Arsan qui le dévisagent.

–  Ça explique l'âme, chuchote celui-ci.

Isaiah acquiesce et laisse son regard parcourir la jungle qu'il voit au loin, là où les sept seigneurs des mers se sont aventurés avec une détermination sans faille, ignorant quant à la vérité cruelle qui les attendrait à leur retour.

𓁼

Agir hardiment chez Hoseok ne signifie pas du tout agir d'une façon impulsive, précipitée, mais au contraire, entreprendre quelque chose d'extrêmement dangereux avec le maximum de calcul et de prudence.

Ainsi, c'est pour cette raison qu'il se retrouve dans cette jungle, seul avec Taehyung, conscient du danger dans lequel il allait se mettre sous peu. À chaque fois qu'il regardait par-dessus son épaule, il voyait le bleuté murmuré toujours et encore les mêmes paroles comme une prière.

– Dans les ténèbres et l'humidité...,l'entendit-il encore grommeler.

Hoseok lève les yeux au ciel. Ça fait trop longtemps qu'il entend cette rengaine maintenant.

– Le dire sans cesse ne va pas nous aider à la trouver plus facilement, tu sais ?

Taehyung s'arrête et dévisage son camarade quelques instants avant de pencher la tête sur le côté. Il avait une question qu'il n'osait pas lui poser, mais la curiosité était trop grande pour qu'il n'y résiste encore.

–  Les visions où tu nous a vus mourir...Le kraken en est-il à chaque fois la cause ?

Hoseok l'observa longuement. L'homme qu'il avait en face de lui n'avait rien à voir avec celui d'autrefois. Celui qu'il avait sous ses yeux, actuellement, était l'enfant qu'il avait connu. Un enfant terrorisé à l'idée de se faire dévorer, de blesser les siens, voire plus.

Hoseok s'avança jusqu'à lui avant de poser ses mains sur ses épaules. Pour la première fois, Taehyung vit un sourire sur le visage de son camarade. Ce n'était pas le sourire immense d'antan, mais il n'était pas factice. C'était un sourire d'encouragement.

Hoseok laissa son coeur saigner à l'intérieur de lui en repensant au innombrables scénario qu'il avait vu et qui scellerait leurs destins.

Un seul.

Un seul leur accorderait la paix et la victoire.

Et le capitaine du Nisea ferait tout ce qui était en son pouvoir pour faire de cette chimère, une réalité.

Son regard divague sur la droite et il constate qu'ils sont enfin arrivés au lieu qu'il avait vu dans sa vision. Il offre alors un clin d'œil à Taehyung.

–  Suis-moi.

Sans comprendre, le bleuté suivit les pas de son aîné, se bataillant avec les feuilles immenses des bananiers, avant de réaliser qu'il l'avait emmené dans une source magnifique. Son bleu lagon était ensorcelant et la petite chute qui l'éclabousse avait quelque chose d'étrangement attirant pour Taehyung. Il était épris des rayons du soleil se couchant à la surface de l'eau, déposant des millions de diamants sur celle-ci, comme une couverture divine.

–  Tu n'en sera pas la cause, Taehyung.

Le bleuté se tourne en direction d'Hoseok et fronce les sourcils. Avant qu'il ne puisse se poser plus de questions, le capitaine du Nisea le devance, le surprenant de par sa demande.

–  Déshabille-toi.

Taehyung ouvre grand la bouche, perplexe, avant qu'un sourire sardonique ne se plaque sur son visage en comprenant au fur et à mesure la situation.

– Tu n'avais pas en tête de chercher l'âme de Démétrius, n'est-ce pas ?

– Non, en effet.

Le capitaine de feu l'Éphyra observe quelques instants l'eau derrière lui avant de concentrer son attention sur son camarade. Soudain, il se sent nerveux, comme pris au piège. Hoseok le remarque bien, il l'avait prévu après tout.

–  Ne veux-tu pas mettre un terme à tout cela ? Ne rêves-tu pas que tout redevienne comme avant ?

Taehyung sent la manipulation dans les paroles de son aîné et il se demande comment peut-il bien lui dire ces mots, tout en sachant pourtant très bien que rien ne redeviendra jamais comme autrefois.

–  Tu sais ce que je suis, comment cela pourrait-il être possible ?

Hoseok le sait.

– Je ne te parle pas de toi, je te parle de ce que tu as déjà perdu il y a tant d'années.

Taehyung écarquille les yeux. Aussitôt, sous ses paupières, se manifestent deux orbes étincelants, des étoiles merveilleuses. Son cœur se compresse. S'il avait d'abord pensé à Jungkook, bien vite, c'est le visage de chacun de ses anciens amis qui le nargue sans vergogne. Il ne peut s'empêcher de repenser à leurs éclats de rire réunis, à la joie...Et là, il réalise. De toutes ses forces, il cherche à se souvenir quelle sensation est-ce, la joie. Et il constate avec épouvante qu'il ne la connaît plus. C'est comme une langue étrangère, apprise dans l'enfance, qu'on a oublié et qu'on sait seulement avoir connue.

–  Tu l'as vu ? bredouille maladroitement Taehyung. C'est possible ?

Hoseok hoche lentement la tête. Alors, Taehyung regarde une dernière fois l'eau avant de soupirer lourdement. Tout en fermant les yeux et sous le regard curieux de son camarade, il enlève un à un ses vêtements. Lorsque son torse est dévoilé à la vue d'Hoseok, celui-ci détaille plus longuement le sablier dessiné sur son pectoral gauche. Il a envie de s'approcher, de le toucher, mais il ne fait rien. Il reste là, dans l'attente du plus important. Quand Taehyung retire enfin son pantalon, le capitaine du Nisea dévale à une vitesse affolante l'entièreté de son corps.

Lorsque son regard se dirige vers son sexe, il écarquille les yeux. Comme dans sa vision, l'horreur prend possession de ses traits, la perplexité, aussi. Et en observant la totalité du corps de son cadet plus longuement, il finit par être ébahi. Il se sent étrange, comme fiévreux. Taehyung se contente de le fixer, neutre. Et cette observation malsaine continue encore quelques temps avant que Taehyung ne claque sa langue contre son palais.

–  La vue te plaît ?

Hoseok rougit brusquement avant de bafouiller des mots incompréhensibles. Taehyung réalise alors qu'il se souvenait avoir effectué une réaction aussi étrange chez Jimin. Ses anciens amis, lorsqu'ils posaient un regard un peu trop prononcé sur sa personne, se mettaient à agir étrangement. Ça faisait la deuxième fois que Taehyung voyait les ravages de ce pouvoir de malheur.

Soudain, il se rappela de ce que Namjoon lui avait dit, peu avant que celui-ci ne se confesse sur son pouvoir.

–  Jimin et Jungkook, aussi...

Hoseok fronce les sourcils avant d'inciter d'un signe de tête son cadet à en dire davantage.

– Jimin semblait obnubilé et..., il se mord la lèvre avant de secouer la tête. J'ai embrassé Jungkook.

Hoseok réfléchit quelques instants, en repensant à ce que Yoongi lui avait dit, lui qui avait tout vu. Il pressenti que cela n'avait rien à voir.

–  Jungkook s'est évanoui après.

Taehyung écarquille vivement les yeux, à court de mots. Jungkook s'était évanoui après qu'il l'ait embrassé ? Tant de questions tournaient dans sa tête. Pourquoi le plus jeune s'était-il laissé faire alors qu'il est évident que cet acte était la dernière chose qu'il souhaitait ? Pourquoi lui l'avait-il fait ? Il tenta de chercher au fond de sa mémoire, mais rien. Le néant. C'est comme si, lui, n'avait jamais été une part de ce souvenir.

–  Je pense que pour Jimin et moi, c'est plus similaire. Si tu t'en souviens encore, c'est que ce n'est pas une preuve de la manifestation de ton pouvoir. Du moins, pas de façon intense.

– Alors pourquoi ?

Hoseok longea encore une dernière fois ses courbes alléchantes avant de détourner le regard, coupable.

– Tu es magnifique.

Les deux grimacent de concert. Hoseok n'aurait jamais cru dire cela de son cadet un jour et le bleuté n'aurait jamais cru entendre de tels mots sortant de la bouche de l'auburn. Ce compliment sortit à contre cœur mit les deux seigneurs des mers mal à l'aise. Pourtant, c'était la vérité. Taehyung avait toujours été magnifique. Mais autrefois, il possédait une beauté masculine, virile. Celle d'aujourd'hui était plus ambiguë, plus divine et semblait charmer tous les êtres humains, hommes ou femmes.

–  Pour ce qui est de Jungkook, c'est comme si tu l'avais hypnotisé, d'après Yoongi. Dans quel but ? Nous n'en avons aucune idée.

– C'était une partie de mon pouvoir ?

Taehyung semble bien loin d'être préoccupé par sa nudité. S'il l'était auparavant, il était vite devenu à l'aise. Il ne sait pas si c'est parce qu'il faisait confiance à Hoseok, si c'était à cause de leur relation du passé ou parce que l'auburn prenait garde à ne pas laisser son regard divaguer autre part que son visage, mais il ne ressentait plus aucune gêne.

– Je ne sais pas ce que c'était, Taehyung.

Hoseok semblait irrité. Non pas contre son camarade, mais contre ce nouveau mystère qui venaient épaissir sa personne. Il secoua la tête, pressentant que le moment qu'il avait tant attendu était enfin arrivé.

–  Va dans l'eau.

Taehyung hoche la tête avant de se retourner dos à son aîné. Lorsqu'il commence à poser son pied dans la source, Hoseok ne peut que remarquer une autre partie de son anatomie qui le laisse complètement et simplement bouche-bée. Il voit les fossettes qui se creusent dans le bas de son dos, ses hanches délicates et la rondeur de ses fesses.

– Merde, laisse-t-il échappé, hébété.

Aussitôt, Taehyung le regarde par-dessus son épaule.

–  Qu'est-ce qu'il y a ?

Hoseok se racle la gorge avant de fixer un point au loin.

–  Rien, rien...

Une fois que Taehyung se retrouve complètement dans l'eau, seulement sa tête dépassant hors de la source, celui-ci s'amuse à gratter les petits cailloux sous ses pieds. De ses doigts, il touche ses cuisses étant devenue infiniment plus douces. Il se sent bien, il se sent presque revivre. L'eau est comme un second souffle pour lui. Ainsi, il laisse un sourire béat étiré ses lèvres.

– Prêt à découvrir ton pouvoir ?

Taehyung papillonne des cils, sentant alors que, grâce à une force miraculeuse, de fines petites gouttes s'étaient logées sur ceux-ci. Il hoche la tête, avant qu'une question importante ne perce son esprit.

–  Mais, le sablier ? Je...

Hoseok se mord l'intérieur de la joue avant de s'approcher de la source et de s'agenouiller face à son compagnon. Avec douceur, il pose sa main sur sa tête.

– Tu ne vas pas mourir, Taehyung. Tu ne mourra pas, je te le promets. Fais-moi confiance.

Taehyung avait toujours pressenti, dès la première fois qu'il l'avait vu, que ce sablier n'était là que pour signaler chaque étape de son déclin. Peut-être que ce n'était pas le cas.

– C'est de la peur, je le comprends. Mais puise dans ton courage. Le courage, c'est ce qui te poussera à aller de l'avant, à embrasser une autre destinée...Ton courage c'est l'espoir, Taehyung.

Le bleuté le dévisagea quelques instants. Il avait toujours cru, jusqu'alors, que son pouvoir était trop fort pour lui. C'était peut-être bien la vérité. Hoseok semblait en être effrayé et, lui-même, sans en connaître les profondeurs, le craignait. Mais les paroles de l'auburn laissaient à penser qu'il pouvait le contrôler.

– Tu ne l'as jamais utilisé ? s'assure Hoseok.

Taehyung secoua négativement.

– Pas de mon plein gré, du moins. Je sais ce que je suis devenu, mais je ne sais pas de quoi je suis capable. J'ai juste...senti que c'était un pouvoir dangereux.

Hoseok hocha lentement la tête. Taehyung n'avait utilisé une minime partie de son pouvoir qu'une seule fois, lorsqu'il avait embrassé Jungkook. Lorsqu'il se rappela la façon dont il s'était déclenchée, il se redressa avant de se reculer légèrement.

– Je veux que tu fermes les yeux et que tu penses à quelque chose qui te rende heureux. Un souvenir, une personne, n'importe quoi.

Taehyung acquiesce lentement avant de fermer les yeux. Quelque chose qui le rendait heureux...Il se rendit bien vite compte qu'il n'y avait rien. Que ce soit les personnes qui lui étaient cher ou les souvenirs précieux, Taehyung ne pouvait que se rappeler avec aigreur que tout avait tristement volé en éclats. Hoseok remarqua l'eau s'agiter légèrement autour de lui. Ce n'était pas encore assez. Ce n'était pas suffisant.

–  Pense à la confrontation entre Jungkook et Jimin.

Taehyung fronça les sourcils à ce souvenir encore si frais. À ce sentiment d'impuissance, de désespoir et de tristesse qui s'était emparé de son cœur. Voir ces deux êtres qu'il affectionnait tant se blesser de cette façon... Ça l'avait anéanti. Hoseok remarqua alors que l'eau autour de Taehyung commençait à prendre forme. Elle s'accrochait à lui, comme une protection et semblait s'infiltrer dans chacun des pores de sa peau. Des millions de gouttes s'élevèrent au-dessus de sa tête et tourbillonnaient, comme une tornade.

Hoseok réalisa que c'est dans le malheur que son pouvoir se manifestait le mieux. C'est avec précaution qu'il laissa alors ces mots s'échapper de sa bouche.

– Pense à Karael.

Profondément dans sa chair, Taehyung éprouve comme une douce ivresse, fruits d'essence rare et troublante. Ses yeux s'ouvre et, peu à peu, ses pupilles qui n'avaient de couleur que par intermittence, comme un feu à éclipse, se remplirent de ce bleu clair et plein d'âme que seules, entre tous les éléments, peuvent former la profondeur de l'eau et la profondeur du sentiment humain.

Hoseok est émerveillé par ce spectacle. Mais alors que le regard de son camarade arborait une couleur d'une pureté saisissante, un voile passe et assombrit ses prunelles. C'était bref, presque imperceptible. Hoseok relève alors vivement la tête pour voir que la tornade de gouttes n'est plus. Celle-ci s'est condensée jusqu'à ne devenir qu'une épaisse boule liquide et pourtant, bien compacte. L'auburn a à peine le temps de comprendre quoi que ce soit que celle-ci se dirige bien vite dans sa direction, volant à travers les airs.

Avant que sa tête ne lui soit arrachée, il a le réflexe inespéré de baisser son corps, la boule frôlant alors seulement ses cheveux, réduisant à néant l'une de ses mèches. Il se tourne et voit alors le résultat d'une infime partie du pouvoir de Taehyung. Les arbres tombent, le vent se lève, des millions de cristaux pluvieux leur tombent dessus. Le capitaine du Nisea observe avec fascination le sentier de fortune qui s'étend à perte de vue.

–  Ne le mentionne pas. Plus jamais.

Hoseok se tourne vers cette voix qu'il ne reconnaît pas avant de se faire aspirer par les deux grands saphirs qui épousent le regard de l'être quasi divin face à lui. Taehyung est scandaleusement fabuleux, impérieux et dangereux.

En voyant ce qu'il avait engendré, l'auburn se fait une promesse.

Les divinités naissent ichor et nectar, et leur excellence déborde déjà du bout de leurs doigts. La plupart trouvent leur renommée en prouvant ce qu'ils sont capables de gâcher : en détruisant toute nature, initiant des guerres et engendrant des monstres.

Malgré tout, Hoseok se fait la promesse que Taehyung ne sera pas un descendant du chaos.

𓁼

Rien ne confère plus à la figure de Yoongi une supériorité morale sur tous les autres marins de son temps que cette volonté d'humanité. C'était une nature austère. Il faisait régner une discipline de fer dans sa flotte. Mais s'il était dur, il fallait cependant lui rendre cette justice qu'il n'a jamais été cruel.

À l'instar de son cadet.

Jungkook ne connaissait ni l'indulgence, ni la retenue. Que ce soit dans les récits qu'il a entendu par le passé ou cette preuve qu'il a eu juste sous ses yeux, en tuant l'un de ses hommes de sang-froid, Yoongi avait réalisé que le plus cruel des sept seigneurs des mers, c'était lui.

Étrangement, en sachant ce qu'il était devenu, une part de lui regrette amèrement ce passé où il lui avait enseigné vigoureusement le maniement des armes. Mais le passé reste le passé. S'ils avaient su, des années auparavant, ce qu'ils seraient advenus d'eux, peut-être que leur décision aurait été différente. Peut-être auraient-ils fait le triste choix de ne jamais partir d'Alagaesia. Dans cette île du malheur, du désespoir, ce purgatoire sans grâce ni justice. Mais c'est des ténèbres de l'inconscient que jaillissent, comme des éclairs, les décisions essentielles et c'est dans les profondeurs de ce monde des instincts que se préparent les cataclysme qui, soudain, bouleversent les destinées.

Ainsi ils étaient partis. Ainsi, ils avaient naïvement suivi le plus âgé d'entre eux dans cette quête qui leur avait coûté cette amitié, cette fraternité, dix années auparavant.

Il le suivait docilement, observait sa silhouette qui s'avançait d'un pas sûr à travers cette jungle dangereuse et imprévisible, empreint d'un sentiment de profonde tristesse. Autrefois, Jungkook aimait avec tellement de passion que ça embellissait le monde. Désormais, il se cache, dissimule son coeur à tous, en particulier à ceux qui avaient, jadis, fait partie de sa vie.

Ils n'avaient échangé aucun mot et le chantonnement des oiseaux, le craquèlement d'une branche, étaient les seuls sons qui rythmaient leur marche.

Jungkook, lui, est enfermé dans ses songes obscurs. Il marche de manière instinctive, sans même prendre le temps de savoir où il va. Il repense au passé, aux innombrables fois où il s'est vu mourir. Sa résurgence de la vie est violente, abominable. Il repense à ce qu'il a traversé durant quatre années. À ses jours sombres qui, aujourd'hui, guident machinalement ses pas. Il a voulu mourir, oui. Mais il n'y a jamais pu s'y résoudre. Sa souffrance, finalement, était lâche. Car elle reculait devant la puissance du vouloir-vivre qui était ancré plus fortement dans sa chair que toute la passion de la mort ne l'était dans son esprit.

Yoongi a envie de lui parler, mais il n'ose pas. Il préfère l'observer curieusement, admirer ce gamin qu'il ne connais plus, dont il ne sait rien.

Soudainement, le capitaine du Néoméris entend le bruit d'une cascade au loin. De là où il est, il peut presque entendre le bruit de l'eau se fracassant sur la pierre. Jungkook prend sa direction et Yoongi le suit, comme depuis le début, en silence.

En voyant, à travers son voile noir, cette chute d'eau face à lui, cet écoulement aérien liquide, Yoongi est presque tenté de retirer ce masque sombre pour l'admirer. Il veut tendre sa main, sentir la puissance de l'eau frapper sa peau. Mais il ne le fait pas. Par honte. Par peur.

Il observe cette chute d'eau, obéissant aux lois de la gravité en descendant à vitesse croissante, s'accompagnant d'un certain éparpillement et évaporation des gouttelettes, formant un magnifique arc-en-ciel, avant de retrouver ensuite son cours régulier de torrent.

Mais il n'a pas le temps de s'y attarder plus que ça. À côté de la cascade, se trouve une grotte. Sans qu'il ne puisse prévoir quoi que ce soit, Jungkook s'y enfonce. Sa silhouette, totalement vêtu de noir, disparaît alors dans les ténèbres de cette caverne humide.

Et là, Yoongi réalise.

«L'âme tant convoitée se trouve dans les ténèbres et l'humidité.»

Yoongi a à peine le temps de comprendre ces paroles qu'aussitôt, son cadet ressort, tenant entre ses mains un coffre de bois. Jungkook l'observe, de son regard éteint, apathique.

– La voilà.

L'existence du capitaine du Limnoria semblait être une éternité glacée de chagrin infini. Yoongi écarquille les yeux en voyant que l'âme de leur grand ennemi était juste là, sous leurs yeux et entre leurs mains. Ça avait été d'une telle facilité... Peut-être trop, justement.

Alors qu'ils viennent à peine de sortir de la jungle pour rejoindre la plage, Yoongi marchant devant, le capitaine du Néoméris ne peut s'empêcher de ressentir de la pitié pour son cadet. Parce qu'il avait fait, grâce à l'inattention du plus jeune, la découverte d'une vérité bouleversante.

–  Même si ma vue est obscurcie, je te vois, Jungkook.

Le capitaine du Limnoria lève lentement la tête avant de dévisager le dos de son aîné à quelques mètres de lui.

–  De quoi parles-tu ?

Yoongi soupire, le cœur au bord des lèvres. Oui, il le voit. Il a remarqué son expression, cette douleur dans le fond de ses prunelles, cette torture qui affaisse le coin de ses lèvres depuis qu'ils ont posé pieds à terre.

– J'ai remarqué, tu sais ?

Les bras de Jungkook retombent mollement contre son corps. De sa main gauche, il tient lâchement la anse du coffre et de sa main droite, il caresse la poignée de sa dague.

Yoongi secoue la tête. Oui, il est humain. Oui il est indulgent. Peut-être l'était-il un peu trop, justement. Dans la mystérieuse alchimie des sentiments qui l'assaillent, sa pitié pour l'être impuissant qu'est le noiraud se colore insensiblement de tendresse.

–  Jungkook, comment...Comment pouvais-tu savoir où elle se trouvait ?

Les autres seigneurs auraient sans aucun doute réagi différemment s'ils avaient réalisé ce fait. C'était une évidence. Ils étaient les premiers à revenir sur le rivage. Le soleil était encore bien haut dans le ciel et eux était là, l'âme de Démétrius dans leurs bras. Jungkook avait su où aller. Instinctivement, il s'était dirigé à l'est, sans qu'aucune trace d'hésitation ne vienne teinté le rythme de sa marche. Yoongi entend alors un rire derrière son dos. Un rire nerveux, teinté d'effroi.

–  Je ne le savais pas.

Yoongi détaille le sable sous ses pieds et remarque alors la présence d'un crabe juste à ses côtés, qui marche, inconscient de ce qui se déroulait, ignorant de ce passage inutile de son existence et pourtant si important pour ces deux hommes.

–  Je crois que si, tu le savais parfaitement. D'ailleurs, je pense qu'il y a bien des choses que tu sais.

Yoongi s'apprête à se retourner en direction de son cadet, mais quelque chose l'en empêche. Sa respiration se coupe, ses yeux se rétrécissent et une douleur diffuse se fait sentir dans son flanc droit. C'est une douleur aiguë, abominable. Ses mains se mettent à trembler imperceptiblement et, avec effroi, il tâte son corps.

En sentant la lame de Jungkook ancré profondément dans sa hanche, Yoongi échappe un gémissement de douleur. En serrant les dents, il retire la dague de son corps et la laisse retomber sur le sable, celle-ci venant taché les grains d'un blanc paradisiaque de son sang. Lorsqu'il voit ses mains teintées de ce liquide pourpre, le capitaine du Néoméris ne peut que relever la tête et observer avec résignation l'expression impartiale, froide de Jungkook, avant de s'effondrer au sol.

Jungkook est un homme qui a souffert. Et un homme qui a souffert finit par se faire respecter par la souffrance. Depuis lors, son cœur devient hermétique à tous les actes ignobles qu'il commet.

𓁼

–  Ça fait des heures qu'on attend ! se plaint Jimin, assis sur un rocher.

Le blond observe tour à tour ses aînés, passant de l'expression pensive de Namjoon à la concentration ridicule de Seokjin qui, sûr de lui, avait son regard résolument ancré sur sa boussole.

–  Je pensais que tu l'avais dressé, ce volatile, grommelle-t-il.

Seokjin secoue légèrement son compas avant de refermer le clapet et de se retourner en direction du capitaine de l'Ianeira.

– Monsieur Papagallo n'est pas un oiseau comme les autres. Je ne peux pas dicter ses moindres faits et gestes, il a une conscience.

Jimin se retient de lever les yeux au ciel. Ennuyé, il s'empare d'un petit caillou qui se trouvait à ses côtés avant de s'amuser distraitement avec. Namjoon a l'air tout autant accabler que lui, mais il ne dit rien. Lorsque le blond remarque que Seokjin a de nouveau donné tout son intérêt à sa boussole douteuse dont l'aiguille n'avait de cesse de s'affoler, il jette le caillou sur le torse du châtain qui s'offusque de cette offensive.

–  Mais qu'est-ce que tu fais ?

Jimin se lève avant de mettre ses mains sur ses hanches, l'expression colérique.

–  Si j'avais su que partir avec toi serait une telle plaie, je serais allé avec les autres !

Namjoon le regarde en biais, ennuyé, avant d'esquisser un sourire paresseux.

–  Tu aurais préféré être avec Jungkook ?

À la mention du capitaine du Limnoria, Jimin arbore instinctivement une expression de dédain. Il ne peut que se rappeler parfaitement la façon dont Jungkook l'avait salement amoché, il y a quelques jours. Depuis c'est à peine si les deux hommes se regardaient. Il repense aussi à l'intervention héroïque de Yoongi. Même si celui-ci l'avait mis à terre, il a empêché le blond de commettre une erreur monumentale, mortelle. Il a honte, en réalisant qu'aveuglé complètement par la colère, celui-ci était prêt à appeler les siens, mettant ainsi la vie des autres en danger. Mais Jungkook le rendait tout simplement dingue.

– Plutôt crever, peste-t-il. Yoongi en a, du courage.

– C'est bien ce qu'il me semblait, chuchote Namjoon.

Ainsi, il retourne dans ses pensées, tentant de décortiquer l'énigme de Callie. La question de humidité ne laissait pas place au doute : l'âme de Démétrius se trouvait près de l'eau. Mais nombreux étaient les coins de cette jungle renfermant cascade, rivière et source. Les faire une à une leurs prendrait des jours. Intérieurement, il espérait que Yoongi et Jungkook soient dans la bonne direction.

–  J'espère que Taehyung et Hoseok s'en sortent mieux...

À ces paroles, Namjoon et Seokjin échangent un rapide regard avant de laisser s'étendre un long silence. Les deux aînés savaient que cette équipe n'avait pas pour but de trouver l'âme de Démétrius. Le capitaine de l'Apseudès était inquiet quant au fait de savoir Hoseok, seul avec Taehyung. Mais il savait aussi qu'il était sans aucun doute le seul membre le plus à même de comprendre les pouvoirs démesurés du bleuté. Namjoon savait aussi qu'à un moment donné, il leur faudrait avertir Jimin et Jungkook. Si ce que croyait Hoseok s'avérait être vrai, la réaction du plus jeune d'entre eux serait la plus à craindre.

Namjoon sens un mal de tête pointé le bout de son nez à force de trop réfléchir. Il en a assez, d'être sans arrêt inquiet et angoissé. Ainsi, il décide de s'allonger à même le sol sous la surprise de ses deux camarades. Le soleil l'aveugle alors, dans une moue, il pose son avant-bras à travers ses yeux, attendant que Seokjin ne se décide enfin à faire quelque chose. S'il fallait attendre que les dernières lueurs du jour ne transperce le ciel avant qu'ils ne se mettent en mouvement, Namjoon allait encore attendre longtemps. Prêt à s'octroyer une sieste, il remarque cependant, avec sa faible vision, du mouvement dans le ciel. Il dégage son avant-bras avant de découvrir le pelage éclatant de couleur du perroquet de Seokjin juste au-dessus de leurs têtes.

– Le voilà, souffle-t-il.

Jimin lève la tête à son tour et laisse échapper un râle d'entre ses lèvres, comme si l'apparition de l'oiseau venait de le délivrer d'une prison.

–  Je vous ai dit qu'il reviendrait, sourit Seokjin.

Laisser Monsieur Papagallo survoler la jungle en éclaireur leur aurait permis de gagner un temps considérable. Alors que Seokjin s'apprête à se lever, bien décidé à suivre son oiseau qui les emmènerait à chaque point d'eau le plus proche, il se fige soudainement lorsque celui-ci laisse entendre son cri strident.

– Danger ! Danger !

Jimin fronce les sourcils, inquiet. Le perroquet répète ces mots inlassablement avant de voler jusqu'en direction de leur point de rendez-vous. Namjoon suit ses battement d'ailes du regard, avant de réaliser.

–  Il va sur la plage.

Namjoon se tourne vers son aîné et remarque alors que l'expression du capitaine du Callianeira se fait grave.

–  Il est arrivé en direction de l'est, sonne-t-il.

Jimin comprend aussitôt. Ses yeux s'écarquillent et, brusquement, son corps se tourne en direction de la plage, un mauvais pressentiment rongeant ses entrailles.

–  Yoongi et Jungkook.

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Mon dieu, je suis désolé pour ce retard, c'est vraiment abusé. Trois mois... Surtout pour une fic comme celle-là c'est galère parce qu'on se souvient plus de rien (lecteurs comme auteurs qui écrivent au feeling alias me mdrr). Bref, j'espère que vous n'êtes pas trop perdu et qu'il n'était pas trop naze, j'avoue que j'suis pas satisfaite mais bon, on avancera jamais sinon.

Gros bisous (j'espère que vos vacs étaient cools)